Le Saint-Siège accueille les anglicans qui le désirent

Source: FSSPX Actualités

Le 20 octobre, le cardinal William Joseph Levada (au centre, sur la photo), Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, et Mgr Joseph Augustine Di Noia, Secrétaire de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, ont présenté aux journalistes une Note sur les Ordinariats personnels pour les anglicans qui comptent « s’unir à l'Eglise catholique ». 

La Congrégation pour la doctrine de la foi, qui a rédigé le texte, a alors annoncé « la préparation d´une Constitution apostolique » pour répondre « aux aspirations légitimes adressées au Saint-Siège par des groupes de clercs et fidèles anglicans de diverses parties du monde qui désirent entrer dans une communion pleine et visible ». Le cardinal Levada a souligné que « l'initiative émane de différents groupes anglicans ayant déclaré qu'ils partageaient la même foi catholique, telle qu'exprimée dans le Catéchisme de l'Eglise catholique, et qu'ils acceptaient le ministère pétrinien comme un élément voulu par le Christ pour l'Eglise ».

Il a également indiqué que ces requêtes provenaient de 20 à 30 évêques. Il n´y aura pas, a-t-il poursuivi, d´accord global avec l´association de la Traditional Anglican Communion (TAC), mais avec ses « fidèles », au nombre de 500.000 dans le monde. Le cardinal a expliqué que « Benoît XVI [espérait] que les prêtres et les fidèles anglicans désireux de s´unir à l´Eglise catholique [trouveraient] dans cette structure canonique l´opportunité de préserver ces traditions anglicanes qui sont précieuses pour eux et conformes avec la foi catholique ».

Et de préciser que ces fidèles étaient en rupture avec les Eglises anglicanes qui avaient décidé d´ordonner des femmes et des homosexuels à la prêtrise ou à l´épiscopat, et de bénir des unions homosexuelles. Le même jour, le chef de la Communion anglicane, l´archevêque de Canterbury Rowan Williams, et Mgr Vincent Gerard Nichols, archevêque de Westminster et président de la Conférence épiscopale catholique d´Angleterre et du Pays de Galles, ont publié une déclaration conjointe. Il y est précisé que la Constitution apostolique annoncée est « la conséquence du dialogue œcuménique entre l´Eglise catholique et la Communion anglicane », engagé depuis 40 ans, et que ce développement est « une nouvelle reconnaissance des importantes similitudes en matière de foi, de doctrine et de spiritualité entre l´Eglise catholique et la tradition anglicane. »

Le 30 octobre, le Père Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège a indiqué à l´agence de presse Imedia que Rowan Williams rencontrera Benoît XVI au Vatican le 21 novembre 2009. La rencontre se fera à l’occasion de sa venue pour les cérémonies du centenaire de la naissance du cardinal hollandais Johannes Willebrands (1909-2006), pionnier de l´œcuménisme. « Il est positif qu´ils puissent se rencontrer », a expliqué le Père Lombardi, jugeant qu´il s´agissait d´un « signe du bon dialogue existant entre les deux confessions chrétiennes ».

Rowan Williams, accusé dans ses rangs d´approuver un acte perçu comme une division de la Communion anglicane, avait également expliqué qu´il ne considérait pas la décision de l´Eglise catholique comme un « acte d´agression », mais comme une « coopération » et s´était réjoui, avec le primat de l´Eglise catholique de Grande-Bretagne, Mgr Vincent Nichols, de ce « dialogue officiel ». « Cela fait des années que certains groupes, comme par exemple la Traditional Anglican Communion, ont approché les catholiques pour les rejoindre. D´autres, qui sont encore dans l´Eglise anglicane, y réfléchissent. Ce n´est pas un secret que le problème des femmes évêques est un sujet de controverse », avait encore précisé Rowan Williams.

Le 31 octobre, le Père Lombardi a répondu aux « observations soi-disant bien informées » du vaticaniste Andrea Tornielli du quotidien italien Il Giornale, selon lequel « une sérieuse question de fond, à savoir le désaccord sur le fait que le célibat sera la norme pour le futur clergé » catholique de tradition anglicane, expliquerait le retard de publication de la Constitution apostolique. Le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège a fait savoir que le cardinal William Joseph Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, précisait que ce « retard » était « purement technique, afin d´assurer l´uniformité dans le langage et les références canoniques ». Le cardinal Levada a en outre précisé que s´il lui avait été demandé des précisions, il aurait « clarifié avec joie n´importe quel doute au sujet de (ses) remarques à la conférence de presse », donnée le 20 octobre dernier. Le haut prélat a alors ajouté qu´il n´y avait « aucune matière à une telle spéculation », avant d´affirmer que « personne au Vatican » ne lui avait « signalé un tel problème ».

Le 9 novembre, la Congrégation pour la doctrine de la foi a rendu publique la Constitution apostolique Anglicanorum Coetibus, sur l'institution des Ordinariats personnels pour les anglicans entrant en pleine communion avec l'Eglise catholique, ainsi que les Normes complémentaires signées par le cardinal William Joseph Levada et par Mgr Luis F. Ladaria, secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Ces deux documents sont datés du 4 novembre et publiés en italien et en anglais. Un communiqué du cardinal Levada accompagne les deux textes et précise que « la Constitution apostolique publiée aujourd'hui introduit une structure canonique qui facilite cette réunion corporative à travers l'institution des Ordinariats personnels qui permettront à ces groupes d'entrer en pleine communion avec l'Eglise catholique, tout en conservant des éléments spécifiques du patrimoine spirituel et liturgique anglican ».

Les Normes complémentaires serviront à l’application correcte du processus. Cette Constitution ouvre « un nouveau chemin pour la promotion de l'unité des chrétiens, en reconnaissant, en même temps, la diversité légitime dans l'expression de notre foi commune ». Le cardinal indique qu’il ne s'agit pas « d'une initiative du Saint-Siège », mais « d’une réponse généreuse de la part du Saint-Père à l'aspiration légitime de ces groupes anglicans ». Et d’ajouter que « la nouvelle structure se trouve en pleine harmonie avec l'engagement pour le dialogue œcuménique qui continue à être prioritaire pour l'Eglise catholique ».

La présence possible, évoquée dans la Constitution apostolique, de quelques prêtres mariés dans les Ordinariats personnels ne signifie en aucune façon, le changement de la discipline de l'Eglise concernant le célibat sacerdotal, qui, comme l'affirme le concile Vatican II, est un signe, en même temps, de la charité pastorale et une annonce du Royaume de Dieu, déclare le cardinal. Dans cette nouvelle constitution apostolique, le pape met en place une structure canonique sous forme d´ « ordinariats personnels pour les anglicans entrant dans la pleine communion avec l'Église catholique ».

Treize dispositions traitent de la formation des ordinariats qui jouissent, selon le § 3 de la première partie « d'une personnalité juridique publique et sont juridiquement assimilés à un diocèse », de la possibilité pour l'ordinariat « d'exercer (son pouvoir) conjointement avec l'évêque diocésain local dans les cas prévus par les Normes complémentaires », des candidats à l'ordre sacramentel, de l'érection avec l'approbation du Saint-Siège de nouveaux instituts de vie consacrée et de sociétés de vie apostolique ainsi que de paroisses, de la visite ad limina des Ordinaires... Les normes complémentaires traitent de la dépendance à l’égard du Saint-Siège, des relations avec les Conférences épiscopales et les évêques diocésains, de l'Ordinaire, des fidèles de l'ordinariat, du clergé, des évêques ex-anglicans, du Conseil de gouvernement, du Conseil pastoral et des paroisses personnelles.

Les livres liturgiques propres à la tradition anglicane, qui auront été approuvés par le Saint-Siège, pourront être conservés « de façon à maintenir les traditions liturgiques, spirituelles et pastorales de la Communion anglicane dans l'Église catholique, comme un don précieux nourrissant la foi des membres de l'ordinariat et comme un trésor à partager ». Selon cette Constitution apostolique, la surveillance et la conduite pastorale de ces groupes de fidèles (...) seront assurées par un ordinariat personnel, dont le responsable, prêtre ou évêque anciennement anglican, sera nommé par la Congrégation pour la doctrine de la foi et non par celle en charge des évêques. Les futurs ordinariats auront une structure comparable à celle des diocèses aux armées. Ce modèle canonique « unique pour l´Eglise universelle » prévoit la possibilité de « l´ordination comme prêtres catholiques d´anciens prêtres anglicans mariés ». Pour la première fois dans l´histoire, une communauté chrétienne née de la Réforme serait ainsi admise à nouveau par l´Eglise catholique. Mais, pour des raisons « historiques et œcuméniques », l´ordination épiscopale d´hommes mariés n´est pas autorisée dans l´Eglise catholique et dans les Eglises orthodoxes, rappelle la note de la Congrégation.

C'est pourquoi la Constitution établit que « l´évêque peut être un prêtre ou un évêque non marié ». Les séminaristes de l´ordinariat seront formés « aux côtés de séminaristes catholiques ». – Il faut noter que le document romain ne parle pas de réordination, comme l’ont dit certains journalistes, mais d’ « ordination comme prêtres catholiques », car la Bulle apostolique Apostolicae Curae (18 septembre 1896) du pape Léon XIII a nettement affirmé la nullité des ordinations anglicanes : « Les ordinations faites selon le rite anglican ont été et sont absolument nulles et sans valeur. » L’article 6 de la Constitution apostolique concerne le statut des prêtres et séminaristes. « Ceux qui ont assuré le ministère de diacres, de prêtres, ou d´évêques anglicans, et qui remplissent les conditions requises établies par la loi canonique et ne sont pas empêchés par des irrégularités ou d´autres empêchements, peuvent être acceptés par l´ordinaire comme candidats aux Ordres sacrés dans l'Eglise catholique.

Dans le cas de ministres mariés, les normes établies dans la Lettre Encyclique de Paul VI Sacerdotalis coelibatus, n. 42, et dans la déclaration In June, doivent être observées. Les ministres non mariés doivent se soumettre à la norme du célibat clérical du code de droit canon n. 277, §1. » Enfin, « l´ordinaire, dans la pleine observance de la discipline du clergé célibataire de l´Eglise latine, en règle générale (pro regula) admettra seulement des hommes célibataires à l´ordre sacerdotal. Il peut également demander au pontife romain, en dérogation au canon n. 277 §1, que soient admis des hommes mariés à l´ordre sacerdotal au cas par cas, en accord avec des critères objectifs approuvés par le Saint-Siège ». Dans le communiqué publié par le Bureau de presse du Saint-Siège, le cardinal Levada a en outre expliqué que « cet article (devait) être compris dans la logique de la pratique courante de l´Eglise ». Il a également précisé que les cas de séminaristes anglicans déjà mariés seraient « développés conjointement par l´Ordinariat personnel et la Conférence épiscopale, et soumis pour approbation au Saint-Siège ». 

Il est à souhaiter  que cette dérogation accordée pour faciliter le retour des anglicans à l’Eglise catholique ne soit pas  l’occasion qu’attendent les progressistes qui militent en faveur de l’ordination d’hommes mariés et du mariage de prêtres déjà ordonnés. Pour ce faire, les précautions qui entoureront l’étude de chaque cas particulier ne devront pas être oratoires, mais  bien réelles. Le Père Lombardi a en outre indiqué que le Saint-Siège n´avait pas voulu constituer « une nouvelle Eglise rituelle » ou « un nouveau rite à l´intérieur de l´Eglise catholique de tradition latine ». Mais « il s´agit seulement d´une variante à l´intérieur du rite latin, mais pas d´une Eglise distincte avec un rite distinct ». La publication de ce document « n´est en aucun cas en contradiction avec l´engagement œcuménique dans les rapports avec la Communion anglicane, un engagement qui continue comme avant », a confié le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège. 

 

Revue de presse 

Hans Küng considère le geste du pape comme « un changement de cap dramatique ».

Dans une tribune libre publiée, le mercredi 28 octobre, simultanément dans Le Monde, The Guardian et La Repubblica, Hans Küng s´est violemment élevé contre la décision de Benoît XVI. Car « après avoir heurté de front les juifs, les musulmans, les protestants et les catholiques réformistes, voilà que le pape Benoît XVI s´en prend maintenant aux anglicans », a expliqué Hans Küng, qui considère le geste du pape comme « un changement de cap dramatique ». « Finie l´époque de l´œcuménisme fondé sur un dialogue d´égal à égal et une recherche de compréhension authentique ! », regrette le théologien suisse ultra-progressiste. Il dénonce un « débauchage des prêtres » anglicans, qualifié d´« anti-œcuménique ». Cette décision correspondrait en fait à une volonté de Benoît XVI de « restaurer l´imperium romain ». « Il ne fait aucune concession à l´anglicanisme, écrit Hans Küng.

Au contraire, il veut maintenir et assurer de façon pérenne le centralisme romain issu du Moyen Age - même si cela rend impossible une unification des Églises chrétiennes sur les questions fondamentales ». La primauté du pape - considérée par Paul VI comme le « grand roc » sur le chemin de l´unité des Eglises - ne fait manifestement pas fonction de « pierre angulaire de l´unité », estime-t-il. Hans Küng, voit plusieurs conséquences dramatiques à ce qu´il considère être un rapprochement avec les « hypertraditionalistes » anglicans. Les anglicans assistent ainsi à la « poursuite de l´affaiblissement de l´Eglise anglicane » et l´« inquiétude généralisée des fidèles anglicans » sur « la question de savoir si les prêtres anglicans ont bien été ordonnés de façon valable ». Parallèlement s’élève la « grogne du clergé et du peuple catholique » avec « le mécontentement suscité par le constant refus de réforme » sur l´ordination d´hommes mariés. « Or, écrit Hans Küng, il faudrait maintenant que des prêtres catholiques tolèrent à leur côté la présence de convertis mariés ? Faudrait-il, si l´on veut se marier, devenir d´abord anglican, puis convoler pour revenir ensuite sur ses convictions ? » Et le théologien dissident conclut : « Comme lors du schisme entre l´Orient et l´Occident, comme à l´époque de la Réforme et comme au moment du premier concile du Vatican, le désir de pouvoir de Rome divise la chrétienté et nuit à l´Eglise elle-même ».

Dans un éditorial daté du jeudi 29 octobre, Giovanni Maria Vian, directeur de L´Osservatore Romano a déclaré la réaction de Hans Küng « loin de la réalité » et la « décision de Benoît XVI caricaturée, dépeinte avec des couleurs outrancières, et réécrite ». Le directeur du quotidien du Saint-Siège assure que l´ouverture faite aux anglicans est d´abord « un geste visant à reconstruire l´unité voulue par le Christ, reconnaissant le long et difficile chemin œcuménique parcouru en ce sens ». « Mais que Küng déforme et présente outrancièrement comme s´il s´agissait d´une opération astucieuse à lire selon des critères politiques, forcément d´extrême-droite ». Et de poursuivre « il n´est pas nécessaire de souligner la fausseté et les inexactitudes de ce dernier texte de Küng, dont le ton ne fait pas honneur à son histoire personnelle... »

Au sein de l´Eglise anglicane de Malaisie Mgr Ng Moon Hing, évêque du diocèse anglican de Malaisie-Ouest depuis 2006, cité par Eglises d´Asie, est un fervent partisan de l´œcuménisme. Les relations avec l´Eglise catholique locale sont excellentes, se réjouit-il en précisant que les responsables anglicans et catholiques se rencontrent chaque mois dans un souci de dialogue, spécialement dans le cadre de la Fédération chrétienne de Malaisie et des forums interreligieux. Mais, souligne-t-il, il faut distinguer le rapprochement avec l´Eglise catholique de « l´intégration » au sein de celle-ci, qui « est une tout autre question ».

La proposition de Rome intervient en pleine crise de la Communion anglicane, au bord de l’implosion en raison des divergences concernant notamment l´ordination des femmes, l´union des homosexuels et l´ordination des homosexuels à la prêtrise ou à l´épiscopat. C´est ce dernier point, surtout, qui fait dire à Mgr Ng Moon Hing qu´il désapprouve certaines des récentes orientations prises par son Eglise et entérinées par l´archevêque de Cantorbéry, chef spirituel de la Communion anglicane.

Il rejoint ainsi d´autres responsables anglicans, nombreux en Asie, qui s´élèvent contre ce qu´ils qualifient de « dérives théologiques », en particulier depuis 2003, date à laquelle le premier évêque homosexuel vivant en couple, Gene Robinson, a été « consacré » au sein de l´Eglise anglicane américaine. L´Eglise anglicane de Malaisie est sensible au geste d´ouverture du pape, déclare le prélat anglican, mais « elle ne peut y répondre dans l´immédiat, avant d´avoir plus de détails ». « La circulation des personnes entre les deux Eglises fera avancer l´œcuménisme », a déclaré Abraham Kim Gwang-joon, secrétaire général provincial de l´Eglise anglicane de Corée et président du Comité pour l´œcuménisme du Conseil national des Eglises (protestantes) de Corée, artisan de longue date de l´unité et du dialogue interreligieux.

L´Eglise anglicane de Corée avait vivement réagi aux récents changements d´orientation spirituelle de la Communion anglicane, en s´opposant particulièrement à l´ordination des prêtres homosexuels. Aujourd’hui la communauté coréenne considère favorablement la décision d´accueillir au sein de l´Eglise catholique romaine « les membres du clergé ou les fidèles qui s´estiment en désaccord avec leur institution et préfèrent suivre la ligne doctrinale de Rome », tout en conservant leurs traditions spécifiques.