Mosquée Sainte-Sophie : le rêve d’Erdogan réalisé

Le 10 juillet 2020, le conseil d'Etat turc a abrogé le décret du 27 novembre 1934 visant à transformer la basilique Sainte-Sophie en musée. Plus rien ne s’oppose à ce que ce haut lieu symbolique de l’Empire romain d’Orient, redevienne une mosquée.
« Notre nation attend cela depuis 86 ans. Le tribunal a levé l’interdit qui frappait Sainte-Sophie », écrivait dès le 9 juillet l’éditorialiste du Hürriyet, le quotidien turc réputé proche du parti islamo-conservateur au pouvoir. De son côté, le chef de l’Etat a sobrement indiqué sur son compte Twitter : « Il a été décidé que Sainte-Sophie sera placée sous l’administration de Diyanet (l’Autorité des affaires religieuses) et sera rouverte aux prières ».
La décision prise à l’unanimité par un conseil d’Etat aux mains du président Recep Tayyip Erdogan, a une forte portée politique. Elle permet au gardien de la Sublime Porte d’acquérir une légitimité nouvelle - à un moment où il est contesté par une partie de l’électorat turc - et d’apparaître comme celui qui peut rétablir, dans la région, la zone d’influence de l’ancien Empire ottoman.
Le Saint-Siège est resté discret sur cette épineuse question, jusqu’à ce que le pape François déclare à la fin de l’Angelus du dimanche 12 juillet être « très affligé » par cette décision de transformer l’antique basilique en mosquée : « Ma pensée va à Istanboul, je pense à Sainte-Sophie. Je suis très affligé », a-t-il brièvement commenté.
Les réactions les plus hostiles proviennent du monde orthodoxe. Ainsi, le patriarche du culte autocéphale russe, Kirill, a-t-il fait part de son « amertume » et de son « indignation », devant ce qu’il considère être une « tentative d'humilier ou de fouler aux pieds le patrimoine spirituel millénaire de l'Eglise constantinopolitaine ». Pour le chef religieux russe, « une menace sur Sainte-Sophie est une menace pour toute la civilisation chrétienne ».
Erigée au IVe siècle sur les ruines d’un ancien temple dédié à Apollon, la « Grande église » comme elle était appelé a subi plusieurs sinistres. Son aspect actuel date du VIe siècle, lorsque l’empereur Justinien entreprit de reconstruire l’édifice et de le dédier à la Sagesse divine.
Après plus d’un millénaire qui vit se renouveler sans interruption le sacrifice non sanglant du Calvaire, la basilique est transformée en mosquée, lors de la prise de la ville par les musulmans, le 29 mai 1453.
Désaffectée en 1934 par Atatürk - une mesure toujours contestée par la frange islamiste - l’édifice devient un musée. Avec la décision du 10 juillet 2020, l’appel du muezzin pourra à nouveau s’élever sous la coupole de Sainte-Sophie qui, de la hauteur de ses quelques cinquante-cinq mètres, évoque encore les fastueux couronnements des derniers empereurs romains d’Orient, quand elle ne résonne pas des sermons prononcés jadis par l’illustre saint Jean Chrysostome.
Pressé par les échéances électorales, le président turc a déjà annoncé un culte musulman à Sainte-Sophie pour le vendredi 24 juillet, malgré les protestations internationales.
(Sources : Valeurs actuelles/Le Parisien/Vatican News/Le Figaro - FSSPX.Actualités - 12/07/2020)
(Image : Photo 67061986 © Mya Be | Dreamstime.com)