Le point de vue d’un vaticaniste progressiste 

Source: FSSPX Actualités

 

- Benoît XVI est-il parvenu à Cologne à reprendre le flambeau de Jean-Paul II ?

 Au cours des JMJ, Joseph Ratzinger a fini d’être le "successeur de Jean-Paul II". Son pontificat a véritablement commencé à Cologne. Il est devenu Benoît XVI en quelques jours, il a présenté son programme et a montré plusieurs signes de discontinuité significatifs par rapport à son prédécesseur. Avec une plate-forme théologique bien plus structurée, il s’est fait l’apôtre d’un christianisme intérieur qui rompt avec les manifestations que l’on peut qualifier de baroques de Jean-Paul II. Dès son premier message à Cologne, comme hier au cours de la messe de conclusion, il a recommandé le retour à un christianisme vécu comme un "pèlerinage intérieur". C’est une évolution importante, qui plus est dans la patrie de Luther. Au christianisme de masse et spectaculaire de Jean-Paul II, il a opposé un christianisme anonyme et plus personnel. Et cela au cours des Journées Mondiales de la Jeunesse, qui sont une invention de Karol Wojtyla. Dans ce contexte, il a volontairement maintenu un style minimaliste, privilégiant le contenu au spectacle. J’imagine que pour les "papa boys", c’est un traumatisme.

 

- Cela annonce-t-il le retour au traditionalisme ?

Non, au contraire. Sur les rives du Rhin, Benoît XVI a révélé le dessein innovateur de son pontificat. Il a déclaré son adhésion aux concepts du concile Vatican II, plaidé pour le dialogue avec la société, pour une Eglise à l’écoute des ferments et des aspirations du monde. Il a pris une direction réformatrice très précise. Il a reconnu les culpabilités de l’Eglise, notamment en ce qui concerne l’antisémitisme et les guerres de religion contre l’Islam à travers les croisades. De ce point de vue, dans une forme très différente, il a récupéré totalement l’héritage de Jean-Paul II. De ce fait, la confession de la culpabilité des chrétiens face aux juifs et aux musulmans devient partie intégrante du système institutionnel de l’Eglise romaine. Les "mea culpa" que Karol Wojtyla était parvenu, non sans peine, à accomplir au Vatican durant le jubilé de l’an 2000, Benoît XVI les a repris à son compte, les prononçant cette fois devant les victimes. Il a ainsi renforcé les relations interreligieuses en soulignant entre autres que le "dialogue entre les chrétiens et les musulmans ne peut se réduire à une orientation saisonnière". Il a également reconnu la faillibilité de l’Eglise, contrairement aux espérances des conservateurs.

 

- Est-ce une surprise, alors qu’on présente Benoît XVI comme un réactionnaire ?

 Si on analyse le parcours de Joseph Ratzinger, on perçoit une grande disponibilité aux changements et une grande flexibilité de pensée. A Cologne, cette capacité d’ouverture a été pleinement confirmée. Son discours semblait écrit par le cardinal Martini (considéré comme le chef de file des réformateurs, ndlr). C’est une faillite pour les conservateurs, qui pensaient pouvoir utiliser Joseph Ratzinger pour revenir en arrière. Au contraire, Benoît XVI, dans un style très différent, a accentué les orientations de Jean-Paul II dans le dialogue avec le monde et les autres religions. Nous devons nous attendre à des surprises, pas tant sur les questions de société, mais sur la primauté et l’infaillibilité du souverain pontife. Il faut s’attendre à une réforme de la curie et de la papauté. Le synode des évêques convoqué pour cet automne pourrait être l’occasion de donner davantage d’autonomie aux épiscopats nationaux.

 

- Cette orientation annonce-t-elle une révolution de palais au Vatican ?

 Benoît XVI agit par petites touches. Il a déjà renvoyé le secrétaire personnel de Jean-Paul II, Stanislas Dziwisc, à Cracovie, alors que celui-ci voulait rester à Rome. Il souhaite procéder à des changements, mais il le fera en douceur. Il veut changer sans détruire. A Cologne, devant le monde, Benoît XVI a en tout cas pris possession de son pontificat.