Présence féminine dans l’Eglise, de la discussion à la revendication...
Le 25 janvier 2014, le pape François a reçu les représentantes du Centre italien féminin (CIF), à l'occasion du congrès de cette association, née en 1944. Le pape a tenu à rappeler que le Magistère des Papes avait accompagné l’évolution de l’identité et du rôle de la femme, dans la famille, dans la société et dans l’Eglise, citant spécialement la Lettre apostolique de 1988 Mulieris dignitatem de Jean-Paul II, sur la dignité et la vocation de la femme, un « document en phase avec l’enseignement du concile Vatican II », qui a reconnu la force morale de la femme, sa force spirituelle.
« Moi aussi, a souligné François, j’ai rappelé l’indispensable apport de la femme dans la société, en particulier avec sa sensibilité et son intuition vers l’autre, la personne faible et sans défense ; je me suis réjoui de voir de nombreuses femmes partager certaines responsabilités pastorales avec les prêtres dans l’accompagnement des personnes, des familles et des groupes, comme dans la réflexion théologique ; et j’ai souhaité que s’élargissent les espaces pour une présence féminine plus décisive dans l’Eglise (cf. Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 103).
Cependant, pour le pape, ces responsabilités ouvertes aux femmes dans le cadre ecclésial, civil et professionnel ne peuvent « faire oublier le rôle irremplaçable de la femme dans la famille » : « cet apport reste indispensable dans le contexte de la famille, qui pour nous chrétiens n’est pas seulement un lieu privé, mais cette ‘Eglise domestique’, dont la bonne santé et la prospérité sont essentielles pour la santé et la prospérité de l’Eglise et de la société elle-même ».
« La présence de la femme dans le cadre domestique se révèle donc plus que jamais nécessaire pour la transmission aux génération futures de solides principes moraux et pour la transmission de la foi ». Le pape François pose alors la question : comment la femme peut-elle réussir à se réaliser pleinement dans la sphère publique, le monde du travail et des prises de décisions, tout en restant présente de manière spéciale dans et pour la famille ? Il déclare que la réponse est dans la prière : « Une prière soutenue par la présence maternelle de Marie qui a gardé son divin Fils, qui l'a incité à son premier miracle aux noces de Cana, qui était présente sur le calvaire et à la Pentecôte, vous indique la route à parcourir pour approfondir le sens et le rôle de la femme dans la société et pour être pleinement fidèles au Seigneur Jésus-Christ et à votre mission dans le monde »…
Est-ce cette déclaration qui a autorisé le cardinal américain Sean O’Malley, archevêque de Boston et membre du conseil des huit cardinaux chargé d’aider le pape dans la réforme de la curie romaine, à affirmer au quotidien Boston Globe, le 9 février 2014, qu’une femme pourrait être nommée à la tête d’une éventuelle nouvelle ‘Congrégation pour les laïcs’ ? Trois jours après, le 12 février, Mgr Gerhard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a affirmé à l’agence CIC, à Rome, qu’il n'est pas envisageable que des femmes puissent présider des Congrégations, mais que l’ « on pourrait tout à fait les imaginer à la tête de Conseils pontificaux » pour la Famille ou pour la Pastorale des services de la santé par exemple. Prévenant par ailleurs que l'exercice de tâches juridictionnelles dans l'Eglise catholique est lié à la prêtrise et ne peut être confiée à des laïcs.
Mgr Müller, créé cardinal le 22 février, a également déclaré que des femmes pourraient occuper des postes clés dans les domaines de la recherche théologique, de l'enseignement, de l'accompagnement ou de l'entraide, tout en s'opposant à l'introduction d'un quota fixe, car il ne s'agit pas « d'engager des femmes ou des laïcs à tout prix ». Le 2 mars dans un entretien publié par le quotidien de l’épiscopat italien, l’Avvenire, le cardinal Walter Kasper, ancien président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, affirmait lui aussi : « Les femmes peuvent occuper des postes à responsabilité dans les organismes qui, au niveau le plus haut, n’impliquent pas nécessairement (…) le ministère ordonné, comme dans les Conseils pontificaux par exemple », citant notamment les dicastères en charge de la famille et des laïcs.
Mais dans un entretien accordé au journaliste Antoine-Marie Izoard de l’agence IMedia, le 7 mars, Anne Soupa, présidente du Comité de la jupe fondé en 2009, en France, pour « soutenir la dignité et la reconnaissance des femmes dans l’Eglise catholique, déclarait : « Bien sûr, il y a conflit ! Dans l’Eglise, les femmes sont l’équivalent de personnes privées de droits civiques : le magistère décide de leur ‘nature’, de leur ‘vocation’ et ne leur donne pas la parole. Elles sont absentes des décisions de l’Eglise : elles n’assurent pas la cure d’âmes, évangélisent sans autorité ni titre reconnus, sont inaptes aux homélies, ne délivrent pas de sacrements, ne gouvernent pas, n’ont aucune contribution doctrinale et n’élisent pas le pape.
Bien sûr, les femmes peuplent l’Eglise, mais elles y sont les petites mains. Et ce ne sont pas quelques nominations cosmétiques qui effaceront ce scandale. » Anne Soupa est également co-fondatrice de la Conférence catholique des baptisé-e-s francophones (CCBF), mouvement progressiste qui réclame la parité dans le gouvernement de l’Eglise, l’ordination de diaconesses et de femmes cardinales, et dénonce le fonctionnement de la hiérarchie de l’Eglise, ainsi que l’attachement aux valeurs traditionnelles. Le 9 mars 2013, alors que se réunissait à Rome le conclave qui devait élire le pape François, le CCBF avait organisé un « conclave des femmes » à Paris.
Parmi les thèmes abordés : « De même que Jean XXIII avait demandé que le concile Vatican II exerce les "remèdes de la miséricorde", il y a une miséricorde à exercer aujourd’hui (envers les divorcés remariés par exemple), il y a à demander que soient écartées toutes condamnations et discriminations sur la base du sexe. »
Partisane de l’émancipation féminine, Anne Soupa entend « faire changer les mentalités misogynes romaines », évidemment « dans la fidélité à Vatican II ».
(Sources : apic/VIS/radiovatican/imedia/cic/comitédelajupe.fr/baptises.fr – DICI n°292 du 14/03/14)