Ni schismatiques, ni excommuniés (9)

Le pape Jean XIII lors de la messe d’ouverture du concile Vatican II
Le site FSSPX.Actualités reproduit un article de 1988 qui, devenu difficile à trouver, mérite une nouvelle présentation. Le texte reprend la constatation de la crise de l’Eglise et de sa gravité qui met les fidèles en demeure de choisir entre leur foi et l’obéissance aux nouvelles orientations ecclésiales.
Etat et droit de nécessité
L’état de nécessité et le droit consécutif de nécessité est un des arguments avancés par Notre Seigneur Jésus-Christ quand il veut démontrer l’innocence de ses disciples accusés par les Pharisiens d’avoir violé la loi du repos sabbatique en cueillant des épis pour calmer leur faim : Jésus évoque l’épisode de David qui, poussé par la nécessité de la faim, « entra dans la Maison de Dieu, et mangea les pains de proposition, dont il n ‘était permis de manger ni à lui, ni à ceux qui étaient avec lui, mais aux prêtres seuls 1 ».
L’état de nécessité est considéré par le Droit canonique comme l’une des causes qui, aux conditions fixées, suppriment l’imputabilité 2 du « délit », lequel se trouve alors réduit à une violation purement matérielle de la loi 3. Le communiqué du 30 juin 1988 de la Salle de Presse du Vatican faisait d’ailleurs référence dans le cas de Mgr Lefebvre à ce droit de nécessité, même si c’était pour le nier.
L’état de nécessité, ainsi que l’expliquent les juristes, est un état dans lequel des biens nécessaires, à la vie naturelle ou surnaturelle se trouvent menacés, de telle sorte que l’on se trouve normalement contraint, pour les sauvegarder, d’enfreindre la loi 4.
Pour être admis à invoquer l’état de nécessité et se trouver au bénéfice du droit correspondant, il faut :
1) qu’existe vraiment un état de nécessité ;
2) qu’on ait tenté d’y remédier en recourant aux moyens ordinaires ;
3) que l’acte « extraordinaire » accompli ne soit pas intrinsèquement mauvais et qu’il n’en résulte pas un dommage pour le prochain ;
4) que, dans la violation de la loi, on se tienne dans les limites des exigences réellement imposées par l’état de nécessité ;
5) que l’on ne remette d’aucune façon en question le pouvoir de l’autorité compétente et que l’on puisse, au contraire, présumer raisonnablement que, dans des circonstances normales, elle eût donné son assentiment.
Ces cinq conditions se trouvent toutes réunies dans le cas des consécrations épiscopales effectuées par Mgr Lefebvre.
1) Il existe réellement dans l’Eglise un état de nécessité
Il existe un état de nécessité pour les âmes qui ont le droit de recevoir du clergé les biens nécessaires au salut, particulièrement la doctrine et les Sacrements 5. Il existe un droit de nécessité pour les séminaristes qui ont le droit de recevoir une saine formation sacerdotale particulièrement dans le domaine doctrinal.
Pour les âmes
A celui qui voudrait nier l’existence d’un état de nécessité il incomberait de prouver que la foi et la transmission de la foi dans le peuple chrétien ne sont pas sérieusement et gravement menacées :
a) par les nouveaux catéchismes approuvés et imposés par les Conférences épiscopales ;
b) par les homélies, par les mass-média catholiques et notamment par la soi-disant « presse catholique 6 », qui attaque, met en doute ou nie les vérités de foi et les principes de la morale catholique sans en excepter aucun ;
c) par les initiatives « œcuméniques » de masse, prônées à tous les niveaux de la hiérarchie, initiatives qui répandent l’indifférentisme religieux qui est « une des hérésies les plus délétères 7 » ;
d) par la nouvelle liturgie, particulièrement par le nouveau rite de la Messe qu’un anglican converti, Julien Green, a défini comme « une imitation assez grossière du service anglican 8 » et que les calvinistes de Taizé estiment utilisable même pour la « cène » protestante.
Il devrait surtout démontrer que cette orientation nouvelle n’est ni voulue, ni favorisée ou permise d’en haut, ou, pour le moins, établir que, même si au cours des derniers vingt ans avaient été infligées toutes les peines prévues par le Droit canonique pour les « délits contre la foi 9 », on en serait quand même arrivé aux événements pour lesquels on déclare aujourd’hui, indûment, que Mgr Lefebvre a encouru une peine pour un « délit » accompli dans l’exercice de son pouvoir d’ordre 10.
Cette démonstration étant impossible, il ne reste plus, à qui s’entête à nier un état de nécessité, qu’à contredire le Saint Esprit 11, en affirmant qu’il est possible de plaire à Dieu… même sans la foi !
Aux minimalistes enfin, qui objectent que tout n’est pas si complètement délabré, nous rappellerons que, en matière de foi, celui qui met en doute ou nie une seule vérité révélée ou connexe à la Révélation, met en doute ou nie la Révélation tout entière. 12
Pour les séminaristes
Celui qui voudrait nier l’existence d’un état de nécessité pour ceux qui sont appelés au Sacerdoce catholique, devrait établir :
a) que les séminaires n’ont pas été en grande partie fermés et/ou vendus ;
b) que les séminaires qui subsistent fournissent aux futurs prêtres une formation doctrinale (pour ne pas parler de la formation morale et spirituelle) authentiquement catholique, indemne de libéralisme, de modernisme, d’œcuménisme et d’hérésies de toutes espèces ;
c) que les deux tentatives entreprises par le Vatican pour offrir une alternative valable, à Rome même, à ceux des séminaristes ayant quitté Mgr Lefebvre, n’ont pas fait le misérable naufrage que la presse rappelait encore ces jours-ci ;
d) que dans les Instituts et les Universités catholiques et dans les Universités pontificales romaines elles-mêmes, ne s’enseigne pas une théologie morale immorale ni une théologie dogmatique qui nie jusqu’aux dogmes fondamentaux de la Foi catholique (Résurrection, divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ, etc.).
Cette démonstration étant impossible, il ne reste plus alors qu’à déclarer que la formation des futurs prêtres est chose qui n’importe pas à l’Eglise de Dieu.
- 1
Matth 12, 3-4.
- 2
Pour qu’une personne soit punissable, il faut : a) une violation de la loi ; b) que cette violation lui soit « imputable », c’est-à-dire qu’on soit fondé à la lui reprocher ; c’est là qu’intervient l’état de nécessité ; c) que cette personne soit responsable. Si elle est irresponsable, elle ne peut être punie, bien que le délit lui soit imputable.
- 3
Cf. can. 2205 § 2 ancien Code de Droit canonique et can. 1323 n°4 du nouveau Code qui dit : « N’est punissable d’aucune peine la personne qui, lorsqu’elle a violé la loi ou un précepte : … 4e a agi forcée par une crainte grave, même si elle ne l’était que relativement, ou bien poussée par la nécessité ou pour éviter un grave inconvénient, à moins cependant que l’acte ne soit intrinsèquement mauvais ou qu’il ne porte préjudice aux âmes… »
- 4
Eichemann-Mörsdorf : Traité de droit canonique ; Cf. G. May, Notwehr, Widerstand und Notstand, Vienne, Mediatrix-Verlag, 1984. (Légitime défense, résistance, nécessité)
- 5
Can. 682 ancien Code de Droit canonique et can. 213 du nouveau Code, qui dit : « Les fidèles ont le droit de recevoir de la part des Pasteurs sacrés l’aide provenant des biens spirituels de l’Eglise, surtout de la parole de Dieu et des sacrements. »
- 6
En première ligne, pour l’Italie, la Civiltà Cattolica avec ses éditoriaux, Famiglia Cristiana, vendue dans les églises, ainsi que de nombreux bulletins paroissiaux.
- 7
Roberti-Palazzini, Dizionario di teologia morale, éd. Studium, Rome.
- 8
Julien Green, Ce qu’il faut d’amour à l’homme.
- 9
Livre IV, IIe partie, titre I.
- 10
Ibidem, titre III.
- 11
Heb. 11, 6.
- 12
Saint Thomas, IIa-IIæ q. 5 a. 3.
(Source : Courrier de Rome/Sì sì no no – FSSPX.Actualités)
Illustration : Lothar Wolleh, Domaine public, via Wikimedia Commons