Pakistan : la Cour suprême veut limiter les abus de la loi sur le blasphème
La Cour suprême du Pakistan
Les chrétiens pakistanais se sont félicités d’un arrêt de la Cour suprême du pays ordonnant à l’Etat de prendre des mesures pour empêcher que la loi sur le blasphème ne soit utilisée comme un outil pour harceler et persécuter injustement les minorités religieuses.
Sabir Michael, un catholique engagé dans les mouvements civiques en faveur des minorités religieuses au Pakistan, a commenté le récent arrêt de la Cour suprême du pays qui a ordonné à l’Etat d’être très diligent dans le traitement des affaires de blasphème :
« Nous saluons la décision de la Cour suprême du Pakistan, qui demande au gouvernement d’être plus prudent dans le traitement des affaires de blasphème. Nous rappelons l’utilisation abusive des lois sur le blasphème au cours des deux dernières décennies.
« Cette situation est très préoccupante pour les chrétiens, les hindous et les autres minorités religieuses du Pakistan. Il est très important que la police et les fonctionnaires du gouvernement traitent les affaires de blasphème avec beaucoup de précaution, afin qu’aucun innocent ne soit incriminé. »
Dans un texte de neuf pages, les juges Qazi Faez Isa et Syed Mansoor Ali Shah soulignent que les affaires de blasphème reçoivent beaucoup d’attention et de publicité, ce qui peut avoir pour effet de compromettre le déroulement d’un procès équitable et régulier.
Les juges relèvent des cas où de fausses accusations de blasphème sont formulées pour régler des comptes personnels ou pour des motifs inavoués. Le juge Isa souligne que les poursuites ne doivent jamais être influencées par « le zèle ou l’indignation morale », mais que l’Etat, c’est-à-dire le procureur, « doit procéder de manière méticuleuse et diligente dans un tel litige ».
La Cour déclare que, dans le respect des principes de la jurisprudence islamique, appliquant le droit constitutionnel, il faut toujours veiller à ce qu’une personne innocente ne soit pas condamnée à tort pour des infractions liées à la religion, en particulier « lorsqu’il n’existe que le témoignage oral improbable de témoins ».
L’arrêt note encore que « le droit fondamental du défendeur à un procès juste et équitable doit être garanti », soulignant qu’« il y a eu des cas où une foule en colère a blessé ou même tué un défendeur avant qu’il ne soit condamné ».
« La loi interdit de se faire justice soi-même. Dans la jurisprudence islamique, même si une personne a été reconnue coupable et condamnée à mort, la sentence ne peut être exécutée que par ceux qui sont autorisés à le faire, et s’il tue la personne condamnée, le responsable du crime doit être puni », explique le tribunal dans son arrêt.
Le texte rappelle également que prêcher le christianisme n’est pas un crime au Pakistan, mais que « c’est un droit fondamental de chaque citoyen de professer, pratiquer et propager sa religion ». Selon Sabir Michael, « ce jugement est une lueur d’espoir, et servira à convaincre les fonctionnaires de l’Etat d’être plus prudents dans le traitement des cas de blasphème ».
Nasir Raza, un chrétien, professionnel des médias, a déclaré : « Nous prions pour la mise en œuvre, afin que des personnes innocentes ne soient plus victimes de fausses accusations de blasphème, comme cela s’est produit dans des cas notoires tels que celui d’Asia Bibi, et tant d’autres. »
Selon le Centre for Social Justice, une ONG qui surveille le phénomène, 1 949 personnes ont été inculpées en vertu des lois sur le blasphème entre 1987 et 2021. Ce chiffre comprend 928 musulmans, 643 ahmadis, 281 chrétiens, 42 hindous et 55 citoyens de confession inconnue.
(Source : InfoCatolica – FSSPX.Actualités)
Illustration : Usman.pg, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons