Procès du Vatican : audition de l’Autorité anticorruption

Source: FSSPX Actualités

M. Alessandro Cassinis Righini, Réviseur général

Le 30 septembre 2022, le tribunal présidé par le juge Giuseppe Pignatone a procédé à l’audition d’un membre de l’Autorité anticorruption, dirigée par le Réviseur général assisté d’Auditeurs. Cette entité, créée en février 2014, est chargée d’effectuer un audit comptable et financier des comptes du Vatican. En février 2019, le poste a été élevé au rang d’Autorité anticorruption.

C’est le Réviseur général, Alessandro Cassinis Righini qui se présente à la barre. Son témoignage est accablant à plus d’un titre.

Une Secrétairerie d’Etat très peu coopérative

« Des réponses souvent évasives et une attitude générale fermée et peu coopérative » : c’est le tableau de la relation avec la Secrétairerie d’Etat qu’a offert le Réviseur général, Alessandro Cassinis Righini, au cours de son interrogatoire comme deuxième témoin de l’accusation, lors de la vingt-septième audience du procès pour les trafics illicites présumés de fonds du Saint-Siège.

Cassinis a produit le rapport de 2019 qui, avec celui de l’Institut des œuvres religieuses a déclenché l’enquête qui a mené au procès. Le témoin a travaillé depuis 2016 à ce poste de contrôle.

Le Réviseur dénonce fortement la résistance de la Secrétairerie d’Etat : les demandes de documentations, de rapports d’experts, de bilans du dicastère sont restées sans réponse. Ou quant celle-ci daigne être donnée elle prend la forme de : « Moins on écrit sur les budgets, mieux c’est », comme l’a un jour exprimé Mgr Alberto Perlasca.

Le Réviseur continue sa litanie de refus : qu’il s’agisse de Mgr Edgar Peña, substitut qui a remplacé le cardinal Becciu, ou du conseiller Borgia, il n’y a jamais de réponse.

Et lorsque le préfet du Secrétariat à l’économie de l’époque, le cardinal George Pell, a signé un contrat avec une société de conseil financier externe, Price Waterhouse Cooper (PWC), pour réaliser un audit de tous les dicastères de la Curie, Becciu s’y est opposé, expliquant qu’il y avait un auditeur interne : pourquoi engager une société externe pour auditer les comptes de l’Etat ?

À cet égard, M. Cassinis a cité une phrase du substitut de l’époque : « Nous sommes habitués à vérifier, pas à être vérifiés ».

Le contrat de gage avec le Crédit Suisse

L’un des points principaux qui concerne le procès, est le « contrat de gage » avec le Crédit Suisse sur les actifs du Secrétariat d’État – d’un montant total de 928 millions d’euros, selon lui – qui n’a jamais été fourni. Il s’agit de la transaction par laquelle le dicastère, en mettant en gage une partie de ses actifs, a obtenu les ressources nécessaires pour procéder à l’achat du London Palace.

Selon Cassinis Righini :« Tout cela n’avait pas de sens pour nous, nous ne pouvions pas comprendre… L’argent était engagé (…) dans des produits spéculatifs, et un conflit d’intérêt flagrant avec la personne qui avait suggéré ces investissements. »

« Ce n’est pas une façon de gérer le Denier de Saint-Pierre ! »

Le Réviseur général accuse encore la Secrétairerie d’Etat d’opacité, notamment – il donne la date très précise du 26 novembre 2018 – lorsqu’on lui a présenté la lettre par laquelle le cardinal Parolin aurait autorisé le transfert du contrat du fonds Athena-Gof de Raffaele Mincione au fonds Gutt de Gianluigi Torzi (les deux courtiers, tous deux défendeurs).

Il a d’abord affirmé que le premier investissement « avait généré des pertes constantes ». Quant au transfert, il affirme en être « tombé de sa chaise », avertissant du danger, car Torzi conservait mille actions avec droit de vote afin de conserver le contrôle exclusif de la propriété. Ce qui a fini par coûter 15 millions au Saint-Siège pour redevenir propriétaire du Palace londonien.

« C’était inacceptable, il a été suggéré de ne pas exécuter l’accord, au lieu de cela, il a été signé le 3 décembre comme prévu. Je n’ai pas compris pourquoi cela était si pressé. »

Investissements non éthiques

Au cours de l’interrogatoire Cassinis Righini a également exprimé des critiques à l’égard d’investissements ou des projets d’investissement du secrétaire d’Etat dont l’éthique était douteuse. À commencer par la proposition bien connue du puits de pétrole en Angola, malgré « les positions éthiques et environnementales connues du pape ».

M. Cassinis a également cité les fonds de couverture de l’APSA sur les produits « non conformes à la doctrine sociale de l’Eglise, tels que les fabricants de contraceptifs. Nous l’avions signalé à l’APSA qui, en fait, a ensuite procédé à la vente des actions ». De plus, ces titres « n’avaient pas de cotation transparente sur le marché » et « des commissions étaient versées » dans des hedge funds.

Un manque de compétence

Le problème, selon le Réviseur, était un problème de « compétence » : au sein du bureau administratif, outre le manque de personnel, comme s’en sont plaint Perlasca et ses remplaçants, il y avait « surtout un problème de compétence, car de nombreuses personnes n’avaient pas de compétences en comptabilité. C’était un désastre… On ne pouvait rien comprendre ».

Un tableau qui confirme ce que disait déjà le cardinal Pell à l’époque, et qui risque de peser lourd devant les juges au moment du bilan.