Le Nigéria à la croisée des chemins (1)

L'axe Nord-Sud au Nigéria, et les Etats sous la charia
L’Aide à l’Eglise en détresse (AED), fondation de droit pontifical, fournit une aide précieuse aux catholiques placés dans des situations de difficulté profonde dans le monde entier. Les catholiques du Nigéria souffrent depuis des dizaines d’années et paient l’impôt du sang dans des proportions effarantes. L’AED a fait un rapport sur ce pays qui permet de prendre la mesure de cette souffrance. Quelques articles résumeront ce rapport.
Le Nigéria, situé en Afrique de l’Ouest, possède des frontières avec le Bénin, le Cameroun, le Tchad et le Niger. Son nom provient du fleuve Niger qui traverse le pays. Le drapeau présente trois bandes verticales égales de couleur verte, blanche et verte ; la couleur verte représente les forêts et les richesses naturelles du pays, la couleur blanche symbolise la paix et l’unité.
Emergence politique
Dirigé par les Britanniques depuis 1914, le Nigéria a accédé à l’indépendance en 1960. Une nouvelle constitution a été adopté en 1999. Pays le plus peuplé d’Afrique (206 millions d’habitants), les zones les plus denses se trouvent dans le sud et le sud-ouest : Lagos (14,8 millions), Kano (4,1 millions), Ibadan (3,6 millions), Abuja (3,4 millions), Port Harcourt (3,1 millions) et Benin City (1,8 million).
Après l’indépendance, le Nigéria a connu six coups d’Etat (1966, 1967, 1975, 1983, 1985 et 1993), suivis d’un régime militaire et de courtes périodes de gouvernement civil. Après ces décennies de régime essentiellement militaire, le Nigéria a connu la plus longue période de régime civil de son histoire depuis 1999.
Il s’agit d’une fédération de 36 Etats autonomes et d’un territoire fédéral. Il dispose d’un corps législatif bicaméral composé d’un Sénat de 109 membres et d’une Chambre des représentants de 360 membres. Il existe actuellement 18 partis politiques enregistrés. Les partis alternent les candidats aux sur une “ethnique et non régionale”, également appelée système fédéral de quotas.
Ce système a été conçu pour répondre aux craintes de marginalisation et de domination ethnique dans l’éducation et le gouvernement. Cependant, ce système a un bon nombre de détracteurs qui se plaignent d’un effet discriminatoire. Les violations perçues de ces dispositions ont souvent conduit à des conflits.
Lors de l’élection présidentielle de 2023, le All Progressives Congress a présenté un ticket musulman-musulman, pour la première fois, alors que les principaux partis avaient toujours présenté un ticket musulman-chrétien : ce sont donc deux musulmans qui ont été élus, ce qui est considéré comme un indicateur de l’augmentation de la discrimination religieuse et de la marginalisation dans le pays.
Populations
Le Nigeria est loin d’être un pays homogène. Plus de 250 groupes ethniques et langues indigènes expriment la diversité et la richesse du pays : Hausa 30%, Yoruba 15,5%, Igbo (Ibo) 15,2%, Fulani 6%, Tiv 2,4%, Kanuri/Beriberi 2,4%, Ibibio 1,8%, Ijaw/Izon 1,8%, autres 24,9%. Les principaux groupes ethniques sont également divisés géographiquement : les Hausa, les Fulani et les Kanuri sont dominants dans le nord et les Yoruba, les Igbo et les Tiv dans le sud.
Pour comprendre la situation du pays, faut considérer la typologie entre le nord et le sud du pays. Certains Nigérians parlent d’une position d’“ignorance géographique” entre les deux parties. Beaucoup de Nigérians du Sud pensent qu’il n’y a pas de chrétiens dans le Nord, même si des Etats comme Gombe ou Kaduna ont une population chrétienne de près de 50% et qu’à Borno, le berceau de Boko Haram, 30% de la population est chrétienne.
Avant l’arrivée de la puissance britannique, le nord, le sud, l’ouest et l’est présentaient des particularités différentes et vivaient leurs propres réalités ethniques, politiques et religieuses. L’annexion de Lagos en 1861 a été la première étape de la conquête de la région du Niger. En 1885, lors de la conférence de Berlin, la Grande-Bretagne a revendiqué des droits sur le bassin du Niger.
En 1906, les Britanniques fusionnent la colonie et le protectorat de Lagos avec protectorat du Nigeria du Sud pour former la nouvelle colonie et le protectorat du Nigéria du Sud. En 1914, ces territoires du sud ont été unis au protectorat du nord du Nigéria, donnant naissance à l’unité géopolitique que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Nigéria.
Cependant, les territoires ont conservé leurs autorités régionales, divisées après 1914 en trois unités locales. L’annonce de leur dissolution par le gouvernement militaire après le premier coup d’Etat de 1966 a déclenché de violentes réactions dans le nord contre les sudistes qui s’étaient installés parmi eux. C’est l’un des facteurs qui a contribué au déclenchement de la guerre civile.
L’antagonisme entre le nord et le sud a connu une forte résurgence lors de la restauration de la charia dans 12 des 20 Etats du nord en 2000 et s’est accentué ces dernières années, alimenté par les conflits décrits au chapitre 3 du présent rapport. Il convient de préciser que les termes “nord” et “sud” ne correspondent pas toujours à la perception qu’aurait un observateur sur une carte.
Si l’on considère la division en Etats sous l’angle politique et administratif, Adawama ou Taraba sont deux Etats de la région du Nord-Est, même si, pour un observateur, ils se situent clairement au centre. De même, Abuja, la capitale, est considérée comme faisant partie du nord du pays.
Un terme géographique est très important : « la ceinture moyenne du Nigeria », qui fait référence à la zone qui divise le pays d’est en ouest, le long du centre, formant une zone de transition entre le nord et le sud du Nigeria. Elle comprend la majeure partie de la région nord-centre et la moitié sud de la région nord-est.
Caractérisée par un grand mélange d’ethnies – 50 à 100 langues et groupes ethniques différents – elle est un point de rencontre entre deux mondes et le théâtre d’incidents fréquents de nos jours.
Ressources
130 millions de Nigérians vivent sous le seuil de pauvreté. Le sud est plus riche, possède plus d’universités et est mieux éduqué. Le sud comprend également le réservoir de pétrole et la capitale financière, Lagos.
Le centre politique se trouve dans le nord, où vivent 46% de la population, tandis que 53% vivent dans le sud. La densité de la population est plus élevée dans le sud, bien que la superficie soit plus petite.
Les « Sudistes » se plaignent souvent de la répartition des ressources, qui est soumise à la centralisation par le pouvoir fédéral. Certains endroits, comme l’Etat du Delta, sont beaucoup moins développés, même s’ils possèdent des gisements de pétrole.
(Source : AED – FSSPX.Actualités)
Illustration : AED