Notre-Dame : "les jumelles tours, ces cantiques de pierre"

Source: FSSPX Actualités

Comme, pour son bonsoir, d'une plus riche teinte, 

Le jour qui fuit revêt la cathédrale sainte, 

Ébauchée à grands traits à l'horizon de feu ; 

Et les jumelles tours, ces cantiques de pierre, 

Semblent les deux grands bras que la ville en prière, 

Avant de s'endormir, élève vers son Dieu.

Ainsi que sa patronne, à sa tête gothique, 

La vieille église attache une gloire mystique 

Faite avec les splendeurs du soir ; 

Les roses des vitraux, en rouges étincelles, 

S'écaillent brusquement, et comme des prunelles, 

S'ouvrent toutes rondes pour voir.

(…)

Et cependant, si beau que soit, ô Notre-Dame, 

Paris ainsi vêtu de sa robe de flamme, 

Il ne l'est seulement que du haut de tes tours. 

Quand on est descendu tout se métamorphose, 

Tout s'affaisse et s'éteint, plus rien de grandiose, 

Plus rien, excepté toi, qu'on admire toujours.

Car les anges du ciel, du reflet de leurs ailes, 

Dorent de tes murs noirs les ombres solennelles, 

Et le Seigneur habite en toi. 

Monde de poésie, en ce monde de prose, 

A ta vue, on se sent battre au cœur quelque chose ; 

L'on est pieux et plein de foi !

Aux caresses du soir, dont l'or te damasquine, 

Quand tu brilles au fond de ta place mesquine, 

Comme sous un dais pourpre un immense ostensoir ; 

A regarder d'en bas ce sublime spectacle, 

On croit qu'entre tes tours, par un soudain miracle, 

Dans le triangle saint Dieu se va faire voir.

 

Extraits de Notre-Dame de Théophile Gautier, dans La comédie de la mort (1838)