L’antispécisme ou la négation de l’existence de Dieu (1)
Peter Wohlleben
L’antispécisme est défini par le Larousse comme une « vision du monde qui récuse la notion de hiérarchie entre les espèces animales et, particulièrement, la supériorité de l’être humain sur les animaux et accordant à tous les individus, indépendamment de l’espèce à laquelle ils appartiennent, un même statut moral ». La première partie de cette analyse présente le concept exposé par l’un de ses fervents défenseurs. La deuxième partie en fera une réfutation.
Une affirmation se dégage immédiatement d’une telle vision du monde : l’antispécisme est une négation – pratique – de l’existence de Dieu.
Il y a divers chemins pour arriver à cette conclusion. L’un d’entre eux consiste à suivre un auteur dans sa réflexion et à marquer les étapes de la formation de cette pensée antispéciste qui ne dit pas nécessairement son nom, mais qui est aisément reconnaissable.
Le sujet examiné ici est Peter Wohlleben, né en 1964 à Bonn, ingénieur forestier, qui est l’auteur d’un best-seller mondial traduit en 32 langues et vendu à plus d’un million d’exemplaires : La vie secrète des arbres, paru en français en 2017 (en 2015 pour la langue allemande).
L’auteur récidive l’année suivante avec La vie secrète des animaux, paru en français en 2018 (2016 en allemand). Alors que l’accueil des scientifiques et des spécialistes de la nature avait été mitigé pour le premier titre, ce second livre sera sévèrement critiqué sous l’angle scientifique.
La vie secrète des arbres
A la découverte de l’arbre-penseur
En parcourant cet ouvrage, dont le titre complet est : La vie secrète des arbres. Ce qu’ils ressentent. Comment ils communiquent, le lecteur note nombre d’affirmations inhabituelles à celui qui possède une certaine connaissance de la nature, ne serait-ce que par son observation personnelle.
La première constatation que nous livre l’auteur est que les arbres sont capables de retenir une information et de la transmettre. Il est vrai que cela reste très rudimentaire, mais il est reconnu que certaines agressions – chimiques, physiques ou thermiques – provoquent des réactions chez certains végétaux, comme la production de toxines par les acacias en réponse à un broutage intensif par des herbivores, entraînant le décès de ces derniers.
Mais il faut immédiatement souligner que les termes « retenir » et « transmettre » sont équivoques en l’occurrence, car ils font croire à une sorte de mémoire et de langage que nous assimilons aux nôtres. Ce qui est profondément inexact. Ainsi, qu’il y ait un « récepteur » ou non, le signal physico-chimique induit par une agression du végétal sera transmis.
Wohlleben pousse plus loin en expliquant que les arbres parlent : ils émettent « des ultrasons » qui sont le résultat d’un phénomène purement mécanique induit, par exemple, par une rupture du flux de sève. Mais, pour notre auteur, par une audacieuse comparaison, il s’agirait d’un « cri de soif ». De là à dire que l’arbre ressent quelque chose, il n’y a qu’un pas… qui est franchi.
Les arbres souffrent, insiste-t-il. Citons ce morceau de bravoure : « La plantule de chêne engloutie par un cerf souffre et meurt, comme souffre et meurt le sanglier égorgé par un loup. » Pour le coup, il n’y a rien de plus qu’une métaphore. Car, pour ressentir la souffrance, il faut et des sens, et une structure centralisée pour transformer l’information en douleur.
Enfin, nous arrivons au couronnement : les arbres sont intelligents. Et, autant le dire tout de suite, le cerveau est situé dans la souche ou les racines. L’induction réside dans ce qui précède : stockage des informations, pilotage chimique des fonctions, signaux électriques, langage et souffrance.
Et de conclure avec aplomb – ou candeur ? : « Les plantes ont-elles un cerveau ? Sont-elles intelligentes ? Ce n’est rien de dire que le débat qui anime la communauté scientifique depuis des années est vif. » Un débat absent des publications universitaires, reconnaît Wohlleben.
Mais cela ne l’arrête pas : « une majorité d’universitaires » critique la thèse des racines-cerveau, car, explique l’auteur, cela « tend à effacer la frontière entre monde végétal et monde animal ». Mais, assène-t-il : « La division entre végétal et animal est un choix arbitraire essentiellement basé sur le mode de nutrition », photosynthèse d’un côté, digestion d’organismes vivants de l’autre.
Une manière de présenter le problème complètement réductrice et erronée qui fait bien l’affaire de la thèse soutenue, il faudra y revenir.
Les arbres et leurs droits
Du sentiment et de l’intelligence au droit, il n’y a qu’un pas. Wohlleben prône une protection des arbres – ainsi que des animaux – qui doit éviter de les assimiler à des choses. Il reprend son langage métaphorique pour parler du « cadavre d’un hêtre ou d’un chêne » dont les flammes s’emparent. De « bouleaux et d’épicéas abattus – donc tués » à seule fin d’obtenir du papier.
Vient l’accusation : « nous utilisons des êtres vivants qui sont tués pour satisfaire nos besoins ». Nous pourrions faire remarquer que le livre de l’auteur – vendu à plus d’un million d’exemplaires faut-il le rappeler – a participé à ce « massacre ». L’auteur reconnaît l’utilisation ; ce qu’il condamne, c’est l’excès : « nous devons traiter les arbres comme nous traitons les animaux, en leur évitant des souffrances inutiles.
Et d’énumérer les droits qu’il faudrait reconnaître aux arbres : « pouvoir satisfaire leurs besoins d’échange et de communication, (…) pouvoir transmettre leurs connaissances aux générations suivantes. Au moins une partie d’entre eux doit pouvoir vieillir dans la dignité, puis mourir de mort naturelle. »
La vie secrète des animaux
Wohlleben, dans son dernier chapitre, se pose la question de la possibilité d’une âme pour l’animal. Après quelques méandres où il avoue qu’il ne croit pas à une vie après la mort par manque d’imagination, il attribue une âme à tous les animaux. Mais il y a encore équivoque : cette âme animale, il la conçoit à la manière de l’âme humaine.
En effet, avoue-t-il dans son épilogue : « si j’aime à chercher des analogies entre les animaux et les hommes, c’est parce que je ne peux m’imaginer que leur ressenti soit fondamentalement différent du nôtre ». Cette fois, ce n’est plus un manque d’imagination, mais un bel excès, qui se prolonge plus loin : « quiconque comprend que le cerf, le sanglier et la corneille mènent leur propre vie, parfaite en soi, et y prennent, qui plus est, beaucoup de plaisir… »
Cette réduction est couronnée dans le mot de la fin qui assimile le bonheur humain à des secrétions d’hormones. Ce qui est une manière de dire que les animaux qui possèdent aussi ce genre d’hormones, sont également aptes à cette soif qui anime l’espèce humaine… et elle seule. L’assimilation est presque totale.
Bilan
Tout ce fatras réside sur une bonne part d’ignorance de ce qu’est réellement la vie, toute vie. Et aussi sur une méconnaissance profonde du cosmos qui est une harmonie – c’est le sens étymologique du terme – entre les êtres, un ordre établi par Dieu, qui est le premier bien voulu par lui dans les choses.
Or, et c’est le point important, cette harmonie ne peut exister qu’entre des êtres divers et hiérarchisés. Un monde d’égalité totale entre les êtres ne dépasse pas le monde minéral – et encore. Cette simple constatation fait entrevoir combien l’antispécisme est frontalement contraire à la volonté de Dieu et représente une négation de son existence.
A suivre…
L’article qui précède est paru dans le n° 147 des Cahiers Saint Raphaël.
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(Source : Cahiers Saint Raphaël – FSSPX.Actualités)
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