Mgr Müller et Gustavo Gutiérrez dans L’Osservatore Romano
A l’occasion de la parution de la traduction italienne du livre sur la théologie de la libération, co-écrit par le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF), Mgr Gerhard Ludwig Müller (à gauche sur la photo), et le théologien de la libération, Gustavo Gutiérrez (à droite sur la photo), L’Osservatore Romano consacre une double page centrale à ce livre intitulé "Dalla parte dei poveri" (Du côté des pauvres).
« Avec un pape latino-américain, la théologie de la libération ne pouvait pas rester longtemps dans l’ombre où elle a été reléguée ces dernières années, au moins en Europe », écrit l’auteur de l’article, le P. Ugo Sartorio. Dans le livre, publié d’abord en 2004 en allemand, alors qu’il n’était qu’évêque de Ratisbonne, Mgr Müller décrit les facteurs politiques et géopolitiques qui ont influencé une perception négative de la théologie de la libération.
« Toute théologie doit partir d’un contexte. Mais la théologie n’est pas dispersée en une quantité incommensurable de théologies régionales, déclare Mgr Müller dans L’Osservatore Romano. Chaque théologie régionale devrait plutôt avoir déjà en soi une vocation ecclésiale universelle ». Il affirme que les questions posées par la théologie de la libération sont « un aspect essentiel de toute théologie, quel que soit le cadre socio-économique qui l’entoure ». En 1979, Jean-Paul II avait déclaré qu’une « conception du Christ comme homme politique, révolutionnaire, comme le subversif de Nazareth, ne correspondait pas à la catéchèse de l’Eglise ».
Mais, selon le vaticaniste Andrea Tornielli, « avec le pape qui est venu "du bout du monde", qui n’a jamais été clément avec les idéologies, ni avec la démarche intellectuelle d’une certaine théologie philo-marxiste, mais qui, comme archevêque allait seul et sans escorte visiter les bidonvilles de Buenos Aires et parle maintenant d’une "Eglise pauvre et pour les pauvres", la réconciliation entre le Vatican et la théologie de la libération est accomplie ».
Toutefois, comme le note le vaticaniste de l’Espresso, Sandro Magister, repris par La Vie : « Il serait naïf de considérer que la controverse est terminée », car les « théologiens de référence » du pape François « n’ont jamais été ni Gutiérrez, ni Leonardo Boff, ni Jon Sobrino, mais l'Argentin Juan Carlos Scannone, qui avait élaboré une théologie non pas de la libération mais "du peuple", centrée sur la culture et la religiosité des gens ordinaires, en premier lieu les pauvres, avec leur spiritualité traditionnelle et leur sensibilité à la justice. » Si le nouveau pape a bien exprimé son souhait d'une « Eglise pauvre, pour les pauvres », il a aussi, dès le lendemain de son élection, mis en garde dans sa première homélie à la chapelle Sixtine contre le risque pour l'Eglise de devenir « une pieuse ONG ». De fait, on sait que le cardinal Bergoglio s’est opposé à la théologie de la libération, c’est pourquoi on peut s’interroger sur les intentions de Mgr Müller publiant maintenant la version italienne de son livre co-écrit avec le théoricien de cette théologie. De tout cela, le pape pourra parler avec Gustavo Gutiérrez qu’il doit recevoir prochainement, comme l’a annoncé Mgr Müller dimanche dernier, à Mantoue (Italie), à l’occasion du festival littéraire Festivalletteratura.
(Sources : Osservatore Romano/La Croix/Vatican Insider/Espresso/La Vie/Apic/IMedia – DICI n°281 du 13/09/13)