Les évêques italiens s’ouvrent à la théorie du “genre”
Le 20 novembre 2022, Avvenire, le journal des évêques italiens, a consacré une page à la fameuse « théorie du genre », en accueillant le rapport d’une conférence sur le sujet, organisée par la Fondation Veronesi, ainsi qu’un article d’un “théologien” sur la question, sous le titre : « Genre, non aux vieux paradigmes, oui à la communion des différences ».
Le journal des évêques italiens prend comme point de départ le cas d’une étudiante transsexuelle de Venise, que la presse a monté en épingle, la déclarant discriminée parce qu’un professeur avait refusé de l’appeler par le prénom masculin qu’elle avait choisi. Pour Avvenire, il s’agit d’une « triste affaire » à prendre comme point de départ d’une réflexion : « pas une menace mais une occasion de reformuler la signification du masculin et du féminin. Et pour que personne ne soit exclu. »
La Fondation Veronesi, dont la conférence est largement relatée dans l’article de bas de page, porte le nom du défunt médecin Umberto Veronesi, ancien ministre de la santé, connu pour ses positions anti-humanistes et ultra-progressistes.
Dans le rapport, il est tenu pour acquis que les conclusions des experts mentionnés sont entièrement correctes. Il explique que l’« identité de genre » est une question qui ne devrait même plus être posée : les gens peuvent être qui ils veulent, indépendamment de toute donnée naturelle, l’important étant qu’ils se sentent bienvenus.
La théologie inclusive des évêques italiens
Mais plus inquiétant encore est l’article de haut vol, signé par Don Giovanni del Missier, professeur extraordinaire de théologie morale à l’Accademia Alfonsiana de Rome, sur le point de tenir un cours sur le genre à la faculté de théologie du Triveneto.
L’auteur est ainsi présenté comme l’expression autorisée de la pensée de l’Eglise sur le sujet, qui (nous dit le chapeau) « part cependant du concret de la vie réelle, en commençant par les problèmes d’identité sexuelle » – certainement pas des principes naturels ou de la Révélation.
Le « théologien », en authentique moderniste, prône un changement de point de vue sur la transsexualité à partir de l’expérience, en ignorant toute référence à une loi morale objective.
Evidemment, il commence son article en souriant à ces catholiques qui ne se sentent à l’aise que face à un ennemi, comme la « théorie du genre », « perçue aujourd’hui comme une menace globale, au point d’inciter certaines franges ecclésiales à se retrancher dans une défense extrême, “boulonnée”, plutôt que de correspondre à l’appel du pape François pour une église sortante ».
Ceux qui ne parviennent pas à faire un tel saut “culturel” sont essentiellement des inquiets, assure le théologien, qui restent enfermés dans leurs certitudes, et ne sont probablement pas ouverts au souffle de l’esprit – esprit du temps en vérité, et non du Saint-Esprit – seul garant du divin évoluant dans l’homme selon les modernistes.
Le théologien apprécie certainement la tentative de la théorie d’inclure les différences, tout en reconnaissant que certains groupes en ont fait un usage instrumental excessif, bien que compréhensible pour des personnes qui devaient sortir d’une longue marginalisation.
Si ceux-ci ont présenté la théorie comme « un modèle d’inclusion qui ressemble beaucoup à la Babel biblique – une unité aplatie sur l’uniformité, qui annule les différences parce qu’elle les prive de sens » – avec l’apport chrétien on peut faire mieux : arriver à « la communion des différences, le modèle de la Pentecôte, le polyèdre de l’inclusion par opposition à la sphère de l’homologation idéologique ».
Cette rhétorique effrayante d’une Pentecôte permanente, par laquelle l’Esprit continue à créer une nouvelle révélation et une nouvelle société – et une nouvelle église – en incluant des éléments du « monde » dans la foi moderniste, avait déjà réussi à inclure le libéralisme et la révolution dans l’Eglise catholique au moment de Vatican II. Le genre est ce que les chrétiens doivent absorber aujourd’hui, à leur manière originale, pour contribuer à un monde inclusif.
La réalité est le résultat d’une évolution herméneutique constante
Il l’explique en termes généraux mais très clairs : la donnée naturelle de la chair masculine ou féminine « se présente toujours comme un signifiant ouvert et non comme une signification préétablie, c’est-à-dire qu’elle demande à être investie d’une signification proprement humaine, personnelle et relationnelle, à interpréter individuellement et communautairement ».
Chacun peut donc aller au-delà de ce que la nature et le Créateur lui ont donné, en donnant un sens différent – et peut-être opposé – à ce qu’il a reçu, étant donné que la personne est une relation et la nature seulement un point de départ.
Comme il est typique du gnosticisme, la donnée naturelle est considérée comme une cage ou une limite que l’esprit peut toujours dépasser. La nature n’est pas un don du Père à préserver et à accroître, mais n’a de valeur que si elle est réinterprétée par le sujet.
« Un tel effort herméneutique coïncide sans surprise avec la recherche de la capacité créative de projection, inscrite dans notre nature humaine, qui, à chaque époque, doit faire l’objet d’une réinterprétation culturelle afin d’être significative pour son époque. »
Une phrase qui rend la réalité créée et naturelle uniquement valable dans la mesure où elle est connue de l’homme et perpétuellement réinterprétée par lui, sans valeur stable propre. Le moderniste le plus classique ne pourrait pas mieux dire.
La conclusion de l’article est évidente, et fait appel à l’événement fondateur de l’Eglise d’aujourd’hui pour museler toute opposition :
« Et à ceux qui ne peuvent tout simplement pas sortir du cercle vicieux de la confrontation avec un ennemi, il est bon de rappeler ce qu’enseigne le Concile Vatican II : “L’Eglise reconnaît que, de l’opposition même de ses adversaires et de ses persécuteurs, elle a tiré de grands avantages et qu’elle peut continuer à le faire ” (Gaudium et spes, n°44). Imaginons donc tout le bien que peut apporter une catégorie herméneutique aussi provocante et génératrice de nouveauté que le genre ! »
Quiconque a accepté l’introduction de doctrines libérales dans l’Eglise ne peut pas, maintenant, ne pas accepter l’introduction de celles sur le « genre ». Evêques allemands ou évêques italiens, la conclusion est la même pour tous, et est totalement indépendante de tout discours sur la Révélation, la Tradition ou le Magistère.
(Source : Avvenire – FSSPX.Actualités)
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