Les Vaudois récusent la demande de pardon du pape
En visite apostolique à Turin, en juin dernier, le pape s'était rendu à la cathédrale, le 21, pour se recueillir devant le Saint-Suaire, dont l’ostension eut lieu du 19 avril au 24 juin, puis à la basilique de Marie Auxiliatrice pour célébrer avec les Salésiens et les Filles de Marie Auxiliatrice le bicentenaire de la naissance de saint Jean Bosco.
Le lendemain, le 22 juin, le Saint-Père a visité le temple vaudois (voir la photo) où il a été reçu par le pasteur Eugenio Bernardini, modérateur de la Table Vaudoise, Sergio Velluto, président du Consistoire de l'Eglise évangélique vaudoise de Turin, et le pasteur Paolo Ribet, titulaire de l'Eglise évangélique vaudoise de Turin. Etaient également présents le pasteur Oscar Oudri, modérateur de l'Eglise vaudoise d'Uruguay et d’Argentine, et Alessandra Trotta, présidente du Comité permanent pour les Eglises méthodistes en Italie (Opcemi).
L'accueil réservé au pape lui a rappelé « les réunions avec les amis de l'Eglise évangélique vaudoise de Rio de la Plata (Argentine), où il avait pu apprécier la spiritualité et la foi, et apprendre beaucoup de bonnes choses ». Lors de cette première visite d’un pape dans le temple vaudois, le pasteur Bernardini, avait salué le fait que le souverain pontife « ait accepté de franchir un seuil historique », faisant ainsi tomber « un mur érigé il y a huit siècles » entre catholiques et vaudois. En réponse, le pape avait déclaré : « Je vous demande pardon de la part de l’Eglise catholique pour les attitudes et les comportements non chrétiens, parfois inhumains, que nous avons eus à votre égard au cours de l’histoire. Au nom du Seigneur Jésus-Christ, pardonnez-nous ! ». Un des principaux fruits que le mouvement œcuménique a permis de cueillir ces dernières années, avait-il expliqué, « est la redécouverte de la fraternité qui unit tous ceux qui croient en Jésus-Christ et ont été baptisés en son nom ». Et de préciser : « L'unité qui est fruit de l'Esprit Saint ne signifie pas uniformité. (…) Cela est très clair dans le Nouveau Testament où, bien qu'étant appelés frères tous ceux qui partagent la même foi en Jésus-Christ, on devine que (…) jusque dans l'annonce de l'Evangile des différences existaient ». Don Bosco et les Vaudois Don Bosco.
Il faut rappeler ici que Don Bosco, dont le pape vénérait les reliques la veille, avait de nombreux ennemis parmi les anticléricaux, la franc-maçonnerie et les Vaudois…, tous acharnés à combattre l’Eglise catholique en Piémont. Par la presse se répandaient leurs idées mensongères et calomnieuses, avec l’athéisme, auprès d’une population souvent trop peu armée contre les arguments fallacieux. Don Bosco entreprit de les combattre en lançant des revues, les Lectures catholiques bimensuelles, pour réfuter, point par point, les erreurs des Vaudois, ainsi que le Bulletin salésien. Ses publications se répandirent rapidement jusqu’à gagner un nombre important d’abonnés. Don Bosco eut alors à subir plus d’une tentative d’assassinat dont il réchappa miraculeusement à chaque fois. L’historienne italienne Cristina Siccardi, auteur de Don Bosco mistico. Una vita tra Cielo e terra (Don Bosco mystique. Une vie entre le Ciel et la terre), – paru en 2013 aux éditions La Fontana di Siloe –, interrogée par Paolo Deotto pour Riscossa Cristiana, le 26 juin dernier, précisait que « depuis que l'Eglise catholique a décidé, après le concile Vatican II, de ne plus condamner les erreurs, de développer un projet œcuménique entre religions différentes et opposées entre elles, l’épisode des attentats par des Vaudois et des francs-maçons est passé sous silence dans les biographies de saint Jean Bosco. Nous sommes cependant certains que ces faits se produisirent, grâce à la première biographie monumentale en dix-neuf volumes réalisée par trois salésiens. Don Giovanni Battista Lemoyne (1839-1916) écrivit les neuf premiers volumes. Il mourut avant d'avoir terminé l'œuvre qui fut augmentée de dix volumes ultérieurs, établis sur la base de la très riche documentation recueillie par lui-même et don Gioacchino Berto ; don Angelo Amadei (1868-1945) écrivit le 10e volume, et don Eugenio Ceria (1870-1957) fut l’auteur des neuf derniers. »
Statue de Valdo sur le Mémorial Luther de Worms (Allemagne).
A propos des Vaudois
Leur nom vient d’un marchand lyonnais, Pierre Valdo (1140-1217) qui, vers 1170, à la suite d’une crise de conscience, décide de vendre ses biens et de consacrer sa vie à la prédication de l’Evangile. Ses idées se propagent et, accompagné de disciples, il forme un groupe de laïcs appelés ‘les Pauvres de Lyon’. La prédication, assurée par des laïcs, hommes ou femmes, est affranchie de toute autorité ecclésiastique. Ils rejettent la hiérarchie de l’Eglise et élaborent une doctrine théologique qui nie le purgatoire, le sacerdoce, le culte des saints, la prière pour les morts, etc. Ils sont excommuniés par le pape Lucius III en 1184. Les ‘Pauvres de Lyon’ continuent néanmoins à prêcher dans la clandestinité. Le mouvement vaudois réussit à se répandre ; de son centre en Lombardie, autour de Milan, il s’étend vers l’Autriche et le sud de l’Allemagne où des contacts furent établis avec les disciples de Jan Hus. Des communautés importantes se forment aussi dans les vallées du Piémont. Leurs prédicateurs, nommés ‘barbes’ (c’est-à-dire oncles, les différenciant ainsi des pères catholiques), visitent périodiquement les petits groupes de croyants clandestins. Lorsque les idées des Réformateurs se répandent en Europe, les Vaudois décident d’adhérer à la Réforme, et abandonnent ainsi la clandestinité. Les pasteurs sont désormais attachés à une paroisse. Ils financent la traduction de la Bible d’Olivétan. L’évangélisation du Piémont se poursuit surtout pendant la période de l’occupation française, de 1536 à 1559. De nombreux Piémontais vont se former à Genève et reviennent prêcher dans toute la Péninsule italienne. A partir de 1555, on assiste à la construction des premiers temples. L’accord de Cavour (1561) autorise le culte public dans les localités loin de la plaine : il renvoie les Vaudois dans leurs vallées de montagne et en arrête l’expansion vers la plaine. L’adjectif ‘vaudois’ n’est désormais utilisé que pour cette fraction de l’ancienne diaspora vaudoise. Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, la misère touche les vallées vaudoises et provoque une forte émigration en Uruguay et Argentine. Aujourd’hui, 25.000 Italiens sont membres des églises vaudoises et méthodistes, unifiées à partir de 1975. Cristina Siccardi précise que les Vaudois « sont restés paupéristes, avec une orientation politique de matrice communiste et de fortes sympathies radicales, si l'on se réfère à leur attitude favorable à la contraception, l'avortement, l’euthanasie, le testament biologique (dont les registres, dans plusieurs villes, sont gérés par les Vaudois) ». De plus, ajoute-t-elle, en 2010 « le synode vaudois a délibéré à une large majorité en faveur de la bénédiction des couples homosexuels, approuvée par un ordre du jour du 26 août 2010, confirmé au cours du synode de 2011. Non seulement les Vaudois s'engagent dans la campagne contre la prétendue "homophobie", mais soutiennent aussi la communauté LGBT. » Pas de pardon posthume Depuis qu’il leur avait rendu visite et demandé pardon, les Vaudois devaient au pape une réponse… C’est dans la province de Turin, à Torre Pellice, que s’est tenu du 23 au 28 août le synode de l’Union des Eglises évangéliques vaudoises et méthodistes d'Italie, présidé par le pasteur Claudio Pasquet, et en présence de Mgr Pier Giorgio Debernardi, évêque de Pinerolo. Parmi les travaux à l’ordre du jour figuraient la formation des pasteurs et des diacres, l’interculturalité, l’œcuménisme, les violences faites aux femmes, et les préparatifs du cinquième centenaire de la Réforme de Luther, en 2017. Le 23 août, le Saint-Père avait chargé Mgr Debernardi, – par l’intermédiaire du cardinal Pietro Parolin, secrétaire d'Etat –, de saluer les participants au synode de l’Eglise vaudoise-méthodiste et de les « assurer de ses prières ferventes afin que le Seigneur accorde à tous les chrétiens de cheminer avec sincérité de cœur vers la pleine communion ». Ce fut l’occasion pour les Vaudois de répondre à sa demande de pardon. Dans la lettre publiée le 25 août par le quotidien évangélique Riforma, l’Eglise vaudoise dit avoir « reçu avec un profond respect, et non sans émotion, la demande de pardon » et compris « le souhait d’entamer avec notre Eglise une histoire nouvelle ». « Nos Eglises sont disposées à commencer à écrire ensemble cette histoire, nouvelle aussi pour nous », est-il ajouté. Mais le synode précise que cela « ne nous autorise pas pour autant à nous substituer à ceux qui ont payé de leur sang ou par d’autres tourments leur témoignage de la foi évangélique et à vous pardonner à leur place ». Dont acte.
(Sources : apic/ vis/imedia/radiovatican/ afp/muséeprotestant /riscossacristiana/trad.Benoitetmoi/ vatican.va/news.va/cevaa/riforma – DICI n°320 du 11/09/15)
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