Paris : Toussaint 2004
Après Vienne lan dernier et avant Lisbonne en 2005, puis Bruxelles et Budapest, le Congrès international dévangélisation fait étape à Paris, sur le thème "Qui nous fera voir le bonheur ?", inspiré des Béatitudes. 450 manifestations religieuses et artistiques se dérouleront dans la capitale du 23 octobre au 1er novembre, parmi lesquelles : la messe douverture accueillant les jeunes venus de la banlieue à la cathédrale Notre-Dame (dimanche 24). La journée du pardon et de la réconciliation dans une quarantaine déglises où des prêtres se tiendront à la disposition de ceux qui désirent se confesser (vendredi 29). "Holy wins" une réponse à Halloween, les enfants se transformant en "porteurs de bonheur" (et non pas en porte-bonheur !) auprès des passants pour leur délivrer leur propre message de bonheur, le samedi 30 ; et le soir, sur le parvis de Saint-Sulpice, un concert pop-rock "pour célébrer entre jeunes la fête de tous les saints". Lundi 1er novembre, messe de la Toussaint à Notre-Dame "avec les gens de la rue". Pendant toute la semaine, il y aura des "petits déjeuners anti-solitude", des "restaurants théologiques", des "happy hours pour célibataires", des "bons plans midi", des expositions, des conférences et même un "rallye du bonheur"
Des Parisiens en quête dune Eglise visible
La Croix du 22 octobre a interrogé quelques passants. Romain, artiste, 28 ans, se dit gêné par cette démarche de lEglise voulant annoncer aux Parisiens "Jésus-Christ, source de bonheur" : "Cela fait un peu commercial, non ?", mais il estime avec Corinne, étudiante en médecine, et Pierre, retraité, que "lEglise sadapte trop au monde qui change". Corinne qui saffirme non-croyante, précise pourtant : "LEglise se doit de perpétuer les valeurs de morale et de respect dautrui. Jattends delle quelle attise le pouvoir de la beauté, et non celui de largent. Je ne pense pas quelle doive sadapter aux changement de murs. Elle doit rester un point dancrage". Pierre qui ne cache pas sa foi, déclare : "Même si je ne marche pas au pas cadencé de lEglise, je trouve cependant quelle ne saffirme pas assez. Arrêtons de mettre un mouchoir sur nos convictions. Pourquoi lEglise na-t-elle pas insisté davantage pour quon rappelle nos origines chrétiennes dans la Constitution européenne ?". De son côté, Hélène, 48 ans, juive non-pratiquante, ne comprend pas les choix actuels de lEglise catholique : "Croyez-vous quil nous viendrait à lidée, à nous les juifs, de changer le jour du shabbat ? Eh bien, pour faciliter la vie des catholiques, on leur permet daller le samedi à la messe du dimanche ! Quant au jeûne (en fait, labstinence), qui mange encore du poisson le vendredi chez les catholiques ? Faciliter le culte et tout le reste na pas amené plus de monde à lEglise. Au contraire !" Zora, 50 ans : "Il faut que lEglise sinvestisse davantage auprès des adolescents. Les jeunes ne sont plus motivés. LEglise peut leur montrer un chemin. Lislam le fait bien dans les banlieues. Pourquoi lEglise ne le ferait-elle pas à Paris ?" Renato, photographe, 50 ans : "Les prêtres et les médiateurs au lieu de rester enfermés dans lEglise, commencent à en sortir. Il était temps. Car aujourdhui, il y a partout un vide, un manque didées. Les idéologies ont toutes mal tourné. Que nous reste-t-il ?" Christian, spécialiste en vidéo, précise toutefois : "Plus que de bonheur qui pourrait faire penser à un boniment de charlatan, cest despérance quon a besoin pour se couper des forces de mort."
Le cardinal et le Titanic
Dans le même numéro de La Croix, le cardinal Jean-Marie Lustiger donne les raisons qui lont poussé à organiser cette opération Toussaint 2004 à Paris : "Les changements rapides des conditions dexistence émoussent les convictions qui permettent de vivre et dorganiser sa vie. Beaucoup désirent confusément une discipline intérieure qui les aiderait à savoir ce quils font et pourquoi ils le veulent. La vie affective est sans cesse déstabilisée par la mise en scène et en image des émotions ; un grande incertitude pèse sur les relations entre hommes et femmes, sur leur fidélité et leur possibilité de construire un destin commun. Il ny a jamais eu autant de confusion autour de la sexualité, jamais autant dincertitude sur le bien et le mal, les gens ne savent plus à qui se fier, et beaucoup parmi eux nont jamais reçu la Bonne Nouvelle, lEvangile, qui faisait vivre leurs grands-parents. ( )
"La vérité doit être dite, même si elle est difficile à accepter : notre société ne sait plus où elle va, et ne maîtrise pas les perspectives de son avenir. Au fond de cette incertitude, qui touche lensemble des murs et des règles de comportements sociaux, je vois une source dangoisse qui entraîne bien des dérèglements. Il est difficile de dire si ce phénomène est passager ou sil va durer en raison de lénorme difficulté à transmettre, dune génération à lautre, le capital dhumanité qui permet à un peuple daffronter les crises en y trouvant le ressort du courage avec, pour les croyants, la force de la foi.
"Le système déducation se trouve lui-même dans la confusion : les jeunes parents, qui souvent nont pas eu part à lexpérience des générations précédentes, ne savent pas comment faire avec leurs enfants : accès de violences, emprise commerciale des modes, etc. Est-il juste de mettre la jeunesse en accusation ? Qui est responsable ? La situation spirituelle est marquée par cette confusion et par dimmenses besoins où nous devrions entendre lappel dun cri silencieux. On dit souvent quil faut "donner du sens", mais quest-ce que cela signifie ? Le sens ne se "donne" pas comme un objet (on ne demande pas à quelquun : "Tu naurais pas un peu de sens ?"), mais comme un objectif : pour quoi, pour qui vais-je donner ma vie ? Il sagit des raisons de vivre. ( )
"Le vrai problème de cette société est un peu celui du Titanic : ce nest pas parce que tout le monde danse que le bateau nest pas en train de sombrer Notre mission, cest de nous porter là où se joue le basculement de notre civilisation vers son avenir véritable ou son autodestruction. Et nous ne pouvons remplir cette mission autrement que par le mystère même du Sauveur ! ( )
"Lessentiel est que les chrétiens fassent leur "travail". Il ne faut surtout pas considérer lopinion publique comme un miroir où lon se contemple Si lEglise (et ses responsables, prêtres et laïcs) cherche dabord à donner une bonne image, elle ferait mieux de partir au désert. Leur image importe peu. Ce qui importe, cest le courage et la droiture de leur attitude, même si on les ridiculise : la vérité finit toujours par toucher les curs ; "la vérité vous rendra libres", dit Jésus (Jean, 8, 32)".