La fronde des catholiques syro-malabars du Kerala

Source: FSSPX Actualités

Intérieur d’une église syro-malabare dans le Kerala

La tension continue de monter entre les fidèles de l’archidiocèse d’Ernakulam-Angamaly (Kerala, Inde) : le 1er octobre 2022, plusieurs membres du Mouvement archidiocésain pour la transparence (AMT) ont manifesté leur mécontentement en brûlant publiquement une circulaire de l’administrateur apostolique devant le domicile de ce dernier.

Depuis la fin du mois de septembre, Mgr Andrews Thazhath bénéficie d’une imposante protection policière pour ses déplacements et les réunions auxquelles il assiste : car la situation est explosive.

Et pour cause, la pilule a du mal à passer du côté de l’AMT, une association qui regroupe des laïcs et des prêtres opposés à la restauration de la liturgie syro-malabare entamée dans le diocèse : mais dans ce combat, les « tradis » ne sont pas forcément ceux qu’on croit…

Pour saisir toute la complexité de la situation, il faut se rappeler que deux courants sont nés, dans la première moitié du XXe siècle en Inde, au sein de l’Eglise catholique de rite syro-malabar – la deuxième, par son importance, des 23 Eglises catholiques orientales unies à Rome, après l’Eglise grecque-catholique ukrainienne.

Deux courants opposant ceux qui souhaitent une restauration du rite selon la tradition syro-orientale, et ceux qui en appellent à une inculturation à la mode indienne, afin de se rapprocher des origines liturgiques supposées, d’une Eglise fondée par l’apôtre saint Thomas.

C’est au nom de cet archaïsme liturgique qu’est apparue la célébration de la messe face au peuple, entraînant un chaos tel que l’unité de l’Eglise locale en a été remise en cause.

En 1999, un synode syro-malabar, par souci de compromis, décida unanimement, avec l’approbation du Saint-Siège, que le prêtre célébrerait la messe face au peuple jusqu’à l’offertoire exclu, puis versus orientem jusqu’à la communion : une disposition contre laquelle certains prêtres et des fidèles freinent des quatre fers, voulant garder « leurs traditions ». Traditions, ne remontent qu’à un demi-siècle…

Les membres de l’AMT, opposés à la tentative de restauration approuvée par Rome, prétendent quant à eux représenter la majorité du clergé de l’archidiocèse, et n’entendent pas céder à ceux qui voudraient leur faire cesser de célébrer la messe face au peuple, tout au long de la liturgie.

Aussi ont-il littéralement inondé le Vatican de pétitions demandant la reconnaissance de la célébration face au peuple comme une « variante liturgique ».

Mais Rome ne l’entend pas de cette oreille. Dans une lettre datée du 20 septembre 2022, le cardinal Leonardo Sandri, préfet du Dicastère pour les Eglises orientales, a signifié un « non » catégorique aux demandes des opposants à la réforme : « Une variante liturgique pour l’éparchie d’Ernakulam-Angamaly est donc exclue », a écrit le haut prélat à Mgr Thazath.

Et le cardinal Sandri d’ajouter : « Tout en laissant au souci pastoral de votre grâce le soin de décider de mesures particulières, il semble nécessaire de mettre immédiatement fin à la confusion sur les principes, et de préciser que tous les évêques, prêtres, religieux et laïcs sont tenus de se conformer à la décision synodale sur la sainte liturgie. »

Et pour joindre la parole aux actes, Rome a décidé de destituer Mgr Antony Kariyil, un opposant à la réforme encouragée par le pape François.

C’est la circulaire rédigée par Mgr Thazath, pour rendre publiques les dispositions romaines, et qui devait être lue en chaire le 9 octobre 2022, qui a mis le feu aux poudres, allumant un incendie dont il est difficile d’imaginer les conséquences.

Ironie du sort : alors que Rome s’efforce d’étouffer la voix des fidèles attachés à une liturgie traditionnelle qui puise ses racines dans l’Histoire de l’Eglise, en imposant une autre liturgie fabriquée de toute pièce en 1969, les mêmes autorités souhaitent restaurer une liturgie syro-malabare plus conforme à la Tradition…