Kerala : face aux musulmans, l’Eglise défend ses droits

Source: FSSPX Actualités

Mgr Andrews Thazhath, archevêque métropolitain de Thrissur

Une fois n’est pas coutume, l’Eglise catholique de rite syro-malabar parle d’une seule voix, et qui plus est, afin de soutenir une série d’amendements législatifs proposés par le parti nationaliste hindou – le Bharatiya Janata Party (BJP) – formation politique majoritaire dans le pays, qui a fait de l’éradication de toute religion non hindoue son credo.

En cause, une loi datant de 1954, amendée en 1995, afin de faciliter la gestion des propriétés confiées aux musulmans à titre gracieux dans le cadre du waqf. En droit islamique, il s’agit d’une donation faite à perpétuité par un particulier à une œuvre d’utilité publique, pieuse ou charitable, ou à un ou plusieurs individus.

Le bien donné en usufruit est dès lors placé sous séquestre et devient inaliénable. Le waqf – appelé habs dans les pays du Maghreb – est une pratique traditionnelle dans le droit islamique qui subordonne l’usage de la propriété privée au bien général de la cité, comme indiqué dans le Coran.

Le waqf donne lieu depuis plusieurs années à un contentieux entre musulmans et catholiques dans l’Etat du Kerala, Etat du Sud-Ouest de l’Inde situé sur la côte tropicale du Malabar, où est établie principalement l’Eglise syro-malabare. Les catholiques accusent les disciples de Mahomet de profiter de la loi sur le waqf pour s’approprier de façon illégale les biens des chrétiens.

Une situation que résume Mgr Andrews Thazhath, archevêque de Thrissur et président de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCI) dans une lettre adressée aux députés du Lok Sabha, autrement dit la chambre basse du Parlement indien.

« Dans le district d’Ernakulam au Kerala, de nombreuses propriétés qui ont appartenu à des familles chrétiennes pendant des générations dans les villages de Cherai et Munambam, ont été illégalement revendiquées par le conseil d’administration du waqf, ce qui a conduit à des batailles juridiques prolongées et au déplacement des propriétaires légitimes. Environ 600 familles sont menacées.

« Ces personnes appartiennent à la communauté des pêcheurs déjà marquée par la pauvreté. Une église paroissiale catholique, un couvent et un dispensaire risquent également d’être évacués sur décision du conseil d’administration du waqf », écrit l’archevêque dans son courrier daté du 10 septembre 2024, et relayé par le site d’informations religieuses anglo-saxon Crux.

Introduits durant l’été dernier, les amendements du BJP prévoient d’inclure des non-musulmans – dont deux femmes – au conseil d’administration du waqf, afin d’établir un contrôle plus équitable sur les transferts de bien à destination de la communauté musulmane.

De quoi faire bondir Asduddin Owaisi, l’homme à la tête du parti musulman All India Majlis Ittehad ul Muslimeen (AIMIM) qui dénonce « une fausse propagande de la part du BJP qui prétend que les biens du waqf dépendent du gouvernement ».

Pour le P. Kuriakose Mundadan, secrétaire du Conseil presbytéral de l’archidiocèse d’Ernakulam-Angalamy, une modification de la loi de 1995 est nécessaire : « La “loi Waqf” de 1954 et ses amendements en 1995 et 2013 donnent des droits exorbitants au conseil d’administration du waqf sur les terres », proteste le prêtre auprès de Crux.

« Cette loi doit être modifiée de manière équitable. L’article 3 de la loi de 1995 sur le waqf stipule que si le waqf pense qu’un terrain appartient à un musulman, il peut le revendiquer et cela ne peut être remis en question, même devant la Cour suprême de l’Inde », a expliqué le P. Mundadan.

« Il n’y a aucune loi de cette sorte, même dans un pays islamique de notre époque. Le gouvernement indien doit donc répondre à l’appel des 600 familles de manière constitutionnelle », a-t-il conclu.

De leur côté, les catholiques de Munambam ont prévu plusieurs manifestations cet automne à Cochin, capitale du Kerala, afin de faire valoir leurs droits contre les prétentions de la communauté musulmane.