Les voyages du pape : les paroles et les actes
François au stade Roi Baudouin, Belgique, le 28 septembre 2024
L’ancien responsable du blogue aujourd’hui disparu, Il Sismografo, Luis Badilla propose sur Messa in latino du 23 septembre 2024, des réflexions générales sur les voyages apostoliques du pape, qui peuvent s’appliquer en particulier à la visite au Luxembourg, mais moins au voyage en Belgique, en raison de l’incident survenu à Louvain sur la question de la place des femmes, des LGBTQ+…
Le journaliste italien écrit : « Souvent les allocutions du pape lors de ses voyages internationaux sont adaptées aux besoins des hôtes (avec ce que l’on appelle des “ajustements raisonnables”). Ainsi, depuis quelque temps, les discours du pape deviennent de moins en moins prophétiques et de plus en plus bureaucratiques.
« Les dénonciations de François sont devenues une réitération monotone d’une liste d’urgences socio-politiques ou socio-économiques, toutes justes mais dans l’abstrait, sans indiquer, pour ainsi dire avec “nom et prénom”, les responsables. Il n’est pas rare que l’on ait l’impression que l’important est l’image du pontife “progressiste”, du pontife “réformateur”. »
Au Luxembourg
A la lumière de ces réflexions, on saisit aisément ce que Nico Spuntoni dans La Nuova Bussola Quotidiana du 27 septembre, rapporte de la visite apostolique au Luxembourg : « Le voyage dans la petite nation européenne a été une authentique pause-détente, qui s’est achevé hier en fin d’après-midi.
« La paix, les migrants et la natalité ont été au centre de ses discours et de l’appel à une Eglise qui doit accueillir “todos, todos, todos ”. Un slogan déjà utilisé dans le passé pour défendre la déclaration controversée Fiducia supplicans [sur la bénédiction des couples homosexuels].
« Le pape “pacifiste” a rappelé que “la guerre est toujours une défaite” et que “la paix est nécessaire”, avertissant qu’il est nécessaire que “la vie quotidienne des peuples et de leurs gouvernants soit animée par des valeurs spirituelles élevées et profondes, qui empêchent la folie de la raison et le retour irresponsable aux mêmes erreurs du passé”.
« [Ce sont là les “souverains poncifs” qu’égrène habituellement le pape, comme dit un vaticaniste, mi-amusé mi-lassé. NDLR] Et une large place a été accordée au thème des migrants dès l’avion avec un cadeau d’un journaliste espagnol : un sac en tissu sénégalais confectionné par un groupe de réfugiés arrivés aux Canaries. »
Mais dans ce chapelet de bonnes intentions, une question se pose : initialement ce 46e voyage apostolique se faisait sur l’invitation de l’Université de Louvain, à l’occasion du 600e anniversaire de sa fondation, pourquoi le Luxembourg a-t-il été ajouté ? Nico Spuntoni rappelle que François a le souci de visiter les périphéries et que le Grand-Duché, bien que très riche, peut être considéré comme une périphérie spirituelle.
Mais il complète aussitôt, de façon plus vraisemblable : « Certains voient cependant dans le choix du pape un acte de reconnaissance envers le cardinal Jean-Claude Hollerich. Le jésuite luxembourgeois est en effet rapporteur général du synode des évêques et sa visite intervient juste avant l’ouverture de la dernière session de l’assemblée synodale.
« Hollerich représente le cardinal le plus progressiste du collège, promoteur d’un programme ultra-libéral qui voudrait changer l’enseignement du catéchisme sur l’homosexualité et introduire le sacerdoce féminin. […] Bergoglio l’a d’ailleurs publiquement félicité pour avoir utilisé l’expression “évolution de l’Eglise luxembourgeoise dans une société sécularisée”.
« Face à la sécularisation, l’Eglise doit relever le défi sans se résigner : le point de vue de François rejoint celui exprimé dans son dernier livre par le cardinal Jozef De Kesel, l’ancien archevêque de Malines-Bruxelles », lui aussi très progressiste.
En Belgique
Dans La Nuova Bussola Quotidiana du 30 septembre, Nico Spuntoni relate le voyage en Belgique où le ton fut différent : « Ce qui est sûr, c’est qu’hier, dans le vol de retour de Bruxelles, le pape a exprimé son irritation face au traitement qu’il a reçu à Louvain.
« D’abord, le recteur Luc Sels lui a reproché vivement de traiter la “question de la diversité des genres de manière aussi rigide” et a demandé à l’Eglise “une plus grande ouverture envers la communauté LGBTQ+” et même le sacerdoce féminin.
« Puis l’incident à l’Université catholique, avec la lettre critique des étudiants et des professeurs sur les femmes et l’homosexualité, face à laquelle le pape n’a pas reculé, disant “non” aux idéologies qui prétendent décider de ce qui est féminin et ajoutant – probablement en réponse à ceux qui l’ont pressé sur l’ordination des femmes – que c’est “moche quand une femme veut être un homme”.
« Mais les responsables de l’Université qui conserve encore la définition de “catholique” n’ont pas voulu laisser le dernier mot au souverain pontife et ont publié, avant même la fin de la réunion, une note exprimant “l’incompréhension et la désapprobation de la position exprimée par le pape François sur la place des femmes dans l’Eglise et dans la société”.
« Certains étudiants ont participé à une véritable distribution de tracts parmi la foule qui quittait l’amphithéâtre pour remettre le texte de ce communiqué. […] Bergoglio s’en est indigné à juste titre et en a parlé pendant le vol vers Rome, expliquant que la déclaration de protestation “a été faite au moment où j’étais en train de parler. Elle a été préparée à l’avance et ça, ce n’est pas moral”. »
On ne peut que se réjouir de voir François s’opposer fermement à l’idéologie LGBTQ+, tout comme il a soutenu l’attitude du roi Baudouin qui, en 1990, a refusé de promulguer la loi sur l’avortement, préférant être « suspendu » pendant 48 heures, après avoir envoyé une lettre au Parlement pour exprimer son opposition.
Il n’en reste pas moins que le soutien public apporté au cardinal luxembourgeois Hollerich qui veut modifier le catéchisme sur l’homosexualité, ainsi que l’annonce de la prochaine élévation au cardinalat du dominicain anglais Radcliffe, activement favorable à la reconnaissance de l’homosexualité dans l’Eglise, sont des actes plus éloquents que toutes les déclarations les plus vigoureuses.
(Sources : Messa in latino/Nuova Bussola Quotidiana/cath.ch – Trad. à partir de benoitetmoi/DICI n°449 – FSSPX.Actualités)
Illustration : S. Perquin, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons