Qui sont ceux qui préparent le prochain conclave ? (3)

Source: FSSPX Actualités

Au cours de l’entretien qu’il a eu avec ses confrères jésuites en Slovaquie, le 12 septembre 2021, le pape François avait dénoncé le comportement suspect de certains prélats, pendant et après son opération chirurgicale du 4 juillet. « Ils préparaient le conclave », avait-il déclaré.

Le premier article a présenté les trois tendances qui se remarquent parmi les cardinaux. Le deuxième a décrit le groupe de pression le plus influent. Ce troisième article revient sur les manœuvres qui ont préparé les deux précédents conclaves.

La « mafia de Saint-Gall »

Pour avoir une idée des tractations en cours, il est utile de se reporter au livre de Julia Meloni qui vient de paraître aux Etats-Unis, The St. Gallen Mafia [la mafia de Saint-Gall. TAN Books, 2021]. L’historien Roberto de Mattei écrit dans Correspondance européenne du 10 novembre, que « celui qui veut comprendre ce qui se cache derrière le Synode sur la synodalité, ouvert le 10 octobre par le pape François, ne peut se dispenser de lire » cet ouvrage.

L’universitaire italien rappelle : « Saint-Gall est une petite ville suisse. En 1996, elle avait pour évêque Mgr Ivo Fürer, qui avait été, jusqu’à l’année précédente, secrétaire général du Conseil des conférences épiscopales d’Europe.

« De concert avec le cardinal Carlo Maria Martini (1927-2012), Mgr Fürer décida d’inviter un groupe de prélats afin d’établir un calendrier de travail pour l’Eglise du futur. Ce groupe se réunit pendant 10 ans, de 1996 à 2006.

« Aux côtés du cardinal Martini, les personnalités-clés en étaient : Walter Kasper, évêque de Rottenburg-Stuttgart et Karl Lehmann (1936-2018), évêque de Mayence, qui devaient tous les deux recevoir la pourpre cardinalice. Deux futurs cardinaux furent ensuite cooptés : Godfried Danneels (1933-2019), archevêque de Malines-Bruxelles et Cormac Murphy-O’Connor (1932-2017), archevêque de Westminster.

« Le cardinal de curie Achille Silvestrini (1923-2019) les rejoignit en 2003. Grâce à lui, le groupe de Saint-Gall devint un groupe de pression puissant, capable de peser sur l’élection d’un pape. Quelques jours après les funérailles de Jean-Paul II, la “mafia de Saint-Gall” se retrouva à la Villa Nazareth à Rome, pour se mettre d’accord sur un plan d’action en vue du conclave qui devait s’ouvrir. »

Sur ce qui se tramait lors du conclave qui élit Benoît XVI, le 19 avril 2005, on apprend les faits suivants : « le cardinal Murphy-O’Connor était lié avec le cardinal Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, et le présenta au groupe comme un possible candidat anti-Ratzinger.

« Bergoglio recueillit le suffrage de la “mafia”, toutefois le cardinal Martini émit, sur la candidature du cardinal argentin, des doutes sérieux, nourris entre autres par des informations qui lui parvenaient de l’intérieur de la Compagnie de Jésus.

« Lorsqu’au conclave de 2005 la défaite de Bergoglio apparut certaine, ce fut peut-être avec soulagement que Martini annonça au cardinal Ratzinger qu’il mettrait ses voix à sa disposition. Le groupe de Saint-Gall tint une dernière réunion en 2006, mais Martini et Silvestrini continuèrent à exercer une forte influence sur le nouveau pontificat.

« En 2012, le cardinal Kasper parla d’un “southerly wind”, un “vent du sud”, qui soufflait dans l’Eglise et ce n’est pas un hasard si, le 17 mars 2013, peu de jours après son élection, le pape François cita Kasper comme l’un de ses auteurs préférés et lui confia la tâche d’ouvrir le Consistoire extraordinaire sur la famille en février 2014. »

Interrogée par Corrispondenza romana, le 10 novembre, Julia Meloni apporte d’intéressants éléments sur les conciliabules de Saint-Gall : « L’archevêque de Malines-Bruxelles récemment décédé, le cardinal Godfried Danneels, l’un des membres du groupe de Saint-Gall, l’a décrit comme une “mafia”.

« Dans le langage courant, le terme “mafia” est associé à une organisation criminelle. L’auto-désignation du groupe comme “mafia” est certainement un choix curieux et révélateur. Ils complotaient clairement une révolution dans l’Eglise, un programme spécifique qui a commencé avec la proposition de Kasper de donner la communion aux divorcés et aux personnes civilement remariées.

« Nous avons de nombreuses preuves que Martini et d’autres ont codifié ce programme pendant de nombreuses années. En ce qui concerne la manière dont elle a été mise en œuvre, il est clair que c’est une personne spécifique qui a réalisé le programme de la mafia : Bergoglio. Il est donc significatif que, par exemple, quelques jours après son élection, le pape François ait spécifiquement fait l’éloge du cardinal Walter Kasper (1), mettant en route le vieux plan de la mafia pour réaliser la proposition de ce dernier. »

Au sujet d’une concordance entre le plan subversif de Saint-Gall [surtout les idées ultra-progressistes du cardinal Martini] et les actes du pape François [en particulier dans Amoris lætitia], Julia Meloni affirme :

« L’historien Roberto de Mattei a soutenu de manière convaincante que l’essence d’Amoris lætitia est contenue dans le “dernier testament” de Martini, le dernier entretien qu’il a accordé [le 8 août 2012], publié [le 1er septembre] immédiatement après sa mort en 2012 [le 31 août].

« Dans ce testament, Martini parlait spécifiquement d’accorder les sacrements aux divorcés civilement remariés, préfigurant ainsi la reprise de la proposition de Kasper dans les synodes sur la famille et ensuite dans Amoris lætitia.

« Dans un entretien accordé en 2009, Martini avait indiqué que les priorités de la révolution dans l’Eglise seraient, dans cet ordre : le divorce, le célibat des prêtres et le rapport entre la hiérarchie ecclésiastique et la politique. Deux de ces questions sont résolues, ou du moins en passe de l’être – le divorce et la relation entre l’Eglise et la politique –, en s’écartant du Magistère immuable de l’Eglise.

« La récente rencontre entre le pape Bergoglio et le président Biden en est une démonstration claire. Que manquera-t-il pour que ce triple programme soit dûment achevé ? » – Voir un article à paraître : « Joe Biden et François, l’avortement et la communion ».

Et Julia Meloni de conclure : « Bien que la plupart des membres de la mafia soient morts, à l’exception notable du cardinal Kasper, leurs idées survivent dans plusieurs de leurs compagnons de route et disciples. Bien qu’actuellement, la mafia ne se réunisse plus en secret dans la coulisse, son esprit restera à la lumière du jour, d’autant plus que le pape François a nommé bon nombre des cardinaux qui choisiront son successeur. »

Note 1 : Pape François, Angélus du 17 mars 2013 : « Ces derniers jours, j’ai pu lire le livre d’un cardinal – le cardinal Kasper, un théologien de valeur, un bon théologien – sur la miséricorde. Et ce livre m’a fait beaucoup de bien, mais ne croyez pas que je fais de la publicité pour les livres de mes cardinaux ! Non ! Mais il m’a fait beaucoup de bien, beaucoup de bien… Le cardinal Kasper disait que ressentir la miséricorde, ce mot change tout. C’est ce que nous pouvons ressentir de mieux : cela change le monde. Un peu de miséricorde rend le monde moins froid et plus juste. »