La Pologne face au défi de la sécularisation
Mine des mauvais jours sur les bords de la Vistule : la proportion des Polonais qui assistent à la messe dominicale atteint son niveau le plus bas, tandis que la proportion de personnes se déclarant « religieuses non affiliées » est à son plus haut degré selon une récente étude. Les années Jean-Paul II ne sont plus qu’un lointain souvenir qui s’estompe dans les brumes du passé.
Les chiffres de la pratique religieuse en Pologne publiés à la fin du mois de mai 2024 par l’institut public de sondage CBOS ont été douloureusement reçus par la conférence épiscopale : si une large partie des Polonais – près de 89% – professent leur appartenance à l’Eglise catholique, la pratique dominicale tend à diminuer de façon inexorable, rapporte Notes from Poland (NfP).
Si entre 1997 et 2009, 50% des catholiques polonais déclaraient observer le précepte dominical, ils n’étaient plus que 45% entre 2009 et 2019 : une proportion qui baisse encore pour s’établir entre 36 et 39% durant la période Covid-19. Enfin, en 2024, 34% de Polonais affirment assister à la messe le dimanche : des chiffres corroborés par l’Eglise de Pologne qui avance le chiffre de 30%, continue NfP.
Plus inquiétant, l’enquête menée par le CBOS souligne « que le déclin le plus rapide de la pratique religieuse a eu lieu chez les jeunes et ceux qui ont un niveau d’éducation plus élevé », relate l’article de NfP. De plus, le pourcentage de ceux qui se disent croyants sans être affiliés à l’Eglise est passé de 3 à 10% entre 2005 et 2024.
Pour expliquer ce déclin, certains ont avancé les difficultés de l’Eglise de Pologne à gérer les révélations d’abus de la part de certains membres du clergé : des faits, il est vrai, souvent instrumentalisés. Mais l’enquête menée par le CBOS met en relief un malaise beaucoup plus profond.
La première et principale raison avancée par les personnes interrogées qui ont pris leurs distances avec l’Eglise catholique, est en fait l’indifférence et la perte d’intérêt, cite NfP. Cela rappelle ce qu’Auguste Comte écrivait sur l’extinction de la religion antique dans son Discours sur l’esprit positif :
« Personne sans doute, n’a jamais démontré la non-existence d’Apollon, de Minerve, ni celle des fées orientales ; ce qui n’a nullement empêché l’esprit humain d’abandonner irrévocablement les dogmes antiques, quand ils ont enfin cessé de convenir à l’ensemble de sa situation. »
Un second facteur avancé par le CBOS pour expliquer la désaffectation croissante des Polonais par rapport à l’Eglise réside dans le rapport de l’institution ecclésiastique au pouvoir politique (NfP) : l’image de l’Eglise aurait, selon les personnes interrogées, souffert d’une trop grande proximité avec les conservateurs polonais du parti Droit et justice (PiS).
Le plus malheureux est que « l’Eglise a été critiquée pour avoir soutenu l’introduction d’une interdiction quasi-totale de l’avortement, très impopulaire », rapporte toujours NfP, ce qui montre d’abord la perte des notions morales chez les catholiques polonais, et leur sécularisation qui reproche à l’Eglise de défendre les plus petits et les plus démunis.
Pour Miroslawa Grabowsaka, chercheuse au CBOS : « A moins qu’il n’y ait un renversement majeur ou l’apparition d’un leader religieux ou politique exceptionnel, capable de changer le cours des événements, je ne vois aucun facteur qui pourrait mettre un frein au processus de sécularisation » dans le pays.
Un processus inéluctable largement achevé dans d’autres Etats de l’Union européenne et qui laissait penser que la Pologne était une exception. Mais l’affaiblissement du sentiment religieux et du lien avec la tradition est de plus en plus manifeste en Pologne : plus la technologie prétend réduire l’inconnu, la curiosité et l’étonnement, moins il reste d’espace pour Dieu.
(Sources : CBOS/Notes from Poland/Le Grand Continent – FSSPX.Actualités)
Illustration : Photo 70855176 | Pologne © Ryszard Parys | Dreamstime.com