L’Eglise en état de synode permanent (2)

Source: FSSPX Actualités

Le 16 octobre 2022, à la fin de l’Angelus dominical, le pape François a annoncé que la XVIe assemblée du synode des évêques se tiendrait au Vatican en deux sessions, à un an d’intervalle : la première se déroulera du 4 au 29 octobre 2023, et la seconde est prévue pour octobre 2024. La première partie a constaté qu’il s’agissait en fait d’un concile déguisé.

Un schisme latent provoqué par la réforme conciliaire

Dans Res novæ du 1er octobre, l’abbé Claude Barthe montre que cette ambiguïté a pour cause l’équivocité radicale de la réforme voulue par Vatican II. Il constate un effet aujourd’hui patent : « quand l’Eglise a abordé aux rives du XXIe siècle, on a pu mesurer l’échec fondamental de Vatican II du point de vue qui est le premier pour elle, celui de la mission.

« Non seulement elle ne convertissait plus, mais le nombre de ses fidèles, de ses religieux et de ses prêtres se réduisait à tel point qu’elle semblait en voie de disparition, au moins en Occident. Vatican II, dont toute l’ambition avait été d’adapter le message à la sensibilité des hommes de ce temps et de les attirer à une Eglise rajeunie, transformée, modernisée, n’est même pas arrivé à les intéresser. »

Raison de ce désastre, selon l’abbé Barthe : « le recul du temps a fait apparaître qu’une déchirure, on peut dire un schisme latent, s’était produit après Vatican  II, partageant l’Eglise entre deux courants, l’un et l’autre composites mais bien identifiables : le premier, pour lequel il fallait revenir sur le Concile ou au minimum l’endiguer ;

« l’autre pour lequel il n’était qu’un programme de départ. Le projet de rétablir l’unité autour de ce Concile qui ne se donnait pas pour être le magistère infaillible, autrement dit qui n’était pas un principe de foi à proprement parler, a été la croix des papes de l’après-Vatican II. Ils y ont échoué. »

Pour le prêtre français, il faut revenir à une vraie réforme de l’Eglise, inspirée des principes traditionnels, comme ce fut le cas pour la réforme grégorienne. Et il oppose cette réforme à celle qui a été introduite par Vatican II : la réforme grégorienne avait pour ferment « la vie religieuse, celle du monachisme de Cluny spécialement.

« C’est dans l’ordre des choses : la visée de perfection évangélique de la vie religieuse est le modèle des nécessaires rénovations de l’Eglise. Elles sont accompagnées et stimulées par les réformes des ordres religieux (parmi bien d’autres, celle du Carmel, au XVIe siècle), avec un retour à l’exigence des Béatitudes, une rénovation spirituelle et disciplinaire, un retrait de la corruption du monde pécheur pour se convertir et pour le convertir (Jn 17, 16-18).

« Mais à partir du christianisme des Lumières, dans les pays germaniques, en France, en Italie, le terme de réforme a commencé à s’appliquer aussi à un autre projet, celui d’une adaptation des institutions ecclésiastiques au monde environnant, lequel commençait alors à échapper au christianisme. »

Et d’expliciter ce qui constitue à ses yeux un schisme latent : « Deux types de réforme, désormais, vont souvent se trouver contraposés : celui traditionnel d’une réforme de revitalisation de l’identité de l’Eglise, et celui d’une réforme d’ajustement de l’Eglise à la société nouvelle dans laquelle elle vit.

« C’est essentiellement l’idée traditionnelle de réforme qui s’est retrouvée dans des mouvements tels que la renaissance des ordres religieux, notamment bénédictin, au XIXe  siècle après la tourmente révolutionnaire, la restauration du thomisme à partir de Léon  XIII, les réformes liturgiques et disciplinaires de saint Pie X au début du XXe  siècle, et les tentatives d’endiguement doctrinal et liturgique de la grande ébullition des années 50 par Pie XII.

« Au contraire, l’idée nouvelle de réforme, avec son livre programme, Vraie et fausse réforme dans l’Eglise  d’Yves Congar (Cerf, 1950), se lit dans la “nouvelle théologie” des années d’après-guerre, dans le mouvement œcuménique et, pour une part, dans le Mouvement liturgique, et elle a triomphé avec Vatican II. »

Cette analyse recoupe celle que propose le cardinal Robert Sarah dans son dernier ouvrage Pour l’éternité  (Fayard, 2021), que nous citions dans un article d’août 2022. Le prélat guinéen y écrit  à propos de la réforme grégorienne : «  Cette réforme visait à libérer l’Eglise des griffes des autorités séculières.

« En interférant dans le gouvernement et dans les nominations ecclésiastiques, le pouvoir politique avait fini par causer une véritable décadence du clergé. Les cas de prêtres vivant en concubinage, engagés dans des activités commerciales ou dans des affaires politiques s’étaient multipliés.

« La réforme grégorienne se caractérisait par la volonté de redécouvrir l’Eglise de l’époque des Actes des Apôtres. Les principes d’un tel mouvement ne se fondaient pas d’abord sur des réformes institutionnelles, mais sur le renouveau de la sainteté des prêtres. N’y a-t-il pas besoin aujourd’hui d’une réforme semblable à celle-là ?

« De fait, le pouvoir séculier a repris pied dans l’Eglise. Cette fois, il ne s’agit pas d’un pouvoir politique, mais culturel. On assiste à une nouvelle lutte entre sacerdoce et empire. Mais l’empire est désormais la culture relativiste, hédoniste et consumériste qui s’infiltre partout. C’est le moment de la rejeter, parce qu’elle est inconciliable avec l’Evangile. »