Réponse de Mgr Raffin, évêque de Metz, au courrier de M. Stéphane Wailliez (DICI 42)

Source: FSSPX Actualités

Monsieur,

Votre lettre est longue, bien trop longue par rapport à l’article que vous incriminez. Vous me permettrez d’en trouver le ton insupportable d’afféterie, d’ironie grinçante et d’humilité simulée. Vous vous rendez compte, j’imagine, que le luxe d’arguments érudits, mais spécieux, que vous alignez, après avoir appelé à la rescousse les déçus de la réforme liturgique, n’est de nature à impressionner que vous-même.

Le pauvre Cardinal Ratzinger n’est coupable, à mon sens, que d’un excès de zèle dans ses mises en garde répétées. Pour vous, il devient un prétexte à donner libre cours à des rancœurs dont il est facile de deviner l’origine : le refus du Concile Vatican II. Ce dernier demeure pourtant, jusqu’à nouvel ordre, la norme de la foi et surtout de l’agir chrétien dans l’Eglise catholique, jusque dans le domaine de la liturgie. Votre attitude m’afflige bien davantage qu’elle ne m’irrite. Elle indisposerait sans doute également Mgr Ratzinger.

Je ne saurais trop vous engager à considérer que, si la liturgie s’adresse à Dieu, elle est le fait du peuple chrétien. Aussi, les citations de tous les bons auteurs que vous présentez n’empêcheront jamais, qu’outre la louange divine, elle a pour but de conduire les fidèles vers Dieu par des chemins qui leur soient intelligibles, tout au moins dans leurs grandes lignes. Elle n’a pas pour but premier de causer le ravissement des spécialistes. La liturgie comporte une dimension pastorale à laquelle vous me semblez passablement étranger. Je le regrette, et je souhaite que vous accédiez à un peu plus de lucidité sur ce point.

Comment vous approuver ? Comment accepter des critiques dont vous conviendrez qu’elles sont pour le moins injustes, et dont le caractère acerbe dépasse souvent les limites de la pure méchanceté ? Je ne puis me les expliquer.

Veuillez croire, Monsieur, à mes sentiments néanmoins respectueux.

Fr. Pierre RAFFIN, o.p.

Evêque de Metz

 

Commentaire

Cette réponse de Mgr Raffin à la lettre de M. Wailliez qui relevait les erreurs et les prises de position liturgiques contestables de l’article de l’évêque de Metz, dans L’Homme Nouveau, dans un style brillant et érudit, manifeste le mépris dans lequel il tient les attardés d’avant le Concile. Au passage, il rabaisse le cardinal Ratzinger et ses critiques de la nouvelle liturgie ; le « pauvre » Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi est coupable d’un excès de zèle. Alors que M. Wailliez exhale ses « rancœurs » qui vont au-delà « d’une pure méchanceté ». Ce qui permet de ne pas avoir à se pencher sur les arguments présentés.

Quand donc Nosseigneurs les évêques accepteront-ils de nous considérer autrement que des attardés déçus et méchants de surcroît ? Seront-ils capables d’ouvrir un jour un vrai débat ? Nous le leur souhaitons, sans trop y croire pour le moment. Mais Mgr Raffin voudra bien admettre avec nous que, contrairement à ce qu’il affirme, le nombre des « déçus » de la réforme liturgique, depuis les « traditionalistes » en passant par les conservateurs et en rassemblant tout le bon peuple qui a préféré déserter les « chemins intelligibles », n’est pas petit.

Ils ont été remplacés par ceux qui, à l’invitation des experts ayant « fabriqué » le nouveau rite, se sont senti pousser un sacerdoce qui leur avait été refusé pendant si longtemps. Comment ne seraient-ils pas tous prêtres d’un banquet dont ils sont tous convives et auquel il s’agit seulement de donner un président ? Mais de sacrifice, et donc de sacrificateur, et donc de véritable prêtre, médiateur entre Dieu et les hommes, il n’est plus question.

De plus, il faudrait croire que l’aspect pastoral, absent de la messe tridentine, aurait été découvert et mis en valeur dans le Novus Ordo. Mais de quoi s’agit-il en fait ? Cette messe vénérable, avant de faire le ravissement des spécialistes, faisait celui des fidèles. Et si la pratique religieuse a été divisée par dix en vingt ans, c’est bien parce que la nouvelle messe ne fait pas le contentement des fidèles, mais uniquement des spécialistes, les seuls à avoir reçu l’assurance divine du bien-fondé de la réforme liturgique.

Et faut-il ajouter, cette réforme qui a voulu promouvoir la participatio actuosa des laïcs n’a pas eu de plus grand échec que la disparition des pratiquants à qui on avait enlevé le mystère de Dieu. Que Mgr Raffin plonge dans ses souvenirs, et il trouvera sans difficulté le pourquoi de sa piété de jeune et d’adolescent dans la participation à la messe de son enfance.

Quant à l’origine de notre protestation : d’une part, nous contestons qu’un concile « pastoral » qui a repoussé l’infaillibilité comme mode d’expression puisse se déclarer normatif, et, d’autre part, nous rejetons la réforme liturgique qui n’est qu’une destruction ayant accumulé ruine sur ruine.

Enfin il nous semblerait plus opportun qu’un évêque s’afflige de la désertion de ses églises, de l’indifférence générale et de la perte des âmes dans son diocèse, plutôt que de reprendre celui qui crie au loup. Mais il est vrai que le loup lui-même se défie de celui qui le dénonce.