Procès au Vatican : Mgr Carlino se réfugie derrière l’obéissance

Source: FSSPX Actualités

La vérité est quelque part derrière ces murs...

La onzième audience du procès au Vatican sur les placements financiers discutables de la secrétairerie d’Etat à Londres s’est tenue le 30 mars 2022, et a duré environ quatre heures et demie. Elle a été surtout consacrée à l’interrogatoire de Mgr Mauro Carlino, ancien employé de la secrétairerie d’Etat, l’un des plus proches collaborateurs du principal inculpé au procès : le cardinal Angelo Maria Becciu.

« Surtout » car avant d’entrer dans le vif des débats, Giuseppe Pignatone, président du tribunal, a lu une note du cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, annonçant que le souverain pontife avait relevé le cardinal Angelo Maria Becciu du secret pontifical entourant le rôle joué par l’une des protagonistes de l’affaire, Cecilia Marogna.

Inutile de dire que les journalistes seront nombreux le 7 avril prochain pour entendre les explications du porporato déchu de ses droits par le pape François.

Pour revenir à l’audience du 30 mars dernier, il faut se rappeler que la justice du Vatican s’est assez tôt intéressée au rôle de Mgr Mauro Carlino, puisque que l’on trouve son nom dans la liste des administrateurs d’une société de holding enregistrée à Londres, intermédiaire par lequel la secrétairerie d’Etat contrôlait le luxueux immeuble de Sloane Avenue, dont l’acquisition est au cœur de la procédure judiciaire en cours.

A la barre, l’ancien secrétaire du cardinal Becciu a joué la carte du bon et fidèle serviteur de l’Evangile : « je n’ai jamais levé le petit doigt sans avoir l’autorisation de mon supérieur », a répété Mgr Carlino, se référant à la période durant laquelle il était en fonction, comme collaborateur du cardinal Becciu, puis de son successeur, Mgr Edgar Pena Parra, actuel substitut.

« Fidélité, obéissance, confidentialité » : tels sont les mots d’ordre que Mgr Pena Parra exigeait de son collaborateur explique Mgr Carlino qui dit avoir été « étonné d’être ainsi renvoyé devant un tribunal ».

L’affaire de Sloane Avenue ? Inconnue de l’ancien bras droit du cardinal Becciu : « je n’ai eu connaissance de l’affaire du palais de Londres qu’en janvier 2019, lorsque Mgr Pena Parra m’a dit qu’il y avait un problème, dû à une grosse erreur du bureau administratif, dont je n’étais pas membre », avance Mgr Carlino, qui prétend avoir « réalisé tout le gâchis qui avait eu lieu, après plusieurs mois seulement ».

Pour se disculper, l’ancien fonctionnaire de la secrétairerie d’Etat estime que le réel problème résidait dans « le millier d’actions laissées entre les mains du financier Gianluigi Torzi, au moyen desquelles il pouvait gérer l’immeuble à sa guise, même après son rachat par la secrétairerie d’Etat ».

Le financier est vu par Mgr Carlino comme « un ego démesuré », une personne « qui a trompé la secrétairerie d’Etat ». Mgr Carlino, à l’en croire, s’est juste borné à servir de médiateur entre Gianluigi Torzi et trois autres intervenants : Luca Dal Fabbro, Luciano Capaldo et Fabrizio Tibarassi, l’un des co-accusés.

Concernant le résultat de cette médiation, Mgr Carlino explique qu’il avait été décidé par le substitut, Mgr Pena Parra, en accord avec Luciano Capaldo, de débourser 15 millions d’euros pour reprendre le contrôle de l’immeuble, et mettre ainsi fin à la relation avec Gianluigi Torzi.

Pressé par l’avocat de l’Institut des œuvres romaines (IOR) – qui s’est porté partie civile – au sujet des sommes dépensées, Mgr Carlino a précisé que l’évaluation des montants ne relevait pas de lui, et que, sur les deux factures émises en direction de Torzi, l’une, d’un montant de dix millions d’euros, était destinée au courtage ; l’autre, de 5 millions, à des « activités de consulting sur des investissements immobiliers ».

Interrogé par le président du Tribunal sur le rôle de Mgr Alberto Perlasca, ancien chef de bureau de la secrétairerie d’Etat ayant joué un rôle-clé dans l’affaire, Mgr Carlino sort les griffes : « Perlasca a trahi la confiance qu’on avait mise en lui et a désobéi, il a signé les contrats d’acquisition sans l’aval de ses supérieurs », lance-t-il.

Enfin, pour faire bonne mesure l’ancien secrétaire du cardinal Becciu n’hésite pas à renvoyer la balle du côté de l’hôte de Sainte-Marthe, dont l’ombre ne cesse de planer sur le procès : « j’ai constamment informé le Saint-Père de ce qui se passait. (…) Dans l’obéissance, j’ai fait la volonté du Saint-Père. (…) La volonté du pape était de dépenser le moins possible pour reprendre la possession de l’immeuble. »

La prochaine audience est prévue pour le 5 avril prochain. L’interrogatoire de Mgr Mauro Carlino devrait se poursuivre, puis ce sera au tour de Tommaso Di Ruzza et René Brülhart, respectivement anciens directeur et président de l’Autorité d’information financière (AIF) du Vatican, d’être entendus, sur d’éventuels actes répréhensibles dans l’exercice de leurs fonctions.