Les évêques français répondent à l’enquête sur le “rite extraordinaire”

La Congrégation pour la doctrine de la foi a diligenté en mars dernier une enquête auprès des évêques du monde entier sur l’application du motu proprio Summorum Pontificum dans les diocèses. La Conférence des évêques de France (Cef) a fourni une synthèse des résultats reçus.
Il est à croire que les membres de la curie romaine sont incapables de pareille synthèse. Ou bien que cette dernière est destinée à peser sur le jugement final.
Cette manière de procéder est caractéristique de l’esprit collégial moderne. Un évêque possède l’autorité dans son diocèse, et il peut avoir ses propres jugements qui ne seront pas nécessairement reflétés avec exactitude dans une synthèse de la pensée de tous les évêques d’un pays.
Le document révèle que 87 diocèses métropolitains sur 92 ont répondu à l’enquête, ce qui représente 95 % de résultat. Mais il est possible que les autres diocèses aient envoyé leur réponse directement à Rome, comme l’a fait l’un des diocèses recensés.
La messe traditionnelle : combien de divisions ?
En se basant sur les estimations du texte, il apparaît qu’au moins 15000 personnes assistent à la messe du motu proprio chaque dimanche. Toutefois, ce chiffre est sous-estimé selon Paix liturgique qui pratique depuis des années des sondages et des estimations dans de nombreux pays.
Selon cette publication, environ 67000 personnes assistent à la messe tridentine chaque dimanche en France, en incluant les lieux de culte de la Fraternité Saint-Pie X (en 2019).
Le document de la Cef révèle que, dans le diocèse de Versailles, environ 9% des pratiquants se rendent à la messe du motu proprio. Toujours sans compter la Fraternité Saint-Pie X. Sans vouloir étendre indument ce résultat particulier, il est probable qu’au minimum 5% des catholiques en France pratiquent dans le rite traditionnel.
Les desiderata et réclamations de l’épiscopat
L’intérêt de la synthèse de la Cef est de fournir l’opinion d’une partie de l’épiscopat français sur la question de la messe traditionnelle et ce qui s’y rattache.
Le texte note que nombre de diocèses font appel aux sociétés Ecclesia Dei (Fraternité Saint-Pierre, Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre, Bon Pasteur et d’autres). Le regret général est de ne pouvoir affecter davantage de prêtres diocésains. Mais il apparaît clairement que la raison profonde est le désir d’intégrer et de réformer ces communautés dans le sens post-conciliaire.
Au fil des réponses aux neuf questions posées, les évêques montrent une préoccupation récurrente : comment obtenir une adhésion de fond à la réforme conciliaire ? Les aspects négatifs de la situation créée par le motu proprio énumérés à la troisième réponse sont caractéristiques. En voici un échantillon.
– Blesse l’unité de l’Eglise. Contestation du Concile Vatican II (« mentalité de résistance »). Des communautés très critiques vis-à-vis de l’« Eglise conciliaire ». « Deux Eglises. »
– Groupe en milieu fermé ; isolé ; repli sur soi ; communauté à part. Subjectivisme et individualisme.
– Pas de passage entre les deux formes de l’unique rite qui pouvait être attendu.
– Difficultés pour la catéchèse (parcours différents).
– Risque d’identification de la messe en forme extraordinaire à la seule « vraie » messe.
Un autre souci majeur de l’épiscopat est l’influence que cette situation pourrait avoir sur le clergé en formation – question qui était d’ailleurs posée par l’enquête. Il y a d’une part une crainte que ce jeune clergé soit attiré par le rite « extraordinaire » – ce que les évêques reconnaissent d’ailleurs.
Et par ailleurs un évêque « suggère de penser à former quelques séminaristes à la célébration selon la forme extraordinaire du rite romain afin de se défaire de la dépendance d’instituts particulier et notamment de la FSSP qui célèbrent exclusivement selon la forme extraordinaire ». En un mot, les évêques veulent contrôler absolument ce qu’ils ont été obligés de concéder par le motu proprio.
Suggestions proposées par les évêques pour l’avenir
La synthèse note cinq grands thèmes traités par les évêques :
1. Inciter les fidèles de forme extraordinaire à participer davantage à la vie diocésaine pour éviter qu’une Eglise parallèle ne s’institue.
2. Partager le même calendrier liturgique (sanctoral) et le même lectionnaire.
3. Revenir sur l’usage exclusif de la forme extraordinaire du rite romain.
4. Nourrir la communion de foi au sein de l’Eglise. Avec cette note : « Il ne faudrait pas oublier l’enseignement moral de l’Eglise… jusqu’à la réception d’Amoris laetitia ».
5. Remédier à la faiblesse du dynamisme missionnaire des communautés ecclésiales célébrant selon le rite extraordinaire.
Les deux derniers points montrent à quel point l’épiscopat est aveuglé. Le dynamisme missionnaire des diocèses français est bien connu : la décroissance régulière des pratiquants en est un sûr témoin…
Et il est clair à l’évidence que si les églises se vident, c’est à cause de la carence doctrinale et morale, de l’indigence de la vie spirituelle proposée aujourd’hui par l’Eglise « conciliaire ». Se rallier à ses principes, c’est se préparer à subir la même décrue.
Enfin il est un point sur lequel l’on ne peut être que d’accord, c’est d’ailleurs la dernière phrase du document : « L’application de ce motu proprio pose ultimement des questions ecclésiologiques plus que liturgiques. »
C’est là toute la question : à ecclésiologie nouvelle, nouveaux rites, nouvelle théologie, nouveau catéchisme, nouveau droit canon, et finalement nouvelle Eglise « conciliaire » qui n’en finit pas d’agoniser sous nos yeux.
(Sources : Paix Liturgique - FSSPX.Actualités)
Illustration : La Porte Latine