Paul Bourget : la clairvoyance du romancier catholique
Paul Bourget
Eddy Hanquier, professeur de littérature à l’Institut Universitaire Saint-Pie X, a autorisé la revue Plaisir de Lire à reproduire le texte de sa conférence donnée le 15 novembre 2021 dans le cadre des Conférences du lundi de l’Institut. Voici un extrait du texte complet que vous pourrez découvrir intégralement dans Plaisir de Lire n°199 (juin 2022) et suivants.
« Bourget s’est employé à traiter de manière magistrale les deux grandes questions qui nous apparaissent, avec le recul, avoir une responsabilité majeure dans la mise en danger, voire dans l’effondrement de notre civilisation chrétienne.
« Ces deux grandes questions, c’est d’abord l’approche scientiste des phénomènes, c’est ensuite l’approche moderniste de la religion chrétienne. La première, il l’a traitée dans Le Disciple, il nous en a fait mesurer les ravages ; la seconde, il l’a abordée dans Le Démon de Midi, en mettant en scène un prêtre moderniste.
« Ces deux erreurs ont introduit un incroyable désordre dans notre perception des phénomènes naturels et surnaturels. Le moderniste juge de la valeur et de la vérité des dogmes religieux en prenant sa vie, le sentiment qu’il a des choses, pour unique référence. Son expérience devient la seule référence pour juger de la réalité et de la vérité des dogmes religieux, sa vérité personnelle transcende la Vérité révélée, l’homme se fait juge de Dieu.
« C’est une inversion monstrueuse, une révolution absolue. Bourget le montre dans Le Démon de Midi, qui est un roman très instructif sur le sujet mais que nous ne pourrons pas aborder aujourd’hui dans le cadre de cette seule conférence.
« Avant de continuer sur le scientisme, je voudrais qu’on retienne ceci : Bourget nous décrit ce qu’il faut bien appeler la déflagration de ces idées monstrueuses dans une vie. Et il ne pouvait le faire que dans des romans parce que les romans racontent des histoires, mettent en scène des vies, qui sont susceptibles par conséquent d’être affectées par des idées, des systèmes.
« Et c’est ce que racontent fondamentalement les romans de Bourget : ils racontent l’aventure tragique et proprement moderne des vies traversées par les idées modernes. (…)
« Le terme scientiste a été inventé en 1898 – soit un an avant la parution du Disciple – par l’écrivain, très célèbre à l’époque, Romain Rolland, contre un mouvement de pensée d’après lequel la connaissance scientifique permettrait de résoudre tous les problèmes philosophiques, sociaux, moraux, politiques de l’humanité.
« Pour le scientiste, la science serait susceptible de se substituer à toute autre discipline, elle rendrait sans valeur par exemple l’apport de la philosophie ou de la théologie. Elle accorderait le primat aux sciences expérimentales.
« L’intérêt du roman de Bourget est de montrer ce qui peut disposer une âme au scientisme et de montrer comment il peut se développer dangereusement.
« Que raconte Le Disciple ? L’histoire d’un philosophe, Adrien Sixte, qui, alors qu’il se consacre uniquement à ses livres, apprend un jour que le jeune homme qui se dit son disciple, un certain Robert Greslou, serait impliqué dans un crime.
« L’histoire de ce crime est relatée par la confession que son disciple lui adresse, et où il raconte l’expérimentation à laquelle il s’est livré sur une jeune fille… tout en suivant fidèlement les idées du maître. Expérimentation qui va conduire cette jeune fille au suicide. »
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(Source : Plaisir de Lire/DICI n°422 – FSSPX.Actualités)
Illustration : Flickr / The Library of Congress