L’incendie de la cathédrale de Chartres
L'incendie de la cathédrale de Chartres par François Pernot
Que le lecteur se rassure, l’incendie qui est ici raconté ne date pas d’hier ni d’aujourd’hui, mais de… 1836. Le récit de cette catastrophe, alors que celle de Notre-Dame de Paris vient d’être en quelque sorte effacée, présente des similitudes dans le déroulement, les dégâts terribles, et la manière dont elle fut surmontée.
Un soir de juin 1836
Le feu a été constaté par des ouvriers qui travaillaient sur le toit, vers 15h30 ce samedi 4 juin. Dès l’alerte donnée, les secours s’organisent, d’abord avec des seaux, puis à l’aide de pompes. Mais sous l’action du vent, le feu finit par s’étendre à toute la toiture, la « forêt » de bois de châtaignier. Vers 19h00, il faut bien constater qu’elle est perdue.
Des retombées de flammèches et de débris enflammés obligent à couvrir les toits environnants avec des couvertures humides et à inonder les maisons. Tout le monde s’affaire pour apporter de l’eau dans des cuves ou des tonneaux. C’est alors que le feu envahit le clocher nord, faisant ruisseler le plomb. Des pièces de bois et de fer tombent dans le chœur de la cathédrale.
Vers 22h00, l’incendie gagne la charpente de la tour sud qui finit par s’écrouler vers 2h00 du matin. Toute la nuit, les pompiers des communes environnantes se sont relayés avec de nouvelles pompes, et des chaînes humaines se sont formées qui se battront avec le feu jusqu’à 10h00 du matin, le 5 juin, qui voit le feu s’arrêter pour laisser la place à des décombres.
Le préfet dresse un premier constat : la charpente de la nef est détruite, ainsi que l’intérieur du clocher nord et la charpente du clocher sud ; le plomb des couvertures et plusieurs cloches ont fondu. Les bas-côtés apparaissent comme réparables, et le beffroi ainsi que l’intérieur de l’église sont conservés.
L’enquête établira que les plombiers qui travaillaient près de la charpente avaient posé leur « cagnard » – sorte de réchaud utilisé en plomberie – près d’une porte ouverte, et qu’un fort courant d’air a projeté des étincelles vers la charpente.
Financement des réparations
Le 7 juin, le ministre de la Justice et des Cultes, Paul-Jean Sauzet dépose un « projet de loi » pour obtenir un crédit de 400 000 F pour la réparation de la cathédrale. Puisque l’Etat, depuis la Révolution, est le propriétaire des cathédrales, c’est lui qui paiera. Dans un premier temps, les réparations et une couverture provisoire en planches sont évalués à 200 000 F.
Mais il est décidé de remplacer le bois et le plomb par une charpente en fer, dont le coût est estimé à 600 000 F, ce qui porte le total à 800 000 F, répartis sur les années 1836-1837. Le projet de loi est adopté par les deux chambres et sanctionné par le roi Louis-Philippe le 5 juillet 1836. Ainsi, un mois après l’incendie, la reconstruction peut commencer.
Mais au cours des travaux, les dégâts se montrent plus étendus que la première estimation ne le laissait penser : le coût est revu à la hausse. En mai 1837, un deuxième projet de loi est préparé pour doubler la première somme allouée, le coût total approchant les 1 600 000 F. La loi sera votée le 8 juillet 1837.
En 1841, les clochers sont restaurés, la charpente de la nef et du chœur est achevée. Les travaux principaux auront donc duré cinq années.
Le diocèse ouvre une collecte dès le 24 juin 1836, et le chapitre fera un don, les sommes recueillies permettant de compléter certains travaux : ainsi, les cloches ont été remplacées dès 1840, et les orgues seront réparées en 1846.
La reconstruction s’est donc effectuée en cinq ans, mais elle n’a pas été faite « à l’identique », la crainte de subir un nouvel incendie a poussé à mettre une charpente métallique, résistant au feu. C’était une tendance de l’époque, qui verra un certain Gustave Eiffel s’illustrer dans ce domaine.
(Sources : Chartres.fr/Juliette Clément – FSSPX.Actualités)
Illustrations : Archives départementales d'Eure-et-Loir