L’anaphore d’Addaï et Mari ou la révolution dans la théologie sacramentelle
Le Saint-Siège – Acte du Conseil pontifical pour l’Unité des Chrétiens : « Admission à l’Eucharistie entre l’Église chaldéenne et l’Église assyrienne d’Orient. Notes et orientations » [1] – vient de reconnaître la pleine validité de l’anaphore d’Addaï et Mari, une ancienne prière eucharistique utilisée dans l’Église assyrienne d’Orient. Le texte a été approuvé le 20 juillet 2001 et promulgué le 25 octobre 2001.
Ce texte traitant directement de l’intercommunion fait mention d’une décision concernant l’anaphore [2] d’Addaï et Mari. « L’anaphore d’Addaï et Mari est singulière du fait que, depuis des temps immémoriaux, elle est utilisée sans récit de l’institution [3]. Sachant que l’Église catholique considère les paroles de l’Institution eucharistique comme partie intégrante et donc indispensable de l’anaphore ou prière eucharistique, elle a conduit une étude longue et approfondie à propos de l’anaphore de Addaï et Mari d’un point de vue historique, liturgique et théologique, au terme de laquelle, le 17 janvier 2001, la Congrégation pour la doctrine de la foi est parvenue à la conclusion que cette anaphore pouvait être considérée comme valide. Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II a approuvé cette décision. »
Suit une énumération des raisons qui ont motivé la décision. Elles sont toutes d’ordre historique et non théologique (cf. document complet, p 21).
Il y a là une décision œcuménique et liturgique très grave : peut-il y avoir une messe valide sans paroles de consécration ?
Cette décision est très lourde de conséquences, car elle bouleverse de fond en comble toute la théologie sacramentelle ratifiée par le concile de Trente. Pour la validité d’un sacrement, il faut nécessairement trois éléments : la matière, la forme et l’intention du ministre de faire ce que fait l’Eglise. Or ici, il manque la forme. On le justifie en affirmant que « les paroles de l’Institution de l’Eucharistie sont de fait présentes dans l’anaphore de Addaï et Mari, non pas sous la forme d’une narration cohérente et ad litteram, mais de manière eucologique et disséminée, c’est-à-dire qu’elles sont intégrées aux prières d’action de grâce, de louange et d’intercession qui suivent. » Cette explication n’en est pas une ; elle justifie au contraire – et nous le verrons plus loin – l’acceptation d’une théologie autre que celle de l’Eglise catholique.
Tant qu’à évoquer des arguments historiques, comme le fait le document romain, on peut se demander comment on peut expliquer l’absence des paroles consécratoires dans cette anaphore. L’origine en est très probablement le secret de l’arcane, cette loi du secret qui demandait de cacher aux yeux des profanes les réalités sacrées. Mais il semblerait que d’autres raisons s’y ajoutent. Nous y reviendrons dans un prochain article qui analysera cette question de plus près.
Certains modernistes ne se priveront pas d’utiliser ce précédent en vue de modifications radicales touchant la théologie et la praxis des sacrements, voulant signer ainsi la fin de la théologie médiévale des mots magiques.
1 Le texte original de ce document est en anglais. Il n’a été publié dans l’Osservatore Romano que le 26 octobre 2001; et, en français, dans la Documentation catholique, le 3 mars 2002 (Doc. Cath. 2265 - 99, 2002, 213-214)
2 L’anaphore est un terme grec désignant en Orient ce que nous appelons en liturgie romaine le Canon de la messe. L’ordonnance générale d’une anaphore est habituellement la suivante : préface, Sanctus, post Sanctus, récit de l’institution, anamnèse (Unde et memores), épiclèse, grande intercession (Memento des vivants et des morts). Cette dernière prière peut parfois occuper une place différente.
3 Par conséquent, sans la forme sacramentelle.