Le maître des cérémonies du pape donne sa définition de la liturgie
Mgr Marini, à gauche.
Dans une conférence, Mgr Marini considère que «d’une liturgie romaine caractérisée par l’uniformité (unicité de la langue et fixité des rubriques), on est passé à une liturgie plus proche de la sensibilité de l’homme moderne, ouverte à l’adaptation et aux cultures. C’est l’expression d’une Eglise de la communion qui considère la diversité non pas comme un élément négatif en soi, mais comme un possible enrichissement de l’unité.»
Evoquant les transformations de la liturgie pontificale voulues par Paul VI en février 1965, l’archevêque italien souligne que l’on a «fait appel à la psychologie de l’homme moderne qui ne parvient plus à concevoir un mélange entre une étiquette de cour et un rite religieux». Il précise que les liturgistes ont souhaité «abolir l’espèce de cour qui entourait le souverain pontife dans les célébrations liturgiques», et ont insisté sur une «simplicité pour les ornements sacrés de manière à éviter que certains ecclésiastiques apparaissent comme des figurants de théâtre». Pour Mgr Marini, le fait que Paul VI ait renoncé à la tiare pontificale pour adopter la même mitre que les évêques a permis «de mieux exprimer la communion d’unité qui lie le successeur de Pierre avec le collège épiscopal».
Comme en passant, le responsable des cérémonies pontificales note que l’on rencontre diverses tendances dans l’Eglise catholique «entre ceux qui veulent une liturgie plus horizontale, communautaire et participative, et d’autres qui préfèrent une liturgie verticale et détachée. D’une part, il y a la liturgie paroissiale et, de l’autre, celle exprimée par certains mouvements, par ceux qui ont des affinités tridentines et qui regrettent le chant grégorien». Sans faire de commentaire sur ces tendances, Mgr Marini souligne que, contrairement à une mentalité actuelle de consommation et de réponse aux attentes des consommateurs, «la liturgie ne rentre pas dans le genre des biens de consommation, elle n’est pas un supermarché de l’Eglise ! (…) Elle est surtout l’œuvre de Dieu, précise-t-il, adoration, accueil, gratuité.» Pour lui, il s’agit de chercher «les critères fondamentaux de la beauté de la liturgie, au delà des goûts et des modes. (…) Ce serait une grande erreur de vouloir appliquer simplement à la liturgie les goûts profanes du beau». «Les gestes liturgiques, explique-t-il, ont une beauté et une esthétique en eux-mêmes, en tant que gestes du Christ, bien avant la beauté accessoire et secondaire que nous pouvons ajouter.» – Et comment le grand cérémoniaire du pape explique-t-il cette attention soutenue des liturgistes à «la psychologie de l’homme moderne» et cette «liturgie plus proche de la sensibilité de l’homme moderne, ouverte à l’adaptation et aux cultures» ? Ne risque-t-on pas ainsi de s’aligner sur des goûts et des modes profanes et même païens ? (voir in fine, sa réponse sur les danses et les rites locaux)
Résumant le sens de la beauté d’une célébration, il précise que cette dernière ne «dépend pas essentiellement de la beauté architectonique, des icônes, des décorations, des chants, des habits sacrés, des chorégraphies et des couleurs, mais en premier lieu de sa capacité à laisser transparaître le geste d’amour accompli par Jésus». Et Mgr Marini d’évoquer ce principe essentiel pour lui, de la «noble simplicité», capable de manifester le rapport entre l’humain et le divin de la liturgie. Selon lui, «la liturgie n’est pas la somme des émotions d’un groupe, ni encore moins le réceptacle de sentiments personnels. Elle est surtout un temps et un espace pour intérioriser des paroles qui s’écoutent, des sons qui s’élèvent, pour s’approprier des gestes qui s’accomplissent, pour assimiler des textes qui se récitent et se chantent, pour se laisser pénétrer par des images qui s’observent et par des parfums qui se sentent.» – Cette liturgie qui se conjugue à la forme pronominale (avec pronom personnel réfléchi) ressemble à un culte du moi. Qu’est devenu le culte rendu à Dieu ?
Répondant, pour finir, aux critiques formulées sur les liturgies pontificales, en particulier celles dans lesquelles des danses et des rites locaux rythment la célébration, Mgr Marini souligne l’importance d’enrichir les liturgies «avec des éléments propres aux peuples concernés». Il cite le pape lui-même qui avait demandé, pour le synode du continent africain, que les célébrations d’ouverture et de clôture du synode «soient marquées par un caractère clairement africain». Jean Paul II avait alors été, dans son exhortation apostolique post-synodale, «chaudement reconnaissant» du travail accompli par le groupe de travail qui avait «aussi bien soigné les liturgies eucharistiques».