Le rêve flou des évêques de France

Source: FSSPX Actualités

 

Extrait de l’allocution du cardinal Lustiger au Saint-Père, le 20 février


Ce que l’on décrit à juste raison comme ignorance du christianisme, détachement des pratiques religieuses, affaissement des mœurs, déstructuration de la cellule familiale, désarroi de la jeunesse, etc., loin de nous inviter à la nostalgie devant ce qui fut mais qui n’est plus, nous provoque au courage. Dans cette situation, nous osons lire un appel des nouvelles générations à découvrir dans l’Évangile leur raison de vivre et, par là, la grandeur de la condition humaine reçue des mains du Créateur. Pour beaucoup, profondément interrogés par un pluralisme religieux inédit jusqu’à ce jour, c’est l’appel à se laisser «saisir par le Christ» qui l’emportera. Ils apprendront à le suivre, Lui, unique Sauveur du monde, sur la voie de l’amour et du service de cet Evangile de Vérité.

Cette situation nouvelle où l’évangélisation ne se jauge pas selon la référence au passé, mais selon l’appel de l’avenir, est le motif de notre optimisme, d’autant plus résolu qu’il repose sur la grâce de Dieu à l’œuvre en ce monde nouveau. Même si l’on nous accuse de rêver, il nous semble que, si nous rêvons, nous le faisons en compagnie de Paul, lorsqu’il voyait en songe le Macédonien lui dire : «Viens à notre secours» (Ac 16, 9). Le Macédonien c’est l’Europe, notre vieil Occident, notre Pays…

Extrait de l’allocution de Mgr André Lacrampe, archevêque de Besançon, au Saint-Père, le 27 février


- La situation religieuse

La population de la Province de nos huit diocèses (de l’Est de la France) est très majoritairement catholique. Les autres confessions chrétiennes sont cependant présentes, notamment les Eglises luthérienne ou réformée dans les diocèses de Metz, Strasbourg et Belfort-Montbéliard. Le nombre des orthodoxes est limité, tout comme celui des juifs, hormis en Alsace. Celui des musulmans n’a cessé de s’accroître avec l’immigration. L’ œcuménisme et le dialogue interreligieux donnent lieu, chaque année, à diverses rencontres : réflexions et semaine de prière pour l’unité des chrétiens peuvent s’intensifier.

Comme en de nombreux diocèses français et malgré un fond encore chrétien, la pratique religieuse régulière a baissé au cours des dernières décennies, notamment chez les jeunes. Si la grande majorité des enfants de familles de souche chrétienne reçoivent le baptême, nous savons qu’il n’est pas forcément suivi de catéchèse. Par ailleurs, on constate une augmentation du nombre des demandes de baptême chez les enfants scolarisés.

Il y a actuellement environ 2 500 prêtres dont 1 730 en activité, soit 1 pour 3 000 habitants. Leur esprit ecclésial, leur fraternité et leur charité pastorale sont à souligner. Le grand nombre de ceux qui décèdent chaque année n’est pas compensé par de nouvelles ordinations (60 décès de prêtres diocésains à Nancy pour 2 ordinations en 4 ans, 63 décès à Saint-Claude en 8 ans sans aucune ordination). Il en résulte que la charge pastorale des prêtres en responsabilité s’alourdit de plus en plus. Les plus jeunes d’entre eux, très peu nombreux, risquent de se sentir isolés. Il n’y a que deux grands séminaires, à Metz et à Strasbourg (1e et 2e cycles) ; par ailleurs, quelques jeunes se destinant au ministère presbytéral vont s’y préparer à Lyon, à Paris ou à Rome. Si le nombre de ceux qui se préparent au ministère presbytéral ne cesse de diminuer en plusieurs diocèses, nous ne ménageons pas nos efforts pour soutenir la pastorale des vocations.

La Province compte environ 180 diacres dont la plupart sont mariés. Le diaconat permanent constitue une richesse pour l’Église. C’est une voie à proposer plus largement. Les diacres permanents contribuent à rendre notre Église davantage servante et pauvre.

La vie religieuse est fort présente dans notre Province. Certaines congrégations ont œuvré à des fusions qui entraînent un nouveau dynamisme spirituel. Toutefois, dans plusieurs endroits, des monastères ont dû fermer faute de recrutement. Nous devons poursuivre notre effort de soutien à l’appel à la vie religieuse apostolique et contemplative.

Nos diocèses ont fourni de nombreux missionnaires à l’Église universelle. Nous continuons d’inviter nos diocésains à regarder au loin et à porter le "souci de toutes les Églises" (2 Co 11, 26-27).

En de nombreux diocèses, les paroisses ont été regroupées sur une base de géographie humaine, passant par exemple de 771 à 67 dans le diocèse de Besançon, de 450 à 53 à Saint-Dié, de 649 à 140 à Metz. Il en reste 20 seulement dans le diocèse de Verdun. Les fidèles s’aperçoivent maintenant que leur curé ne peut pas tout faire sur le vaste territoire qui lui est confié. Ils comprennent, quand un prêtre doit desservir 30 ou 40 villages avec autant d’églises, qu’il faut trouver de nouvelles modalités d’organisation. De ce fait, des laïcs acceptent la mission de collaborer à la charge pastorale des prêtres, mais aussi de recevoir une formation adaptée aux tâches qu’ils assument : acquisition d’un savoir-faire et d’un savoir-être, en relation avec les prêtres, que ceux-ci soient ou non résidents. Cela entraîne des répercussions sur le ministère presbytéral.

Le présent et l’avenir du ministère presbytéral, du ministère diaconal, des Équipes d’animation pastorale et des responsables de services d’Église, retiennent toute notre sollicitude pastorale.

Des lieux de formation se sont développés dans tous les diocèses. Beaucoup de chrétiens cherchent à approfondir leur foi. Moins nombreux semble-t-il, sont ceux qui la perçoivent comme devant être annoncée, pour que les communautés demeurent signifiantes. C’est une grande préoccupation pour chacun d’entre nous comme pour les fidèles

Aussi, écrit un évêque, «la célébration des baptêmes et des mariages, sans parler des messes dominicales, va-t-elle de plus en plus poser problème», tandis qu’un autre souligne la nécessité de «réfléchir avec l’ensemble des chrétiens, non pas évidemment à l’éventualité de nous passer de prêtres, mais à celle de situer autrement le prêtre au sein des communautés chrétiennes, dans lesquelles les laïcs auront des responsabilités importantes».Qu’en sera-t-il dans dix ans ? En 2010, écrit un évêque, il y aura moins de 40 prêtres en responsabilité pour l’ensemble des paroisses du diocèse de 250 000 habitants ainsi que pour l’accompagnement spirituel des services et mouvements.

- Défis actuels et espoirs pour l’avenir

Les défis auxquels nous sommes confrontés sont ambivalents, porteurs de remises en question et d’inquiétude, mais aussi de chance pour l’avenir. Mondialisation, sécularisation, précarité, solidarité, mobilité, immigration, laïcité, problèmes éthiques et culturels, se rencontrent chez nous comme dans l’ensemble de la société française. Ils nous appellent tous à une nouvelle annonce de l’Évangile de l’espérance (Ecclesia in Europa, c. III).

Si les indicateurs traditionnels de la vie ecclésiale (pratique dominicale, taux de catéchisation, nombre des baptêmes, des confirmations et des mariages) continuent à baisser ou au mieux se stabilisent, on perçoit néanmoins de réels signes de vitalité pour peu qu’on y prête attention.

Nombreux sont les laïcs qui, se sentant responsables de l’annonce de l’Évangile et de l’édification de l’Église, assument cette mission avec fidélité et générosité. Ainsi, ils permettent d’assurer la catéchèse, la préparation aux sacrements de baptême, de confirmation et de mariage, la célébration des funérailles en certains cas, ou encore une formation chrétienne des adultes. Ces services deviennent des lieux d’annonce et d’approfondissement de la foi.

De façon générale, si les jeunes sont peu présents au sein des communautés chrétiennes, ils ne sont pourtant pas absents de l’Église. Chez beaucoup d’entre eux, il y a une soif importante quant au sens à donner à leur vie. On ne peut leur proposer le Christ qu’en mettant en œuvre des pédagogies adaptées à leur culture, marquée davantage par la participation festive et généreuse à des actions ponctuelles, plus que par un engagement dans la durée. Nombre d’adultes s’en préoccupent et accompagnent les jeunes.

On observe ici ou là une timide reprise de certains mouvements, même si les effectifs ne sont pas très nombreux. L’Action catholique, le Mouvement Chrétien des Retraités, les Équipes du Rosaire témoignent, par exemple, d’un réel souci apostolique.

On sent d’une manière générale la nécessité de passer d’une pastorale de l’accueil à une proposition de la foi, telle que l’a souhaitée l’Assemblée plénière des Évêques de France depuis plusieurs années.

Pour reprendre la formule de l’un d’entre nous, «notre Église est en train de quitter des rivages connus sur lesquels elle a vécu pendant très longtemps, pour aller vers d’autres rives dont les caractéristiques demeurent encore floues, mais que nous devons travailler à définir avec l’aide de l’Esprit».

Avec votre bénédiction et votre soutien, Très Saint Père, chacun de nous est bien résolu à «avancer vers le large» comme nous y invite le Seigneur.