A propos du Frère Roger, prieur de Taizé
Le Frère Roger, fondateur et prieur de la communauté œcuménique de Taizé (dans le département de Saône-et-Loire, en France), âgé de 90 ans, a été mortellement blessé à coups de couteau le 16 août, au cours de la prière du soir, par une Roumaine déséquilibrée de 36 ans, Luminita Solcanu.
Au terme de l’audience générale du mercredi 17 août, le pape a évoqué la mort tragique du prieur protestant de Taizé : " J’ai reçu ce matin une nouvelle très triste, dramatique. Au cours des Vêpres d’hier soir, le cher frère Roger Schütz, fondateur de la Communauté de Taizé, a été poignardé et tué, probablement par une personne déséquilibrée. Cette nouvelle me touche d’autant plus que précisément hier, j’ai reçu une lettre de frère Roger, très émouvante et très amicale. Dans celle-ci, il écrit que du fond de son cœur, "nous sommes en étroite communion avec Vous-même et avec tous ceux qui seront réunis à Cologne". Puis il écrit qu’en raison de ses conditions de santé, il ne pourra malheureusement pas venir personnellement à Cologne, mais qu’il sera spirituellement présent avec ses frères. A la fin, il m’écrit dans cette lettre qu’il souhaite venir au plus tôt à Rome pour me rencontrer et me dire que " notre communauté de Taizé voudrait cheminer en communion avec le Saint-Père ".
Poursuivant, Benoît XVI évoque le salut - certain à ses yeux - du frère Roger sans la moindre allusion à son appartenance au protestantisme : " En ce moment de tristesse, nous ne pouvons que confier à la bonté du Seigneur l’âme de son fidèle serviteur. Nous savons que de la tristesse (…) renaîtra la joie. Frère Schütz est dans les mains de la bonté éternelle, de l’amour éternel. Il est arrivé à la joie éternelle. Il nous avertit et nous exhorte à être toujours de fidèles ouvriers dans la Vigne du Seigneur, même dans les situations tristes, dans la certitude que le Seigneur nous accompagne et nous donnera sa joie ".
Déjà, le 8 avril dernier, à la messe de Requiem de Jean-Paul II sur la place Saint-Pierre, le cardinal Ratzinger avait donné la communion à Roger Schütz. Le 12 juillet, le porte-parole du Vatican, Joaquin Navarro-Valls, déclarait que le fondateur de la communauté œcuménique de Taizé "accédait totalement à la compréhension de l’eucharistie". "Dans cette situation, il est pratiquement impossible de lui refuser l’accès au très Saint-Sacrement, du fait notamment que sa foi catholique est connue de tous". Et d’ajouter que le Frère Roger s’était lui-même opposé à toute intercommunion dans sa communauté. Malgré son évidente volonté de rassurer, Joaquin Navarro-Valls n’a pas pu dire où et quand le Frère Roger avait prononcé publiquement son abjuration du protestantisme et sa profession de foi catholique.
Très embarrassé, le porte-parole du Vatican a tenu à préciser que la réception de la sainte Communion par le Frère Roger n’était pas prévue. Elle viendrait "de circonstances inopinées " : le Prieur de Taizé se serait " trouvé malgré lui dans la file qui s’était formée pour recevoir la Communion du Cardinal Ratzinger et il lui aurait été impossible de se dégager ". Ajoutant : "Ceci est un cas inhabituel qui ne doit pas être généralisé ".
Cette confusion est aggravée par l’annonce, le 19 août, des funérailles catholiques du Frère Roger, célébrées par le cardinal Walter Kasper, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, ce mardi 23. Seront présents des évêques et des représentants de diverses confessions chrétiennes, notamment d’Europe et des Etats-Unis. Le président de la Fédération protestante de France, Jean-Arnold de Clermont, y fera une déclaration avec d’autres responsables orthodoxes, protestants, anglicans…
"Il y aura une messe célébrée par des prêtres catholiques, comme il y en a chaque dimanche à Taizé", a expliqué Frère Emile, porte-parole de la communauté. Les protestants sont toujours invités à ces offices. "Frère Roger vivait très concrètement la réconciliation des différentes confessions. Il communiait depuis longtemps", a-t-il poursuivi. "La réconciliation, selon lui, ce n’était pas le plus petit dénominateur commun, mais s’ouvrir à tous les dons des Eglises".
Dans un de ses derniers livres, Dieu ne peut qu’aimer, Frère Roger avait écrit : "J’ai trouvé (...) ma propre identité de chrétien en réconciliant en moi-même la foi de mes origines avec le mystère de la foi catholique, sans rupture de communion avec quiconque". Quasiment chaque année Frère Roger était reçu en audience privée par le pape Jean-Paul II, a rappelé Frère Alois, le successeur de Frère Roger. Il a rejeté les rumeurs selon lesquelles le fondateur de Taizé serait devenu secrètement catholique à la fin de sa vie.