La secrétairerie d’Etat dans la tourmente
Depuis plusieurs semaines, le dicastère le plus puissant de la Curie, la secrétairerie d’Etat, est l’objet d’attaques en la personne de son substitut, Mgr Edgar Pena Parra. Les médias du Vatican et l’épiscopat vénézuélien sont montés au créneau afin d’éteindre un incendie qui manifeste un contexte de luttes de pouvoir au plus haut niveau de l’Eglise.
La secrétairerie d'Etat est actuellement le dicastère de la Curie romaine le plus proche du pape. Elle comprend deux sections. La première a pour mission d'expédier les affaires du service quotidien du souverain pontife, tant dans ses rapports avec l'Eglise universelle qu’avec les dicastères de la Curie romaine.
Elle est dirigée par un substitut qui a rang d’archevêque : depuis octobre 2018, cet office est rempli par Mgr Edgar Pena, un prélat vénézuélien. Ce dernier, selon le vaticaniste Edward Pentin, du journal conservateur National Catholic Register, est un proche du cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga, membre du Conseil des six cardinaux chargés d’aider le Saint-Père dans la réforme de la Curie, entreprise en 2013.
Ce prélat discret, qui parle espagnol, italien, français, anglais, portugais, serbo-croate et russe, est projeté sur le devant de la scène médiatique, depuis l’entretien accordé au Washington Post le 10 juin 2019 par l’un des opposants du pape François, Mgr Carlo Maria Vigano. Ce dernier évoque dans une tribune libre du plus grand journal américain, l’existence au Vatican d’une « mafia corrompue », qui, selon lui, aurait « pris le contrôle de nombreuses institutions de l'Eglise, du sommet à la base », et exploiterait « l'Eglise et les fidèles à des fins immorales ».
Le Washington Post a toutefois pris la précaution de censurer une partie de la tribune sulfureuse de l’ancien nonce, que ce dernier a pu faire publier par plusieurs sites conservateurs, dont Lifesite News. Mgr Vigano y accuse notamment l’actuel substitut de la secrétairerie d’Etat, d’inconduite et de déviances graves.
Ebranlée par ce qu’elle estime constituer une tentative de déstabilisation à son encontre - et vis-à-vis du souverain pontife -, la secrétairerie d’Etat a réagi indirectement par les médias qu’elle dirige officiellement : Vatican News -, ou officieusement : Vatican Insider. Ces deux sites d’information ont ainsi relayé en diverses langues une lettre de défense du substitut, écrite par les évêques du Vénézuéla, qui se sont sentis « obligés » d’intervenir, selon leurs propres termes.
Cette lettre souligne que Mgr Edgar Pena est « connu et apprécié pour l’important travail ecclésial et humanitaire accompli durant 30 ans, dans différentes parties du monde ». Quant aux accusations qui le touchent, les évêques vénézuéliens notent que « certains signalements ne coïncident ni dans les dates ni dans la présence physique » avec les faits évoqués.
Dans ce contexte délétère, chacun y va de son hypothèse : pour les uns - tel le professeur Roberto de Mattei - cette nouvelle affaire désignerait « le pape François comme le responsable direct de la terrible crise qui frappe l’Eglise ».
Pour d’autres - à l’instar de Nicolas Sénèze qui publie au mois d’août 2019 dans La Croix plusieurs chapitres de son dernier ouvrage intitulé Comment l’Amérique veut changer de pape ? -, il y aurait un complot à l’œuvre contre le pape argentin, mené par des milieux américains conservateurs et fortunés, afin de faire cesser les réformes structurelles en cours.
Difficile de démêler l’écheveau sans sortir de l’objectivité qui s’impose au journaliste catholique. Une certitude demeure : c’est toujours bien le Christ qui tient la barre de la Barque bimillénaire de l’Eglise, contre laquelle « les portes de l’Enfer » ne sauraient prévaloir. Il reste à prier pour que son Vicaire, appuyé sur la Tradition de l’Eglise, ait la force de prendre les bonnes décisions.
(Sources : Vatican News/Vatican Insider/La Croix/Correspondance romaine/National Catholic Register - FSSPX.Actualités - 04/09/2019)