Message de Jean-Paul II pour la Journée mondiale de la Paix (1er janvier 2003): une paix sans Jésus-Christ.
Il ne se passe pas de journée sans que les médias n’évoquent des conflits armés dans diverses parties du monde. Le continent africain est à l’heure actuelle une véritable poudrière: la République centrafricaine, le Nigeria, la Côte d’Ivoire connaissent des conflits ouverts, les persécutions de chrétiens en Asie et en Afrique – surtout de la part des musulmans – s’amplifient (Pakistan, Inde, Indonésie, Soudan, Libye); l’Amérique du Sud n’est pas épargnée: le Brésil est aux mains d’un communiste, l’Argentine est dans la banqueroute et la Colombie aux prises avec des factions de rebelles; sans parler des guerres organisées par les Etats-Unis, le champ de bataille qu’est la Terre Sainte et les conflits sociaux prêts à exploser à tout instant dans nos pays sur-industrialisés.
Oui, le monde a besoin de paix et de ce fait, un message du pape indiquant le chemin de la paix répondait à un besoin crucial. Cependant, on peut légitimement se poser la question: ce message de Jean-Paul II est-il une réponse adéquate? Apporte-t-il un principe de solution en vue d’une paix durable? Une analyse du texte s’impose.
Relevons d’abord quelques éléments positifs:
• Un chapitre du message rappelle que la politique ne peut s’exercer en faisant abstraction de la morale. "La politique est une activité humaine; elle est donc elle-même soumise au jugement moral".
• "Pacta sunt servanda". Il s’agit du respect des engagements pris entre Etats.
• "La paix n’est pas tant une question de structures que de personnes" . Relevons la part de vérité qui pourrait s’exprimer ainsi : « Il ne sert de rien de posséder des institutions saines, si les esprits ne sont pas préparés et éduqués à les révérer et à les respecter. » Ou encore : « La fin ultime de la loi, c’est la vie vertueuse ; or celle-ci n’est pas donnée par la loi. » Mais en elle-même l’expression est gravement irréaliste comme l’exprime le cardinal Pie : « Il faut méconnaître entièrement les conditions réelles de l’humanité pour ne pas voir à quel point le vice ou seulement la lacune des institutions influe sur toutes les classes de la société, et pèse sur les esprits même en apparence les plus fermes et les plus indépendants. »
Rappel de l’œuvre de Jean XXIII
Jean-Paul II rappelle comment l’encyclique Pacem in terris fut – à ses yeux – une ouverture vers un mouvement de paix, alors que le monde s’enlisait dans la guerre froide et qu’une guerre atomique menaçait l’humanité. Evoquant "une nouvelle conscience de la dignité de l’homme et de ses droits inaliénables" , Pacem in terris consacre l’humanité entrée dans une nouvelle étape caractérisée par "l’idée de l’égalité naturelle de tous les hommes" . "Le chemin de la paix, enseignait le Pape dans l’encyclique, devait passer par la défense et la promotion des droits humains fondamentaux." On reconnaît là sans peine une conception du monde et de la société qui nie l’existence du péché originel, reprenant l’idéologie des "philosophes des lumières" et de la Révolution française.
L’égalitarisme des Philosophes conduisit Jean XXIII à établir une nouvelle définition du "bien commun universel", non plus considéré selon la théologie traditionnelle comme le bien de l’univers tendant vers Dieu, mais comme une réalisation mondiale des Droits de l’homme. "Une des conséquences de cette évolution était l’exigence évidente d’avoir une autorité publique au niveau international qui puisse disposer de la capacité effective de promouvoir ce bien commun universel. (…) Il n’est donc pas étonnant que Jean XXIII ait considéré avec une grande espérance l’Organisation des Nations unies, constituée le 26 juin 1945. Il voyait en elle un instrument crédible pour maintenir et renforcer la paix dans le monde. C’est pourquoi il apprécia tout particulièrement la Déclaration universelle des Droits de l’homme de 1948, qu’il tenait pour “un pas vers l’établissement d’une organisation juridico-politique de la communauté mondiale”."
Une certaine inefficacité
Cependant, cette nouvelle voie ouverte par Jean XXIII n’a pas répondu à toutes les espérances: "Non seulement la vision de précurseur du Pape Jean XXIII, c’est-à-dire la perspective d’une autorité publique internationale au service des droits humains, de la liberté et de la paix, ne s’est pas encore entièrement réalisée, mais il faut malheureusement constater les fréquentes hésitations de la communauté internationale concernant le devoir de respecter et d’appliquer les droits humains". Et le pape de se plaindre d’une certaine inefficacité de ces nouvelles dispositions due au manque de rigueur dans l’application des "droits fondamentaux" et des "devoirs qui en découlent".
La solution du pape au problème présent
Nonobstant cette inefficacité, et tout en constatant l’augmentation des conflits dans le monde, Jean-Paul II renchérit sur la même ligne: oui, il convient de célébrer Pacem in terris et ses nouveaux principes, il convient même de songer à une nouvelle organisation de toute la famille humaine: "Le temps n’est-il pas venu où tous doivent collaborer à la constitution d’une nouvelle organisation de toute la famille humaine, pour assurer la paix et l’harmonie entre les peuples, et en même temps promouvoir leur progrès intégral?" Il précise cependant: "Il est important d’éviter tout malentendu: il n’est pas question ici de constituer un super-État mondial. On entend plutôt souligner qu’il est urgent d’accélérer les progrès déjà en cours pour répondre à la demande presque universelle de modes démocratiques dans l’exercice de l’autorité politique, tant nationale qu’internationale, et pour répondre aussi à l’exigence de transparence et de crédibilité à tous les niveaux de la vie publique. Se fiant à la bonté présente au cœur de toute personne, le Pape Jean XXIII voulut s’appuyer sur elle et il appela le monde entier à une vision plus noble de la vie publique et de l’exercice de l’autorité publique. Avec audace, il incita le monde à se projeter au-delà de son présent état de désordre et à imaginer de nouvelles formes d’ordre international qui soient à la mesure de la dignité humaine."
Telle est la solution proposée par le pape Jean-Paul II: renforcer l’héritage de Pacem in terris, "songer à une nouvelle organisation de toute la famille humaine", "profiter de l’enseignement prophétique du pape Jean XXIII. (…) Les communautés ecclésiales étudieront comment célébrer cet anniversaire de manière appropriée au cours de l’année, par des initiatives qui ne manqueront pas d’avoir un caractère œcuménique et interreligieux, et qui s’ouvriront à tous ceux qui désirent profondément «renverser les barrières qui divisent, resserrer les liens de l’amour mutuel, user de compréhension à l’égard d’autrui et pardonner à ceux qui leur ont fait du tort » .
Cette solution est-elle adéquate?
Que suppose l’avènement de la paix? Tout le monde est d’accord pour reprendre la définition de saint Augustin: la paix est la tranquillité de l’ordre. Mais de quel ordre s’agit-il? Dans Pacem in terris, Jean XXIII affirme bien que "la paix sur la terre ne peut se fonder ni s’affermir que dans le respect absolu de l’ordre établi par Dieu" . Mais Jean XXIII parle d’un ordre nouveau, "d’une nouvelle étape franchie par l’humanité dans son chemin", et que ce chemin "passe par la défense et la promotion des droits humains fondamentaux." "Sur la base de la conviction que tout être humain est égal en dignité et que, par conséquent, la société doit adapter ses structures à ce présupposé, surgirent rapidement les mouvements pour les droits humains, qui donnèrent une figure politique concrète à l’une des plus grandes dynamiques de l’histoire contemporaine."
En revanche, l’ordre dont parle saint Augustin est l’ordre naturel dans lequel prévalent les droits de Dieu et non les Droits de l’homme ; ordre naturel qui n’est atteignable – dans la situation de nature blessée par le péché originel – que par la grâce qui guérit la nature. L’ordre dont il est question suppose l’ordre surnaturel, la grâce, même si celle-ci reste gratuite et n’est pas un dû à la nature. Or, la grâce, l’ordre surnaturel nous sont donnés par Notre-Seigneur Jésus-Christ et lui seul, "car il n’y a pas d’autre nom sous le ciel par lequel nous puissions être sauvés". C’est pourquoi il n’y a pas de paix possible dans le monde en dehors de Jésus-Christ, de son influence, car – pour reprendre un mot célèbre du cardinal Pie – "là où Jésus-Christ ne règne pas, il y désordre et anarchie".
Et ce grand évêque de continuer: "La morale qui pouvait suffire aux nations païennes est insuffisante depuis les temps chrétiens. "Si je n’étais venu et que je ne leur eusse pas parlé, dit le Sauveur, ils seraient excusables. Mais maintenant, ils ne sauraient être excusés de leur péché". Ainsi, la morale qui s’en tient de propos délibéré et de parti pris aux lois de la simple nature, ne saurait procurer désormais le salut, même temporel, des individus ni des sociétés. Elle est insuffisante et incomplète et, de plus, ne peut être observée dans tout son ensemble que par un secours surnaturel de la grâce. Et, s’il était vrai qu’il n’existât plus sur la terre de société chrétienne, vous ne réussiriez pas davantage à y refaire une société d’honnêtes païens".
"Vous enseignerez que le dogme est indispensable, que l’ordre surnaturel dans lequel l’auteur même de notre nature nous a constitués, par un acte formel de sa volonté et de son amour, est obligatoire et inévitable; vous enseignerez que Jésus-Christ n’est pas facultatif et qu’en dehors de sa loi révélée, il n’existe pas, il n’existera jamais, de juste milieu philosophique et paisible où qui que ce soit, âme d’élite ou âme vulgaire, puisse trouver le repos de sa conscience et la règle de sa vie."
Mais prêcher le Christ-Roi à notre époque, n’est-ce pas illusoire? N’est-ce pas prêcher dans le désert?
A cela, le cardinal Pie répondait: "Le bien reste le bien et doit continuer d’être appelé de ce nom, même lorsque "pas un seul ne le fait". Il suffit d’ailleurs, d’un petit nombre de réclamants pour sauver l’intégrité des doctrines ; et l’intégrité des doctrines, c’est l’unique chance de rétablissement de l’ordre dans le monde".
Dans le Thomatique, le lecteur trouvera un document rassemblant une suite de citations tirées essentiellement du cardinal Pie, au sujet de la nécessité de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ.