La béatification de Jean-Paul II
Benoît XVI a suspendu le délai obligatoire de cinq ans avant l’ouverture de la cause de béatification et de canonisation de son prédécesseur Jean-Paul II.
Cette annonce a été faite lors de la première audience du pape au clergé de Rome, dans la basilique Saint-Jean-de-Latran, le 13 mai, jour de la fête de Notre-Dame de Fatima et 24e anniversaire de l’attentat manqué contre le pape polonais.
Il revient au pape seul de lever le délai de cinq ans avant l’ouverture d’une cause, délai voulu par Jean-Paul II lui-même dans la Constitution apostolique Divinus perfectionis Magister, publiée en 1983. Ce document visait à simplifier la procédure de reconnaissance d’un saint. Les normes actuelles requièrent un délai de cinq ans après la mort de la personne ; il s’agit, selon le préfet de la Congrégation pour la cause des saints, le cardinal Saraiva Martins, d’une "règle de prudence, pour tempérer l’émotion qui accompagne généralement la mort des grands personnages de l’Eglise".
Mgr Edward Nowak, secrétaire de la Congrégation pour la cause des saints, avait estimé pour sa part, le 11 avril dans le Corriere della Sera, qu’il semblait "vraisemblable" que le prochain pape "puisse proclamer saint assez rapidement" Jean-Paul II, reconnaissant valide "l’acclamation populaire" qui a eu lieu le jour de ses funérailles. Ainsi, le 8 avril, des fidèles brandissaient place Saint-Pierre des banderoles portant l’inscription "Santo subito", réclamant la canonisation immédiate du pape défunt. A l’origine des banderoles apparues lors des funérailles, le mouvement italien des Focolari avait exprimé le désir que les longues procédures en vue d’une béatification du pape défunt soient abrégées. Dans le même temps, les témoignages de miracles attribués au pape polonais avaient afflué au Vatican.
Réagissant auprès de l’agence I.MEDIA à l’annonce de l’ouverture du procès de béatification de Jean-Paul II, le théologien de la Maison pontificale, le cardinal suisse Georges Cottier, a affirmé qu’il le considérait déjà comme un saint : "Il y avait chez lui une inspiration de l’Esprit Saint, de même que dans la façon dont il a vécu sa maladie. Qu’on parle de sainteté ne me choque nullement".
Le cardinal Cottier a aussi évoqué un procès qui pourrait être long, car Jean-Paul II "a beaucoup écrit". "C’est un pontificat très long qui a changé beaucoup de choses dans la vie de l’Eglise", a-t-il souligné. Il a alors pris l’exemple du procès de béatification de Paul VI (1963-1978), ouvert en 1994. Compte tenu de ses nombreux écrits, "c’est un procès qui avance tranquillement", a-t-il conclu.
En Pologne, l’annonce de l’ouverture immédiate de la procédure de béatification de Jean-Paul II, le 13 mai, a été accueillie par des réactions de liesse. Au moment où la radio nationale a diffusé la nouvelle, le 13 mai à midi, de nombreux automobilistes ont spontanément klaxonné à Varsovie. La chaîne TVP 3 a diffusé durant des heures sans interruptions une bande écrite relatant la nouvelle. Dans tout le pays, la future béatification de Karol Wojtyla a été le principal thème de discussion dans les rues et les commerces.
Le lendemain de l’annonce, dans La Repubblica du 14 mai, le cardinal Saraiva Martins a déclaré : "Le pape Wojtyla a été un Evangile vivant, un exemple de sainteté. Il a pris au sérieux l’Evangile, dans sa radicalité et dans ses conséquences. (…) Sans réduction, comme il le disait lui-même". Jean-Paul II a fait de la souffrance un instrument d’évangélisation, a souligné le cardinal. "Dans un monde bombardé de paroles, il a fait comprendre que la souffrance n’est pas une absurdité et n’est pas non plus inutile, mais est précieuse pour la vie". Pour le prélat, la foi du pape n’était pas "abstraite, mais concrète, existentielle… (elle) s’identifiait à la vie quotidienne et à son ministère".
Le préfet de la Congrégation pour les causes des saints a aussi évoqué l’initiative spontanée de nombreux cardinaux en faveur d’une pétition, pendant la vacance du siège apostolique, pour demander au futur pontife d’ouvrir le procès de béatification de Jean-Paul II. "Les signatures furent nombreuses", a-t-il reconnu. "La pétition exprimait le sentiment des cardinaux qui se préparaient au conclave et le sentiment des fidèles réunis place Saint-Pierre".
Interrogé sur les miracles attribués au pape défunt, il a souhaité ne pas en parler, parce qu’il faut d’abord soumettre chaque cas aux médecins et entendre leurs avis. "Mais il est vrai que sont arrivés au Vatican des reconnaissances de grâces reçues", a-t-il déclaré, ajoutant que dans le procès de béatification, seuls les miracles accomplis après la mort sont valides. Il a aussi évoqué les "très nombreux" courriels et lettres parvenus au Saint-Siège pour solliciter la canonisation immédiate de Jean-Paul II.
Expliquant la procédure, il a indiqué que techniquement, le vicariat de Rome doit procéder dès maintenant à l’ouverture du procès et à la nomination d’un postulateur. Puis, commencera le recueil des documents, et dans un second temps, l’audition des témoignages sur les vertus héroïques de Jean-Paul II. Le cardinal n’est pas en mesure de dire si le procès sera long ou non.