Mgr Panafieu : "Laissons-leur le temps de trouver leur place"

Source: FSSPX Actualités

 

Le Figaro. — Dalil Boubakeur redoute en France une déferlante islamiste et une prépondérance des intégristes musulmans dans les institutions françaises de l’islam. Partagez-vous cette crainte ?

Mgr Panafieu. — La création du Conseil français du culte musulman suscite d’inévitables tensions entre musulmans. L’islam a des difficultés à épouser notre laïcité. Laissons-leur le temps, sans dramatiser ni trop simplifier. Nous-mêmes catholiques, nous avons dû prendre le pas de l’histoire et entrer en dialogue avec la laïcité républicaine. Assurément, en banlieue des jeunes sont attirés par des courants fondamentalistes qui leur apportent une identité et une culture. Je souhaite que ces jeunes musulmans parviennent à s’intégrer à notre société française, sans tomber dans un communautarisme étranger à notre histoire. Par les nouvelles institutions qui viennent de voir le jour, et par l’intégration des jeunes, j’espère que l’islam trouvera sa place et ne s’enfermera pas dans ses frontières.

Quels contacts entretenez-vous avec les musulmans de Marseille ?

Mes contacts sont réguliers et chaleureux avec des imams ou des présidents d’associations. Ensemble, nous avons le souci de créer une vraie convivialité dans notre ville, en particulier grâce à l’association Marseille-Espérance qui réunit juifs, chrétiens, musulmans, et bouddhistes. Vendredi dernier, nous nous sommes encore rencontrés pour évoquer nos liens avec les pouvoirs publics. En évitant d’être instrumentalisés, nous désirons vivre en bonne intelligence avec les responsables de la cité. Chaque religion doit pouvoir s’exprimer librement, aussi bien dans une ville qu’au niveau européen.

Il serait exagéré d’affirmer que la rencontre entre musulmans et chrétiens peut aller jusqu’au dialogue de foi. Toutefois, les uns et les autres, nous pouvons affiner notre conscience sur le rôle des religions dans la société française, faire valoir une conception transcendante de la personne humaine et rappeler des valeurs auxquelles nous croyons.

Quelles sont les évolutions dans ces contacts avec les musulmans, depuis votre arrivée comme archevêque de Marseille en 1994 ?

La confiance s’est accrue entre nous, de sorte que le climat de nos rencontres est devenu plus vrai. Des événements tragiques, tels que les attentats du 11 septembre 2001 ou le récent conflit irakien, n’ont pas entamé cette confiance réciproque. Nous nous sommes trouvés ensemble pour affirmer le rôle de nos religions en faveur de la paix et de la réconciliation entre les hommes.

Y a-t-il un éclatement parmi les musulmans entre une mouvance fondamentaliste et une tendance laïque et républicaine ?

La diversité s’est manifestée dans le vote pour le Conseil français du culte musulman et encore, dimanche, pour son organisation régionale. Néanmoins, je ne crois pas à un éclatement dû aux fondamentalistes. Les tiraillements proviennent plutôt des attaches nationales que gardent les musulmans de Marseille, avec l’Arabie saoudite, l’Algérie, la Tunisie ou le Maroc. Le temps permettra de voir comment ces nouvelles institutions vont réellement fonctionner et comment la diversité va être prise en compte, alors même que l’islam ne connaît pas de hiérarchie.

Quel rôle le christianisme en France peut-il jouer auprès des musulmans ?

Le christianisme ne doit pas renoncer à affirmer sa différence, tout en respectant l’islam avec la richesse de son histoire et de ses cinq piliers. Loin de toute guerre de religions ou de toute ségrégation, il s’agit d’entretenir entre nous une saine émulation spirituelle, et non une tolérance molle. Un patchwork des religions ne me dit rien qui vaille.