Le Père Roger-Thomas Calmel 1914-1975 (3)

A l’occasion des 50 ans de la mort du Père Calmel, FSSPX.Actualités propose un article publié en 2013 dans le Courrier de Rome : « Un fils de saint Dominique au XXe siècle. Il fut un sage. »
III. Le sage parle haut et fort la vérité (ou défendre la vérité)
Certes, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement », mais pour qui doit parler et guider les âmes dans le contexte d’une double révolution civile et religieuse, la clarté du discours suppose en outre la hardiesse d’un croisé soutenu par le don de force et l’équilibre du prudent inspiré par le don de conseil. Telle est la troisième caractéristique du sage que fut le Père Calmel.
1. Clarté et fermeté
Par ses origines terriennes et paysannes, par sa formation naturelle et surnaturelle, sa raison illuminée par la foi aspirait à la clarté et avait en horreur les formules ambiguës et amoindrissantes, « les expressions molles, visqueuses ou fuyantes, qui peuvent être tirées dans tous les sens, auxquelles chacun peut faire dire ce qu’il veut ». Elles étaient à ses yeux « une injure directe à celui qui a dit : « Je suis la Vérité… Vous êtes la lumière du monde… Que votre parole soit oui si c’est oui, non si c’est non… » (p. 304).
Ces obscurités étaient d’autre part aux antipodes de l’idéal de l’Ordre dominicain, dont « la grâce propre est d’abord celle de la contemplation de la vérité, et ensuite, […] de dire la vérité, d’empêcher la pénombre ». Et ces mots qui sont un programme : « Je sais qu’il faut que nous portions et notre vérité, et la vérité dont nous sommes chargés, toujours plus devant Dieu, mais enfin c’est pour arriver à la dire. Prudence, mais prudence qui fait corps avec la grandeur. La grandeur de l’amour » (p. 569).
De telles exigences étaient bel et bien incompatibles avec le style nouveau des décrets du Concile Vatican II, qui lui arrachaient cette réaction – suggestive par ses images ! – de perplexité, d’indignation et de douleur : « Les décrets succèdent aux constitutions et les messages aux déclarations sans donner à l’esprit, sauf exception rarissime, une prise suffisante. Dans l’ensemble, vous avez l’impression d’être écrasé sous des piles d’édredons.
« Mais on ne réfute pas des édredons. Et si l’on veut vous étouffer sous leur entassement, vous tirez votre couteau, vous donnez quelques bons coups en long et en travers et vous faites voler les plumes au vent. En l’occurrence, le couteau représente les définitions des conciles antérieurs à Vatican II » (p. 306).
Un langage clair et sans ambiguïté, en référence aux définitions infaillibles et irréformables du Magistère, fut donc sa première arme, conformément à l’esprit de l’Eglise. En effet, rappelait-il, « Epouse très sainte du Christ, dépositaire très fidèle des secrets de son amour, l’Eglise parle un langage clair, défini, exempt d’ambiguïté, un langage ferme » : l’intelligence humaine l’exige, et plus encore, l’assistance divine qui préserve de toute erreur la sainte Epouse du Christ.
C’est pourquoi « la rigueur formelle de ses définitions dogmatiques, la précision aiguë de sa réflexion théologique, la limpidité de sa prédication ne sont rien d’autre que le langage convenable de son amour » (p. 305).
La conclusion s’imposait avec une évidence qui n’allait pas sans souffrance : « Au nom des définitions solennelles infaillibles autant que de l’enseignement ordinaire en continuité et cohérence avec la Tradition, […] refuser les actes faillibles et réformables qui, de toute évidence, détruisent cette même Tradition » (p. 531), c’est-à-dire par véritable obéissance à l’Eglise, encourir les accusations de désobéissance et d’insoumission à l’égard d’un Concile qui « n’a rien défini; alors nous ne sommes pas obligés – en vertu de la foi – de prendre au sérieux ce qu’ils nous racontent. Pour l’amour de Jésus, nous ne tournerons pas avec le vent. Mais nous savons que nous serons de plus en plus isolés » (p. 318).
Et il en est de même pour les rites de la liturgie et les formules des sacrements qui requièrent pour être efficaces et valides, de traduire avec exactitude et précision l’intention de l’Eglise. Or « le vice radical du nouvel Ordo c’est d’avoir introduit dans la célébration de la messe le système de rites ad libitum, de formulaires ad libitum et souvent imprécis qui autorisent, sous la garantie de la légalité, aussi bien la messe véritable que le « mémorial » hérétique ».
Et le Père, dans la suite de cette analyse parue en 1970 dans Itinéraires, reprenait une expression du Courrier de Rome pour déplorer l’imposition de cette « messe polyvalente » (p. 454). Dans une lettre de 1972, il constatait une nouvelle agression contre la Tradition : « Plus de tonsure, plus de sous-diaconat ; et le ministère de l’Eucharistie (communion des malades, distribuer la communion) peut être confié aux laïcs » (p. 479).
Il ne pouvait être indifférent au prêtre de Jésus-Christ que « les messes indignes, les messes douteuses, les messes invalides se multiplient et continueront de se multiplier », ni que certains gémissent en vain « car ils se sont démunis des moyens indispensables pour opposer une résistance irréductible ; ces moyens qu’ils ont laissé échapper ne sont autres que les données d’une tradition liturgique plus que millénaire et toujours homogène et cohérente » (p. 522).
Sa résolution de refuser ces « innovations radicales, essentiellement désinvoltes et arbitraires » (p. 523) est donc claire et nette. Pas de compromis non plus face aux fausses philosophies, par exemple cette grande machine « scientifico-philosophico-religieuse » montée de toutes pièces par un clerc, l’évolutionnisme intégral du père jésuite Teilhard de Chardin (p. 278), ni face à des attitudes morales ou pastorales répréhensibles de certains prêtres ou évêques.
2. Force et douceur
Cependant la fermeté de ses prises de position n’avait rien de violent, d’outré, de belliciste. Car il ne s’agissait pas de partir en guerre pour l’amour de la guerre et pour défendre ses retranchements personnels, mais de défendre les droits de Dieu, sa Vérité et son Règne. Certes, cet engagement dans les rangs des soldats du Christ exigeait des refus nets, des condamnations tranchées, des non possumus définitifs.
Il est néanmoins possible d’entrevoir la miséricorde de l’apôtre dans un conseil de Luce Quenette, fondatrice et directrice de l’école de La Péraudière, invitant à lire et à méditer la Déclaration du Père Calmel, déclaration de fidélité absolue à la Messe de son ordination, parue le 27 novembre 1969, et qui pour certains apparaissait comme une déclaration de guerre, le signal d’une révolte contre les autorités romaines. Qu’on en juge d’après ces quelques extraits :
« Je m’en tiens à la messe traditionnelle, celle qui fut codifiée, mais non fabriquée par saint Pie V, au XVIe siècle, conformément à une coutume plusieurs fois séculaire. Je refuse donc l’Ordo Missæ de Paul VI. Pourquoi ? Parce que, en réalité, cet Ordo Missæ n’existe pas. Ce qui existe c’est une révolution liturgique universelle et permanente, prise à son compte ou voulue par le pape actuel, et qui revêt, pour le quart d’heure, le masque de l’Ordo Missæ du 3 avril 1969.
« C’est le droit de tout prêtre de refuser de porter le masque de cette révolution liturgique. Et j’estime de mon devoir de prêtre de refuser de célébrer la messe dans un rite équivoque. […] Je reconnais sans hésiter l’autorité du Saint-Père. J’affirme cependant que tout pape, dans l’exercice de son autorité, peut commettre des abus d’autorité.
« Je soutiens que le pape Paul VI commet un abus d’autorité d’une gravité exceptionnelle lorsqu’il bâtit un rite nouveau de la messe sur une définition de la messe qui a cessé d’être catholique. […] La simple honnêteté donc, mais infiniment plus l’honneur sacerdotal, me demandent de ne pas avoir l’impudence de trafiquer la messe catholique, reçue au jour de l’ordination.
« Puisqu’il s’agit d’être loyal, et surtout en une matière d’une gravité divine, il n’y a pas d’autorité au monde, serait-ce une autorité pontificale, qui puisse m’arrêter » (p. 446-448).
Or, c’est cette Déclaration que Luce Quenette qualifiait de « toute belle », de « reposante ». Et elle en recommandait la lecture avec insistance : « Lisez cette Déclaration avec piété, avec admiration, comme l’engagement d’un cœur de prêtre, mais aussi comme l’expression complète de notre souffrance, enfin comme une lumière pour que d’autres âmes sacerdotales reçoivent la même lumière, et soient portées, s’il plaît à Dieu, par la même inspiration » (p. 451).
Tout était dit : la fermeté du ton et le courage de l’engagement du Père Calmel, mais aussi son indicible douleur et son paisible abandon, et enfin ce souci qui était le sien de soutenir, d’encourager, d’entraîner.
Les témoignages sur ce point sont abondants : si le Père Calmel savait être ferme et intransigeant dans l’impulsion qu’il donnait aux âmes, celles-ci trouvaient cependant en ces traits brûlants et éblouissants le réconfort qu’elles attendaient de lui. Son désir était d’ailleurs de les établir dans la paix, la confiance, la joie, au milieu même de la tempête : ces mots reviennent fréquemment sous sa plume.
Il écrivait ainsi en avril 1964 : « Je voudrais que […] malgré le mal que nous avons devant tant d’iniquités et de souffrances, vous demeuriez paisible, forte, sûre du Seigneur, confiante… » (p. 289). Au lecteur d’Itinéraires que pouvaient guetter le découragement ou, à l’inverse, la rage, il disait, deux ans plus tard : « L’esprit de lutte ne sera pas énervé, l’ardeur ne sera pas émoussée, l’opposition restera farouche mais ce n’est plus dans une atmosphère étouffante que nous poursuivrons le combat ; la douce paix des athlètes de la foi deviendra notre partage » (p. 363).
Equilibre admirable dont il donnait lui-même l’exemple au sein des persécutions et des méchancetés. Après l’injuste interdiction de poursuivre son ministère et son enseignement auprès des sœurs de Toulouse, il s’exclamait, déterminé à pratiquer l’héroïque douceur et l’héroïque pardon des Béatitudes : « Le plus grand mal que puisse nous faire le monde ce n’est pas de souffrir, mais c’est de nous mettre à son niveau, de nous rendre méchants s’il est méchant » (p. 190-191).
Et de refuser énergiquement, en parole et en acte, les tentations de peur, de découragement, de dramatisation, d’abattement : « Fuir tous les visages de l’épouvante et toutes les formes de dégoût de la vie… », disait-il à la communauté de Saint-Pré en 1974 ; « plus les situations sont tragiques ou embrouillées ou lamentables, plus il faut intérieurement refuser la tragédie, la tristesse ou l’embrouillement. Pour cela être enraciné dans l’Amour et chanter »(p. 576).
Face à un autre danger, celui de l’esprit de division, aigre, amer et impitoyable, le Père Calmel s’insurgeait également, avec une magnanimité et une largeur de vue remarquables : « J’ai autre chose à faire que d’ergoter sur la manière d’un tel ou d’un tel. La situation est trop grave pour perdre du temps à ces vaines disputes » (p. 395). Tenir son créneau, encourager la résistance, alimenter le zèle, regrouper et fortifier les bonnes volontés, éclairer les ignorants : voilà ce qui lui semblait essentiel, loin des mesquines et stériles querelles de chapelles.
Et là réside sans doute le secret de cette liberté d’allure qu’ont soulignée à l’envi tous ceux qui l’ont approché. Rien d’académique ou de rigide en effet chez ce Père de petite taille, vif, souriant, espiègle, qui émaillait ses cours et conférences d’innombrables citations d’Homère, de Corneille ou de Péguy, qu’il faisait chanter avec son accent rocailleux du Languedoc, et qui arrivait, raconte le Père Jean-Dominique, « armé d’un gros cartable rempli de livres et de notes, prêt à transmettre avec fougue la vérité qui le passionnait.
Dans sa cape, il avait fait confectionner deux grandes poches, devenues légendaires, dans lesquelles il pouvait fourrer une paire de chaussures propres afin de ne pas les mélanger à ses livres » (p. 151). C’est ainsi qu’il s’efforçait, inlassablement, de réveiller les esprits et de réchauffer les cœurs, de les guérir du conformisme et d’un assoupissement confortable.
3. Obéissance et liberté
Ce zèle ardent et paisible reposait sur une juste notion de l’autorité : le Père Calmel ne prêchait pas la révolte, mais, bien au contraire, l’obéissance. Au-delà des scandales de l’heure, malgré les erreurs des hommes d’Église, il s’agissait de « sentir avec l’Eglise », de s’attacher à sa Tradition multiséculaire, avec un sens vrai de la Romanité, de vénérer et de servir la Rome éternelle, celle de saint Léon, de saint Grégoire VII, de saint Pie V, de saint Pie X… sans optimisme aveugle et béat comme sans opposition radicale et amère, sans confondre l’infaillibilité du pape avec une prétendue impeccabilité.
Il aborda cette délicate question dans une série d’articles qui seraient publiés en 1975 sous ce titre éloquent : Fils de l’Eglise en un temps d’épreuve. On y peut lire, entre autres, ces affirmations claires et nuancées : « Nous ne formons aucunement une petite secte marginale : nous sommes de la seule Eglise catholique, apostolique et romaine.
« Nous préparons de notre mieux le jour béni où l’autorité s’étant retrouvée elle-même, dans la pleine lumière, l’Eglise sera délivrée enfin des brouillards suffocants de l’épreuve présente. Encore que ce jour tarde à venir, nous essayons de ne rien relâcher du devoir essentiel de nous sanctifier ; nous le faisons en gardant la Tradition dans l’esprit même où nous l’avons reçue, un esprit de sainteté » (p. 598).
Voilà pourquoi, la défection de l’épiscopat, aggravée encore par la collégialité, lui semblait si dramatique ; inversement, il se réjouissait des interventions de Monseigneur Lefebvre et les appelait de ses vœux. Dès 1967, il le pressait de prendre publiquement position et confiait à l’abbé Dulac : « Je demande chaque jour à Notre-Dame et à saint Dominique que Monseigneur Lefebvre parle hautement. Je ne vois que lui… » (p. 405).
Dix ans plus tard, il ne cachait pas son enthousiasme et son espérance à la lecture du livre du prélat, Un évêque parle : « c’est sans doute l’étau du modernisme qui commence à se desserrer. Au sujet de ce que des prêtres et des laïcs répètent depuis dix ans contre le modernisme de la messe, du catéchisme, de la vie des clercs et pour la fidélité à la Tradition, sur tout cela nous pouvons crier enfin : un évêque le dit » (p. 548).
4. Une prédication réaliste
A cet équilibre unissant harmonieusement fermeté et douceur d’une part, obéissance et liberté, d’autre part, le Père Calmel joignit l’équilibre d’une prudence supérieure. Il entendait répondre aux désirs de Notre-Seigneur en étant « ministre de la rédemption avec la prudence du serpent et la simplicité de la colombe » (p. 343), ce qui n’inclut nul pragmatisme, mais l’adaptation réaliste de principes universels à des cas et individus concrets.
Quoi de plus universels, de plus catholiques que ces conseils de recourir aux sacrements, à la prière, d’approfondir la doctrine, de lire des écrits spirituels authentiques, de pratiquer une vie authentiquement chrétienne ?
Et pourtant le Père Calmel ne craint pas de s’adapter aux circonstances, aux situations, aux tempéraments et de donner des directives fermes, précises, exigeantes, prêchant aux âmes l’héroïsme moral, « l’esprit du martyre, devenu plus que jamais indispensable quand la chrétienté se dissolvait, rappelant l’humble voie des mortifications nécessaires » (p. 429) et l’importance de la tenue, du langage, du vêtement chrétiens, et insistant aussi sur l’urgence d’une étude approfondie, profane et sacrée : « Aujourd’hui, pour s’habiller seulement ou pour danser ou pour admettre que la maternité est normale (vos filles) ont besoin d’une théologie », disait-il à des dominicaines enseignantes en 1950 (p. 158).
Dans la situation troublée de son temps, il recommandait également avec réalisme la constitution de petits « fortins de chrétienté : communautés, écoles, familles, revues…, qui deviennent autant que possibles des bastions de sainteté » (p. 518). « Il est en notre pouvoir de dresser de modestes ouvrages de résistance et de les entretenir de l’intérieur, de l’entretien qui procède de la vie de prière, de l’étude sacrée humblement conduite, de la charité fraternelle, de la modestie » (p. 599).
Quoi de plus vrai et de plus réaliste encore que ce recours incessant à la Vierge très prudente, Mère du bon conseil, Médiatrice de toutes grâces et victorieuse de toutes les batailles de Dieu ? La Vierge du Rosaire ne s’est-elle pas présentée elle-même, à Fatima, comme le dernier remède que Dieu accordait aux hommes ?
Le Rosaire, cette « école d’oraison et de réalisme dans l’oraison » (p. 219) fut au cœur de la prédication du Père Calmel, qui publiera d’ailleurs deux courts recueils de méditations pour aider les fidèles à en méditer les mystères : « Si, pour faire face aux malheurs des temps, nous nous mettons à réciter le chapelet comme il doit être récité, alors cette prière portera tous ses fruits dans notre cœur.
« Elle nourrira ce feu secret de l’oraison et du recueillement où grandit l’amour jusqu’au point de tout pénétrer et tout embraser. Par suite de la malignité des temps, nous aurons été conduits à la vraie prière » (p. 508).
Notre-Dame fut bien au cœur de sa vie elle-même : c’est à elle qu’il se consacra en classe de Seconde, passant avec elle un irrévocable « contrat d’amour, lui confiant (sa) vocation, (ses) intérêts du temps et de l’éternité, s’en remettant à (sa) sainte et maternelle bénédiction, jusqu’au dernier soir où (son) Cœur immaculé (le) présentera dans le Ciel au cœur de Jésus pour (l’) aimer et bénir sans fin » (p. 50).
C’est vers elle aussi qu’il se tourna à l’heure des choix décisifs et sa Déclaration s’achève sur ces mots : « J’attends en toute confiance de la Vierge Marie, la mère du souverain prêtre, qu’elle m’obtienne de rester fidèle jusqu’à la mort à la messe catholique, véritable et sans équivoque. Tuus sum ego, salvum me fac. (Je suis tout à vous, sauvez-moi) » (p. 448).
C’est encore elle qu’il veut donner à se frères, pour qu’ils vivent « comme ses enfants, tendres, confiants, joyeux » (p. 269). Et c’est avec elle enfin qu’il conclut son dernier sermon, prononcé à Saint-Cloud chez les Dominicaines du Saint-Esprit : « Que la Vierge à qui nous disons trois fois par jour le Regina Cæli lætare nous donne de connaître la joie que rien ne peut enlever d’une vie donnée à Jésus et cachée dans son amour », (p. 605).
5. Action et contemplation
Nous sommes là au cœur du combat du Père Calmel: un combat surnaturel pour le Royaume de Dieu qui ne pouvait donc se mener qu’avec les armes surnaturelles du Royaume de Dieu. Sans cesse il revenait sur la primauté de la vie d’oraison, la dévotion au Rosaire, l’importance de la vie liturgique… Tous ses conseils se retrouvent dans cette page tirée de son dernier ouvrage, Les Mystères du Royaume de la Grâce : « Priez ; que la prière vous stabilise dans cet amour infini ; vous fasse tellement communier à cet amour que vous y goûtiez la paix, au-delà de toute discussion. […]
« Seule l’oraison réconforte et nous apaise en même temps qu’elle nous incite à donner notre vie, chacun à notre place et sous la forme que Dieu veut, pour le bien des élus. Seule l’oraison nous fait habiter, en silence et amour, dans les plaies glorieuses du Crucifié. Grandissons dans l’amour ; nous ne comprendrons pas plus, mais nous dépasserons une certaine zone d’inquiétude » (p. 543).
Encore et toujours l’équilibre du sage et du prudent qui unissait action et contemplation, car « l’abandon est situé au cœur de l’action et s’en remettre à la grâce de Dieu, ce n’est pas ne rien faire. C’est faire, en demeurant dans l’amour, tout ce qui est en notre pouvoir » (p. 283)
Conclusion
C’est à ce prix que l’apôtre goûta la paix dans les durs combats de son temps, et au plus fort de la mêlée. Si ce fut une paix crucifiée, ce fut une paix réelle, légère, rayonnante et communicative. Lorsqu’il quitta cette terre, au jour où l’Église célébrait l’Invention de la Sainte Croix, ses dernières paroles furent des prières d’adoration et d’action de grâces : Salve crux – spes unica […] Que sa sainte volonté soit faite. Da… id amare quod præcipis, id desiderare quod promittis… (p. 609)
Il voulait, avait-il dit, « donner la lumière et disparaître dans la lumière » (p. 517). Il s’en retournait dans la Patrie, totalement absorbé dans la vérité, la beauté, la simplicité de Dieu, et comme fasciné par sa lumière. Mais la lumière qu’il nous a laissée brille encore, et certes, nous pouvons souscrire à cette conclusion du Père Jean-Dominique, qui laisse « à un maître général de l’ordre dominicain (de 1904 à 1916), ami de saint Pie X et fervent restaurateur de la vie dominicaine, le père Hyacinthe-Marie Cormier, le soin de résumer et de conclure la vie spirituelle et apostolique du père Calmel. Il affirmait sur un ton quelque peu prophétique :
« “Après les bouleversements de l’heure présente, il y aura à travailler beaucoup et à souffrir beaucoup pour Dieu et pour l’Eglise. Dans ces combats, les fils de saint Dominique auront leur place toute marquée aux premiers rangs, parmi les plus fidèles et les plus vaillants.” Le Père Calmel fut l’un d’entre eux » (p. 609).
Dominica
(Source :Courrier de Rome – FSSPX.Actualités)
Illustration : DR