Philippines : La 8e mission médicale de Rosa Mystica
Le typhon Haiyan qui s’est abattu sur les Philippines, le 7 novembre dernier, a fait des milliers de morts et laissé des centaines de milliers de personnes sans logement.
L’île de Leyte, en particulier, et sa capitale Tacloban (250.000 habitants) ont été les plus touchées. La Fraternité Saint-Pie X n’a pas non plus été épargnée puisque la chapelle de cette même ville a été détruite, ainsi que le véhicule de la mission qui y stationnait ; les fidèles ont été également touchés, certains déplorant la perte d’un proche, et la plupart la destruction de leurs biens.
C’est pourquoi la mission médicale Rosa Mystica s’est faite cette année, dans la ville dévastée de Tacloban du 20 au 25 janvier 2014. Pour cela, des médecins et des infirmières volontaires, ainsi qu’une équipe de personnes qualifiées dans la construction, ont été sollicités par l’Association Catholique des Infirmières et Médecins (ACIM) et le district d’Asie de la Fraternité Saint-Pie X. (cf. DICI n°285 du 22/11/13)
Arrivé le 18 janvier à l’aéroport de Tacloban le groupe de volontaires français est embarqué dans un minibus qui n’a plus de garniture intérieure, le tableau de bord tient avec du ruban adhésif, les fenêtres ne s’ouvrent plus... Un enfant s’approche : « Hungry ! J’ai faim ! » ; aussitôt le petit groupe français rassemble tous les biscuits qui restent du voyage pour les lui donner. Au premier regard, s’offre à perte de vue un fouillis invraisemblable de tentes, de bâches colorées, de tôles ondulées et de monceaux de déchets le long des routes. Les gens vivent au milieu, les pieds dans la boue.
Chemin faisant, c’est un paysage effroyable et cauchemardesque de maisons effondrées, de ferrailles, d’entrepôts détruits ou sans toit, d’habitations dont il ne reste plus que quelques pans de murs. Des arbres gigantesques gisent sur le sol, leurs racines lançant vers le ciel un pathétique appel, les poteaux télégraphiques sont abattus. Cet affreux cataclysme s’étend sur des kilomètres. Dans le minibus, « nous sommes tous sans voix, un silence de mort devant une réalité dépassant notre imagination et ce que nous avons pu voir dans les médias ». Mais ici, les médias philippins ont souligné sans crainte qu’une grande partie des statues religieuses ont été épargnées.
Sur place les bénévoles sont installés vaille que vaille dans divers lieux d’hébergement, certains n’ont pas l’eau, d’autres pas d’électricité ; certains couchent sur le sol. Progressivement, les volontaires arrivent tant bien que mal. Un certain nombre manque à l’appel en raison des circonstances météorologiques, pluies et vent, entraînant l’annulation de nombreux bateaux et vols.
Les frères de la Fraternité Saint-Pie X ont mis quatre jours à venir de Iloilo, où se trouve leur noviciat, un trajet qui se fait normalement en deux heures et demie d’avion. La réunion d’orientation, dimanche 19 janvier, rassemble des volontaires venus des quatre coins du monde, par ordre numérique : des Philippins, Français, Australiens, Américains, Suisses, mais aussi des bénévoles d’Irlande, du Vietnam, de Belgique, de Nouvelle Zélande, de Singapour, de Corée, d’Afrique du Sud, de Malaisie, du Canada, et même une jeune femme d’origine turque, parlant l’araméen.
Au total une soixantaine de volontaires, qui sera rejoint par une vingtaine supplémentaire, venue de Manille et des Etats-Unis. Yolly Gamutan, secrétaire d’ACIM Asia, a obtenu, après un mois de négociations diverses auprès des autorités municipales, avec l’aide de la Providence et de son sourire déconcertant, ce havre de paix relative qu’est le stadium ou astrodôme. Il s’agit d’un gigantesque amphithéâtre, centré sur un terrain de basket-ball, le sport national. Le toit, dont une partie a été arrachée, protège peu ou prou de la pluie qui sévit : ce qui entraîne la formation d’une mare d’eau au beau milieu de la zone d’intervention médicale. Ironie du sort : il n’y a ni eau courante, ni toilettes, ni électricité. Et dans ce cadre, il faudra soigner plus de 500 personnes par jour.
Les 14 praticiens sont répartis dans les endroits secs de l’astrodôme. Mais il manque encore, le premier jour, 16 volontaires affectés à la traduction et à l’enregistrement – problème majeur qui ralentira fortement le flot des patients dès le début. Chaque praticien est installé à une table plus ou moins stable avec son traducteur (du tagalog à l’anglais) ; cependant une partie des patients ne parle pas le tagalog mais un autre dialecte de l’île, le visaya. Il y a plusieurs pôles : celui des généralistes (7), des pédiatres (3), des ophtalmologistes (2), du dermatologiste (1), du dentiste (1) ; un coin est réservé aux pansements, examens particuliers, petites chirurgies, et l’électrocardiogramme. Ce nombre de médecins est déjà un record dans l’histoire de Rosa Mystica. La pharmacie est divisée en trois sections (dentistes, adultes, enfants) et occupe toute une longueur du terrain de basket-ball.
Le circuit des patients se déroule ainsi : enregistrement, puis prise des données cliniques essentielles, ce qui permet d’emblée de diagnostiquer des hypertensions artérielles et surtout des diabètes méconnus. Ensuite chaque patient est dirigé vers le pôle adéquat.
Après l’examen médical, il se rend à la pharmacie. Rosa Mystica prend en charge la totalité des actes médicaux tenant à la biologie, la radiologie et aux hospitalisations, grâce à tous ses bienfaiteurs. De très nombreux patients ont confié avoir beaucoup prié, alors qu’ils étaient dans des situations désespérées. « Nous ne percevons aucun sentiment de révolte. Quelle belle leçon d’espérance ! » diront les bénévoles. Cette année, la générosité inouïe des bienfaiteurs a permis de monter une équipe de construction composée de cinq Australiens, deux Américains, un Irlandais, un pied-noir devenu caldoche, trois Français et une vingtaine de Philippins.
Ces 32 volontaires – menuisiers, électriciens, couvreurs, plombiers, carreleurs – ont relevé le défi incroyable de [38-Roofing-the-chapel-cr] reconstruire en 10 jours quatre maisons et une chapelle. Quelques personnes dans le dénuement le plus complet ont été aidées financièrement faute de temps. Avec la grâce de Dieu, ce pari est tenu en raison de l’ardeur et des capacités de chacun. Toutefois, l’action missionnaire ne se termine pas là. Quatre prêtres sont à la disposition de tous pour l’imposition des scapulaires et d’autres sacramentaux, pour les confessions aussi...
Chaque jour, la première messe est dite à 6h25 par l’abbé Coenraad Daniels, prêtre sud-africain. Pourquoi dès potron-minet ? Tout simplement parce qu’à 17h30 le jour tombe brutalement. L’équipe de travaux est obligée de commencer très tôt, avant l’équipe médicale. Celle-ci arrive pour la deuxième messe à 7h du matin.
Au cours du sermon dominical l’abbé Daniel Couture, supérieur du district d’Asie, explique la miséricorde à partir d’un fait divers : un païen mourant sur un trottoir indien est ramassé par une sainte religieuse qui le soigne. Le moribond lui demande : « Est-ce que votre Jésus est aussi bon que vous ? » Celle-ci de répondre avec un sourire : « Non, c’est moi qui essaye d’être aussi bonne que Lui. » Même si cette aide apportée par la mission caritative est une goutte d’eau, elle a un effet indéniable auprès des Philippins ; ils se sentent encouragés à se battre contre l’adversité. Les calicots en témoignent : « L’adversité nous a donné du courage », « Votre générosité nous a donné la volonté de nous relever », « Merci à tout le monde ».
Depuis les huit ans de mission de Rosa Mystica, jamais « nous n’avons eu autant de témoignages de gratitude, aussi émouvants les uns que les autres », confie le Docteur Jean-Pierre Dickès. Les Philippins, par leur gentillesse, leur sourire, leur gaîté, trouvent encore dans l’épreuve le moyen de se réjouir de petits détails, d’un petit geste d’affection à leur égard, d’un petit mot d’amitié. Spontanément ce peuple a gardé le sens chrétien de l’entraide, ce qui dans les circonstances dramatiques qu’il vit, est admirable. « Lorsque nous nous sommes présentés à la douane d’Iloilo, rapporte le Docteur Dickès, la douanière, une femme de 55 ans, faisait son travail en demandant à ceux qui arrivaient les raisons de leur séjour au pays.
Je lui explique que nous avons une mission médicale régulière ; chaque année nous allons dans un endroit différent, et étant donné les circonstances, nous partons vers Tacloban, la ville sinistrée. Elle fait aussitôt passer tout notre petit groupe sans contrôle, avec un grand sourire. Je la remercie et elle me lance : « God bless you ! I will pray for you. Dieu vous bénisse, je prierai pour vous. »
Pour aider la mission de la Fraternité Saint-Pie X aux Philippines : - chèques à l’ordre de « ACIM », adressés avec mention « pour les victimes du typhon » à : Docteur JeanPierre Dickès, 2 route d’Equilhen, F - 62360 Saint-Etienne au Mont (reçu fiscal sur demande). - chèques libellés à l’ordre de MISSIONS (en mentionnant « Philippines ») à adresser à MISSIONS, 60 avenue du Général Leclerc, 78230 Le Pecq (reçu fiscal sur demande) IBAN: FR76 3000 3018 6000 0372 7114 114 - BIC: SOGEFRPP
(Source : ACIM – DICI n°289 du 31/01/14)