L’Association patriotique des catholiques chinois (5)

Source: FSSPX Actualités

L'empereur Puyi, dernier membre de la dynastie Qing

Ces articles sont destinés à présenter une réalité très particulière, qui joue un rôle déterminant dans la vie des catholiques de Chine, soit en les enrôlant sous la bannière du Parti communiste chinois, soit en les rejetant dans les catacombes. L’article est publié sur le site des Missions étrangères de Paris. Cette présentation permettra au lecteur non averti de comprendre les enjeux de l’accord sino-Vatican, qui devrait être renouvelé pour la deuxième fois en octobre.

Quarante ans après la fondation de l’Association patriotique des catholiques chinois, il est possible de déchiffrer le dessein et les objectifs que les dirigeants du PCC s’étaient fixés et qu’ils comptaient atteindre à travers sa création.

I] Le parti communiste chinois

1. Héritier d’une antique tradition : contrôle des temples et du monachisme

Jusqu’à la chute de la dynastie Qing, en 1911, le contrôle administratif des religions était une des fonctions réservées au ministère du Culte (Li Pu), une des six branches de l’administration centrale de l’empire. Une de ces fonctions consistait précisément à concéder l’approbation officielle pour la construction des temples, des monastères et des sanctuaires.

Il était établi que « la construction privée de temples et de monastères » était strictement interdite. « Toute violation de cette disposition par les prêtres bouddhistes et taoïstes est passible de cent coups de bâton, suivis de la réduction à l’état séculier et le confinement dans une garnison des frontières ; cette violation par des moniales est en revanche passible de la réduction à l’esclavage dans des familles de hauts fonctionnaires ».

L’efficacité relative de ces injonctions légales reflète le degré de contrôle du gouvernement sur un aspect important de la vie religieuse du peuple. « Au début de la dynastie Qing, au XVIIe siècle, il existait 12 482 monastères et temples fondés par décret impérial contre 64 140 érigés sans approbation officielle. 84% d’entre eux existaient donc sans permis officiel du gouvernement, contre toute disposition des autorités. »

Il existait d’autres types de contrôle, efficaces. Qu’un temple ou un monastère ait été ou non officiellement approuvé, ses adeptes (quand il y en avait) étaient sujets à un autre ensemble de contrôles.

Le premier était une approbation par le ministère du Culte, qui remontait au Xe siècle et demeurée en vigueur jusqu’à la période républicaine. Ce document d’approbation faisait état de privilèges comme « l’exemption de la conscription militaire, du travail forcé et de la surveillance de la police ». Ces normes, si elles étaient enfreintes, prévoyaient aussi le retour de l’intéressé à l’état séculier.

Une deuxième règle requérait qu’à la mort d’un prêtre bouddhiste ou taoïste son certificat soit renvoyé aux autorités compétentes. Par ailleurs, durant sa vie, après l’âge de quarante ans, on lui reconnaissait le droit de préparer et de former un seul novice, destiné à lui succéder.

Ainsi, l’Etat était en mesure de contrôler l’accès aux charges religieuses comportant l’exercice de l’autorité. Il conservait la possibilité de retirer l’autorisation d’exercer le ministère cultuel, et limitait le nombre de ceux qui accédaient à ces charges. « L’application de ces règles a toujours été scrupuleusement suivie par les fonctionnaires religieux, et les autorités compétentes les ont fait respecter, jusqu’aux temps modernes ».

Une autre règle parvenue jusqu’à l’époque moderne, établissait qu’un fonctionnaire bouddhiste ou taoïste qui « troublerait les affaires de gouvernement par des positions hérétiques subirait la peine de mort ». Pendant des siècles, le pouvoir central a veillé à ce qu’aucune déviation n’intervienne dans le domaine religieux et surtout à ce que la religion ne s’écarte pas des liens étroits de soumission aux institutions de l’Etat et conserve un rôle au service du pouvoir et de l’unité du pays.

Les sanctions prévues étaient très détaillées, comme l’était aussi la liste des infractions. La plus grande sévérité était réservée au cas de rébellion organisée par des mouvements religieux assumant des positions hérétiques ou de défi par rapport au pouvoir constitué et aux habitudes transmises par la tradition. La persécution frappait particulièrement ceux qui « reconnaissaient un chef religieux [hérétique, ndlr] comme maître ou transmettaient ces positions erronées à des prosélytes ».

« La tradition de domination politique sur la religion organisée écrit C. K. Yang a été tellement persistante que même durant la période républicaine, quand une grande partie des contrôles légaux sur la religion fut assouplie, le développement d’un mouvement religieux dépendait encore en grande partie du soutien d’une figure politique proéminente.

« L’expansion d’un mouvement bouddhiste dans la province du Hunan, au milieu des années 1920, a été due en grande partie au patronage du gouverneur provincial, Tang Shengzhi, bouddhiste dévot. Avec son soutien, l’Association du Hunan pour la conversion bouddhiste (Hunan Fuhua Hui) engendra, sur ce territoire, un vaste réseau d’organisations pour la formation et le culte bouddhistes. Mais quand Tang fut déposé, l’ensemble de ce mouvement finit aussi rapidement qu’il avait commencé. »

Yang fait encore observer que « les faits historiques masquent l’assertion commune selon laquelle il n’y a jamais eu de conflit prolongé entre l’Etat (chinois) et la religion. Au moins dans un cas, pendant une période de plus de 500 ans, « entre le Ve et le Xe siècle, une constante persécution unilatérale de l’Etat contre la religion s’est exercée et non pas une lutte entre deux forces équivalentes. A aucun moment il n’est arrivé que l’Etat perde sa position de prédominance » sur la religion organisée.

La politique et l’action du Parti communiste chinois se grefferont sur ce fil directeur très ancien consistant à encadrer les rapports entre l’Etat et la religion organisée, en continuant la tradition impériale. Comme apport original, elles adopteront des éléments de l’expérience soviétique.

Les Etats communistes avaient mis au point des systèmes de contrôle sur le christianisme, une religion organisée, introduite depuis peu dans la vie de la Chine. L’Empire, ne pouvant le plier aux habitudes religieuses chinoises, surtout en raison des liens existants entre confessions chrétiennes et puissances européennes, l’avait simplement maintenu « hors des murs des villes ».

Le temps allait venir de faire entrer aussi le christianisme à l’intérieur de l’alvéole religieuse traditionnelle de la Chine millénaire.

A suivre…