La Salette : lettre de l’abbé Pierre Mélin, archiprêtre de Corps

Source: FSSPX Actualités

Lettre de l’abbé Pierre Mélin, archiprêtre de Corps, à Mgr Philibert de Bruillard, évêque de Grenoble, 4 octobre 1846. Il s'agit de la première relation officielle des événements de La Salette.

« Je vais communiquer à Sa Grandeur la chose la plus extraordinaire que j'aie entendue depuis que je suis dans le ministère. Je me bornerai aux circonstances principales :

Deux enfants de la paroisse de Corps, âgés de 12 à 13 ans, un garçon et une fille, en service à La Salette-Fallavaux, ont vu, le 19 septembre, un samedi, à 3 ou 4 heures de l'après-midi, une Dame, d'assez haute taille, vêtue de blanc, portant une croix éblouissante sur la poitrine et resplendissant elle-même d'un très vif éclat. L'apparition a eu lieu à deux heures du village de l'église, dans un petit vallon, tapissé de verdure, au milieu de hautes montagnes, avec les circonstances suivantes.

Ces deux enfants, partis de grand matin avec leurs bestiaux, se rendirent vers midi dans ce petit vallon, où se trouvait une fontaine qui fluait et une autre qui était tarie depuis deux ou trois semaines. Là, après avoir mangé une partie de leurs petites provisions de la journée, ils se sont endormis. A leur réveil, ils se sont hâtés de savoir où étaient leurs bestiaux ; pour cela, ils se sont un peu éloignés. Les ayant trouvés tout près de là, ils sont revenus à leur première place. A leur grand étonnement, ils y ont aperçu une Dame assise. La peur leur empêchant d'avancer, elle s'est levée et les a invités à s'approcher sans crainte. Quand ils ont été tout près et en face de cette Dame, ils ont entendu sortir de sa bouche des paroles étonnantes. Son Fils est irrité, il veut écraser les hommes... elle ne peut plus soutenir son bras... ce qui provoque sa colère au suprême degré, ce sont : les travaux du dimanche, l'éloignement, la désertion des églises de la part des hommes... les blasphèmes qui s'entendent sur les grandes routes... la négligence, l'abandon de la prière... L'année dernière, les hommes ont été avertis par la maladie des pommes de terre, ils n'en ont pas fait cas… Cette année sera plus mauvaise encore, et s'il n'y a pas de retour vers Dieu, l’année prochaine, il y aura une famine horrible... Ordre formel de la part de cette Dame à ces deux enfants de faire savoir cela à tout le peuple. Après quoi, elle s'est éloignée de quelques pas, s'est élevée de terre et a disparu à leurs yeux étonnés.

Effet extraordinaire

Le récit de ces deux enfants a produit un effet extraordinaire dans les environs, même chez les hommes. Je les ai (les deux enfants) interrogés séparément et chez moi, et sur les lieux mêmes où je suis arrivé après quatre heures de marche pénible ; les autorités les ont menacés pour les faire taire ; on leur a offert de l'argent pour leur faire dire le contraire de ce qu'ils affirmaient, ni les menaces, ni les promesses n'ont pu faire varier leur langage ; ils disent toujours les mêmes choses et à qui veut l'entendre.

Je suis allé très lentement dans les informations que j'ai pu prendre. Je n'ai rien pu découvrir qui dénote le moins du monde la supercherie ou le mensonge. La première idée de toute la contrée a été de faire bâtir un oratoire à cet endroit ; on a cassé par morceaux la pierre où cette Dame était assise ; on a coupé l'herbe où elle a mis les pieds, et l'on conserve avec un religieux respect tous ces débris.

Il y a plusieurs autres circonstances et quelques faits qui se rapportent à cette apparition, mais le papier me manque pour les mentionner ici. Je soumets ces détails à Monseigneur qui ordonnera ce qu'il plaira à Sa Grandeur.

L'interprétation des fidèles a été tout naturellement que c'était la bonne Mère qui venait avertir le monde avant que son Fils ne laisse tomber sur lui ses vengeances. Ma conviction personnelle, d'après tout ce que j'ai pu recueillir de preuves, ne diffère pas de celle des fidèles, et je crois que cet avertissement est une grande faveur du Ciel. Je n'ai pas besoin d'autre prodige pour croire, mon désir bien sincère serait que le Bon Dieu, dans sa miséricorde, opérât quelque nouvelle merveille pour confirmer la première. »