La seconde mort de saint Thomas More
Pierre tombale qui recouvre les reliques de saint Thomas More
Les reliques de saint Thomas More sont en danger. Reposant depuis près de cinq siècles sous une pierre tombale située dans l’église Saint-Dunstan (Royaume-Uni) leur état de détérioration va croissant. Côté anglican, rien n’est fait pour la préservation d’un patrimoine qui rappelle les aspects sombres d’une réforme qui a séparé l’Angleterre de l’unité catholique.
Saint Thomas More est l’une des gloires du catholicisme anglais : Lord-chancelier du roi Henry VIII dont il fut longtemps l’un des protégés, sir Thomas a été décapité le 6 juillet 1535, en raison de son refus de signer l’Acte de suprématie reconnaissant la souveraineté du monarque sur l’Eglise d’Angleterre, avalisant en même temps le divorce du roi d’avec Catherine d’Aragon, et faisant entrer le royaume dans le schisme.
Après près d’une année d’exposition sur le pont principal de la capitale anglaise, dans le but de décourager ceux qui oseraient braver son autorité, Henry VIII permet à Margaret Roper, la fille de son ancien chancelier, de récupérer les restes de son père qui sera inhumé quelques années plus tard avec elle dans l’église paroissiale de Chelsea, puis transféré dans l’église Saint-Dunstan de Cantorbéry en 1578.
Béatifié par le pape Léon XIII en 1886, Thomas More est canonisé par le pape Pie XI en 1935, 400 ans après son martyre, en même temps que saint John Fisher, archevêque de Cantorbéry, qui s’était lui aussi opposé au schisme fomenté par le roi Henry.
Détail qui a son importance : l’église Saint-Dunstan est aux mains des anglicans, et le moins que l’on puisse dire, c’est que ceux-ci n’ont jamais vraiment pris soin d’une relique qui leur rappelle probablement les fondements plus que vacillants sur lesquels leur religion repose.
Par deux fois en effet, en 1978 et 1997, le chef du saint a été exhumé de façon ponctuelle par des scientifiques qui ont pu constater la détérioration préoccupante de la relique. Depuis plusieurs années, l’avocat catholique Steven Brizek milite pour sa préservation : il vient, le 22 juin 2023, de tirer publiquement la sonnette d’alarme, car si rien n’est fait, la relique est destinée à se corrompre de façon irrémédiable, signant une forme de « seconde mort » pour Thomas More.
« Au cours des dernières années, ceux qui ont le pouvoir d’agir en faveur de la conservation de la relique, ont choisi la voie de l’inaction : que cette dernière soit le produit d'une négligence délibérée ou de l’indifférence, elle n'a servi qu'à accélérer sa détérioration et diminuer l’espoir de pouvoir la préserver », prévient le juriste qui en appelle à « tous ceux qui ont de l’esprit et de l’intelligence à, intervenir pour sauvegarder le chef de saint Thomas More ».
Le clergé anglican, pour sa part, tergiverse et se défend en prétendant qu’un « travail important » aurait déjà été effectué sur place afin de « mettre en valeur la figure de Thomas More ».
Une attitude qui n’étonne personne car, comme le rappelle le pape Pie XI dans l’homélie prononcée à l’occasion de la canonisation du saint : « Thomas More sut, lorsqu’il vit la pureté de la doctrine chrétienne exposée à de graves dangers, mépriser avec énergie les flatteries du respect humain, résister au chef suprême de l’Etat, comme le lui prescrivait son devoir quand il fallait obéir à Dieu et à l’Eglise, et enfin renoncer avec dignité à la haute charge qu’il remplissait. »
Pie XI achevait par un appel plein de foi et de charité à l’adresse des anglicans, qui n’a rien perdu de son actualité : « Que ceux qui sont encore séparés de Nous considèrent attentivement les anciennes gloires de leur Eglise qui reproduisent et accroissent les gloires mêmes de l’Eglise Romaine ; qu’ils considèrent également et qu’ils se souviennent que ce Siège apostolique les attend impatiemment depuis si longtemps, non pas comme ceux qui entrent dans une demeure étrangère, mais bien comme ceux qui reviennent finalement à leur propre maison paternelle ! »
L’inscription sur la pierre tombale porte : « Sous ce sol se trouve le caveau de la famille Roper, dans lequel est enterrée la tête de Sir Thomas More, d’illustre mémoire, ancien Lord Chancelier d’Angleterre, qui fut décapité à la Tour de Londres le 6 juillet 1535. Que l’Eglise anglicane soit libre. »
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(Sources : The National Catholic Register/Edward Pentin – FSSPX.Actualités)
Illlustration : Liondartois, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons