La santé du pape
« Comment se porte le Pape Jean-Paul II ? » est lune des questions les plus insistantes de la presse internationale actuellement, qui va jusquà suggérer que le pape, toujours plus souffrant, a désormais rendu la main, abandonnant le gouvernement de lEglise à ses proches collaborateurs.
Cependant, tous ceux qui ont pu lapprocher nhésitent pas à dire que si ses mouvements et son élocution lui sont rendus de plus en plus difficiles au point de devoir se faire porter son esprit nen reste pas moins vif et présent.
Le célèbre journaliste et écrivain Vittorio Messori, lun des meilleurs connaisseurs des milieux romains a révélé il y a quelque temps déjà (dans le journal Corriere della sera) que certains cardinaux auraient demandé au pape de réfléchir à léventualité dune démission. Le pape lui-même ny pense pas. Ce quil y a néanmoins dintéressant selon Messori cest le retournement de situation qui peut être observé. En effet, si jusquà présent cétait laile gauche qui évoquait une démission du pape, aujourdhui ce sont des cardinaux plutôt conservateurs qui auraient fait la démarche évoquée, craignant dautres actions aussi spectaculaires que scandaleuses comme « des visites dans des mosquées ou synagogues », des initiatives inter-religieuses comme Assise ou des évocations datteintes aux droits de lhomme, que Messori qualifie au passage et à juste titre de « jacobins ».
En fait, ce ne devrait pas être une révolution pour lEglise dêtre gouvernée par un pape malade. En 2000 ans, il y en a eu bien dautres. Ces spéculations sur la santé du pape sont plutôt révélatrices de deux phénomènes :
Lévolution des mentalités fait que lon considère de plus en plus laspect fonctionnel de la charge papale avant de voir dans le pape le vicaire du Christ. Il faut cependant ajouter que la mentalité post-conciliaire est à lorigine de cette vision des choses. En effet, Paul VI ayant fixé comme limite dâge dexercice de la charge dévêque diocésain à 75 ans, a influé sur la manière de considérer la fonction de lévêque de Rome. Et de fait, la volonté de Jean-Paul II de demeurer dans sa charge malgré ses 82 ans, le 18 mai prochain, introduit une contradiction interne dans laction dun pape qui a appliqué régulièrement la décision arbitraire de Paul VI.
La manière dont Jean-Paul II a exercé la fonction papale a fini par engendrer une usure de cette fonction. Les voyages incessants, les discours interminables dont les thèmes se rattachent à un humanisme droit-de-lhommesque et à un cuménisme sans frein, ont fatigués les esprits les plus patients. Un certain désir de changement se fait clairement sentir dans laile conservatrice, alors que laile avant-gardiste attend du futur pape des avancées plus décisives.
Il ne sagit donc pas seulement dune affaire de bulletin de santé. Certes, personne ne souhaite la mort du pape. Mais lon ne peut se défaire de limpression gênante que tout le monde lattend.