Réactions contrastées après le synode

Source: FSSPX Actualités

P. Spadaro : des bases pour l’accès des divorcés-remariés aux sacrements

Dans la revue jésuite La Civiltà Cattolica, à paraître à la fin du mois, son directeur, le Père Antonio Spadaro s.j. (sur la photo), revient sur le synode, et il déclare sans détours que ce « synode a posé les bases de l’accès aux sacrements des divorcés-remariés », « ouvrant une porte restée fermée lors de la précédente assemblée ». Selon ce proche du pape : l’assemblée synodale « a été un corps vivant, capable de réfléchir de façon réelle et d’aborder des problèmes, des langages et des manières de faire face à des réalités très diverses ». 

Alors que plusieurs vaticanistes ont dénoncé le caractère volontairement ambigu du Rapport final, en particulier sur la question des divorcés « remariés », en n’évoquant à aucun moment explicitement leur accès à la confession et à la communion, le P. Spadaro affirme jésuitiquement que la « dynamique réelle d’affrontement » au cours du synode « n’est en rien de la confusion, mais de la liberté ». Et de citer François fustigeant en conclusion des travaux : « les cœurs fermés qui, souvent, se cachent jusque derrière les enseignements de l’Eglise pour s’asseoir sur la cathèdre de Moïse et juger, quelquefois avec supériorité et superficialité, les cas difficiles et les familles blessées », car pour le P. Spadaro, la clef de lecture du synode a été donnée par le pape lui-même, le 5 octobre : « C’est l’Eglise qui s’interroge sur sa fidélité au dépôt de la foi qui ne représente pas, pour elle, un musée à regarder et encore moins à sauvegarder, mais une source vivante à laquelle l’Eglise se désaltère ».

A cela, il y a 41 ans déjà, Mgr Lefebvre répondait : « Aucune autorité, même la plus élevée dans la hiérarchie, ne peut nous contraindre à abandonner ou à diminuer notre foi catholique clairement exprimée et professée par le magistère de l’Eglise depuis dix-neuf siècles. ‘S’il arrivait, dit saint Paul, que nous-même ou un Ange venu du ciel vous enseigne autre chose que ce que je vous ai enseigné, qu’il soit anathème.’ (Gal. 1, 8.) « N’est-ce pas ce que nous répète le Saint-Père aujourd’hui ? Et si une certaine contradiction se manifestait dans ses paroles et ses actes ainsi que dans les actes des dicastères, alors nous choisissons ce qui a toujours été enseigné et nous faisons la sourde oreille aux nouveautés destructrices de l’Eglise. » (Déclaration du 21 novembre 1974, citée par Mgr Fellay dans sa Déclaration à propos du Rapport final du synode du 27 octobre 2015)

Dans le quotidien français Présent du 13 novembre, répondant aux questions d’Anne Le Pape, Mgr Athanasius Schneider (sur la photo), évêque auxiliaire d'Astana au Kazakhstan, déclare : « La dernière assemblée du synode a montré au monde entier l’image d’un épiscopat profondément divisé, et cela concernant les questions doctrinales et disciplinaires, déjà tranchées par le Magistère pontifical et le Magistère ordinaire et universel, notamment : l’immoralité grave et le caractère contre nature des actes de sodomie, voire de l’homosexualité pratiquante, l’impossibilité d’admission des adultères impénitents aux sacrements, l’immoralité de toutes les formes pratiques du divorce. Depuis la crise arienne du IVe siècle, on n’a jamais entendu dire que des évêques catholiques avaient proféré insolemment et sans rougir des hérésies ou des semi-hérésies dans une assemblée officielle de l’Eglise.

Le monde a pu être le témoin de ce fait consternant pendant les sessions du synode. « En outre il était également manifeste que le contrôle des principales structures administratives du synode ("les coulisses du pouvoir") était résolument entre les mains des ecclésiastiques sympathisants des doctrines mentionnées et des pratiques semi-hérétiques. Reste donc l’impression que, de nos jours, on a la liberté et le droit dans l’Eglise de propager impunément des théories hétérodoxes et qu’à la fin on peut être récompensé pour cela. La nature du ministère magistériel des évêques consiste à garder et à administrer fidèlement le dépôt de la foi, dont ils ne sont pas propriétaires. Une des expressions les plus importantes de ce ministère consiste dans l’éclaircissement des vérités catholiques, sans en changer le sens. Dans le synode, au contraire, s’est produite une éclipse de la vérité, causant une situation générale de confusion concernant la discipline de l’Eglise en ce qui concerne les divorcés remariés. Le pape saint Grégoire Ier explique, dans la Règle pastorale, II, 7, que les évêques ont, dans la tête du corps de l’Eglise, la fonction des yeux, et dans le cas où les évêques s’adaptent à l’esprit du monde, ils remplissent les yeux de l’Eglise d’une poussière qui obscurcit sa vue.

Q : Les inquiétudes que vous avez pu formuler sur l’avenir de la famille se sont-elles révélées fondées ? Certains pères synodaux redoutaient des déclarations ambiguës. Qu’en a-t-il été ?

R : Parmi plusieurs déclarations ambiguës, je voudrais signaler celles que je considère comme les plus dangereuses, en tant qu’elles minent la base des vérités catholiques : - L’accent mis sur des qualités positives des personnes qui vivent dans un état objectif et permanent de péché, minimisant ainsi la réalité du mal et sa gravité. Il s’agit ici d’une sorte de camouflage moral et d’un trompe-l’œil spirituel. - L’application impropre et inadmissible du principe de l’imputabilité morale au cas des unions conjugales irrégulières. Cela présuppose, ou du moins favorise, la théorie de "l’option fondamentale" et la théorie de la négation de la distinction entre péché véniel et péché mortel ou grave, théories déjà condamnées par le Magistère. - Faire dépendre l’admission à la Sainte Communion, en fin de compte, de la décision des divorcés eux-mêmes, selon leur état de conscience et leur discernement au "for interne" avec l’aide du confesseur, sans l’exigence d’une vie de continence complète. Cela ouvre la porte au principe du jugement subjectif à la façon protestante, donc à une sorte de "protestantisation". - Faire dépendre l’admission à la Sainte Communion des divorcés remariés de l’orientation de l’évêque local. Cela ouvre la porte au principe du particularisme doctrinal et disciplinaire, donc à une sorte d’ "anglicanisation", qui mène à la dissolution de la vraie catholicité. » 

Mgr Schneider : vers une « protestantisation » et une « anglicanisation »

Dans Correspondance européenne du 10 novembre, le Dr Anca-Maria Cernea, médecin du Centre de diagnostic et de traitement Victor-Babes à Bucarest (Roumanie), auditrice au synode sur la famille, répondait aux questions de Marie Perrin. Elle dépeint en ces termes le climat qui régnait au synode : « L’atmosphère n’était pas paisible, loin de là, mais c’était un climat tendu. Une tension sur les débats de fond, mais aussi du fait du manque de transparence qui l’a caractérisé. Dans les premiers jours, il y a eu à plusieurs reprises des réactions sur les procédures qui n’étaient pas bien définies, notamment par rapport à la nomination des 10 rapporteurs officiels chargés d’élaborer le document final, et au doute sur le fait que ce document final serait publié ou non.

Au sein des groupes de travail, j’ai été pour ma part surprise et choquée de constater que le rapport de la première semaine ne reflétait pas fidèlement nos discussions, alors qu’il était censé les récapituler, mais exprimait plutôt un avis personnel du rapporteur. Je dirais que cette manière unilatérale de présenter les débats s’est manifestée de manière encore plus frappante dans le rapport de la troisième partie. Même si les discussions étaient difficiles, peut-être plus que dans d’autres cercles, la plupart du temps les différents arguments qu’on avançait étaient pris en compte et il y a eu beaucoup de petites victoires partielles pour ceux qui défendaient l’enseignement traditionnel de l’Eglise. « Concernant la répartition de notre étude sur les trois semaines, il faut dire que le volume de travail était énorme et que la deuxième moitié du document, la plus importante qui contenait les points les plus délicats, n’a été abordée qu’en quelques jours lors de la troisième semaine.

D’autre part, le planning très chargé des journées ne permettait pas toujours d’avoir suffisamment de recul, surtout en fin d’après-midi où il n’était pas rare que soient abordés les sujets essentiels. Je me rappelle d’une après-midi en particulier où deux cardinaux de notre groupe qui avaient été absents jusqu’alors – car ils faisaient partie du groupe des 10 chargé de rédiger le projet de relation finale – sont arrivés juste à temps pour traiter un point auquel eux, ainsi que d’autres Pères Synodaux des pays occidentaux, paraissaient attacher beaucoup d’importance : le paragraphe sur les homosexuels et, en général, la manière dont le document devait parler de l’homosexualité. C’est à ce moment-là que j’ai pu constater que toute discussion était inutile, car la plupart de ces Pères, qui dominaient le débat dans notre groupe, paraissaient avoir déjà établi leur position et n’étaient pas intéressés à prêter l’oreille à d’autres arguments. Ils paraissaient avoir déjà décidé qu’il fallait absolument mentionner les homosexuels dans le document du Synode sur la famille, et le faire de façon positive, en disant seulement que ceux-ci ne devaient pas « être discriminés ». Lorsque j’ai insisté pour qu’on rappelle aussi le contexte, le paragraphe du Catéchisme de l’Eglise Catholique qui dit que les actes homosexuels sont des péchés, ils ont fini par m’imposer le silence – même si dans les autres discussions, ils m’avaient permis et m’avaient même encouragée à m’exprimer. « Un autre point difficile était celui de la langue : les niveaux de langue étaient inégaux, et certains participants perdaient de temps à autre le fil de la discussion, ne pouvant alors intervenir comme ils l’auraient souhaité.

Ce problème est en cause également dans le dénouement du Synode, car, alors que les discussions s’étaient déroulées pendant trois semaines en groupes linguistiques, le rapport final n’a été remis aux Pères Synodaux qu’en italien, langue que ne maîtrisaient qu’un quart d’entre eux, 3 des 13 cercles mineurs. Dans un délai très court, du soir du jeudi 22 octobre jusqu’à 13h le lendemain, il leur fallait, pour pouvoir proposer d’éventuels amendements, étudier un texte complexe dans une langue inconnue de la majorité : c’est pratiquement impossible ! On peut se demander dans quelle mesure le manque de transparence et les délais si limités ne faisaient pas partie d’une stratégie prédéfinie… ». 

Lire également : Spécial Synode