La légalisation du divorce divise les Philippins
Alors qu’un projet de loi visant à légaliser le divorce vient d’être approuvé par la chambre basse du Parlement de Manille, une récente enquête menée dans l’archipel révèle que près de la moitié des Philippins y sont opposés.
Le 22 mai 2024, un projet de loi, intitulé House Bill 9349, destiné à légaliser le divorce, a été adopté en troisième lecture « à la Chambre des représentants des Philippines par 131 votes “pour”, 109 “contre” et 20 abstentions », rapporte Foreign Policy (FP).
Si le Sénat se prononce aussi en faveur du texte dans les semaines qui viennent, le projet atterrira sur le bureau du chef de l’Etat, à charge pour ce dernier de l’approuver ou d’y opposer son veto. Cette dernière hypothèse semble toutefois peu probable car, Ferdinand Marcos, président des Philippines, n’a pas caché son souhait de voir le divorce légalisé dans son pays.
A l’heure actuelle, les Philippines sont, avec le Saint-Siège, l’un des deux derniers Etats où le divorce n’a pas d’existence légale. Seule « la minorité musulmane, 5% de la population, est autorisée à divorcer », rappelle FP.
Pour « les couples chrétiens qui font naufrage, il existe deux options : faire annuler leur mariage par un tribunal civil – en invoquant des motifs tels que la bigamie – soit demander la séparation de corps qui est permise dans les cas de violences physiques, d’adultère, d’abandon, d’homosexualité, ou de certaines addictions », poursuit FP.
Mais la légalisation du divorce, si elle semble souhaitée par le pouvoir politique, n’emporte pas vraiment l’adhésion des citoyens philippins : « un sondage mené par l’institut Oculum Research and Analytics qui a interrogé 1 200 personnes à travers le pays du 25 au 30 juin derniers, a révélé que 49% des sondés étaient opposés à la légalisation, et seuls 30% avaient exprimé leur approbation du projet de loi en cours d’examen », rapporte l’agence d’information Zenit.
« Les résultats indiquent une opposition substantielle à un élargissement généralisé du divorce aux Philippines », explique Racidon Bernarte, directeur d’Oculum, interrogé par Zenit.
L’enquête a aussi mis en évidence « que 51% des Philippins étaient favorables au divorce dans certains cas de détresse extrême, 31% demeurant opposés » même dans un tel contexte : la question semble cependant biaisée, car une loi, par principe, ne saurait être faite pour régir les exceptions.
Si le mariage est encore protégé aux Philippines, c’est en raison de l’influence de l’Eglise catholique qui s’efforce, autant que possible, de freiner les réformes progressistes en matière de mœurs : près de 80% de la population s’identifie comme catholique à ce jour.
Mais, ici comme ailleurs, la société se sécularise peu à peu, et le catholicisme perd du terrain. Si le projet de loi sur le divorce est finalement adopté, ce sera une nouvelle déconvenue pour l’Eglise : « en 2012, la contraception est devenue légale dans l’archipel, et que ce soit en 2016 ou en 2020, les Philippins n’ont pas suivi les recommandations de l’épiscopat, élisant à la présidence Rodrigo Duterte – qui avait violemment attaqué François durant sa campagne – puis Ferdinand Marcos, rappelle FP.
« Les classe populaires estiment que l’Eglise n’en fait pas assez pour eux et se tournent vers le pouvoir politique », explique le P. Jérôme Secilliano, curé à Manille, dans les colonnes de Foreign Policy, qui souligne que les jeunes Philippins sont plus enclins que leurs aînés à accepter les réformes sociétales et à prendre leurs distances avec la religion.
Sans parler des groupes pentecôtistes qui pullulent et qui prennent de plus en plus le pas sur l’institution ecclésiastique, n’hésitant pas à assumer un discours conservateur et décomplexé sur les problématiques éthiques.
(Sources : Foreign Policy/Zenit – FSSPX.Actualités)
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