Royaume-Uni : Tensions autour de la visite de Benoît XVI

Vingt-huit ans après Jean-Paul II, le Vatican a officiellement annoncé la venue du souverain pontife en Grande-Bretagne du 16 au 19 septembre 2010. Cette première visite de Benoît XVI en terre anglicane, ne sera que la seconde d’un pape depuis la Réforme au XVIe siècle.
Dans ce pays à forte tradition anti-papiste, l’annonce de ce séjour a ravivé les tensions suscitées par le discours du Saint-Père aux évêques britanniques en visite Ad limina, au début du moins de février 2010 (voir DICI n°211). Benoît XVI avait alors exhorté les prélats britanniques à manifester leur opposition au projet de loi, en cours de discussion, visant à protéger les homosexuels des « discriminations » dont ils feraient l’objet. Ses critiques contre un projet du gouvernement de Gordon Brown avaient provoqué de violentes réactions, certains l'accusant d'ingérence dans la politique britannique à quelques mois des élections législatives.
Ce déplacement intervient également moins d’un an après l´annonce par l´Eglise catholique de sa décision d´accueillir des dissidents de la Communion anglicane en pleine crise (voir DICI n°205). Le climat du dialogue entre les « interlocuteurs œcuméniques », selon les mots du cardinal Walter Kasper, en avait été troublé, même si depuis Benoît XVI a rencontré le primat anglican, Rowan Williams (voir DICI n°206).
Une plainte contre le pape ?
Depuis les premières rumeurs d’un séjour du pape en Angleterre, de nombreuses voix ont tenté, au sein de la société civile britannique, de saisir l’opinion publique contre cette visite. Deux partisans de l´athéisme militants, le scientifique Richard Dawkins et l'auteur anglo-américain Christopher Hitchens, ont ainsi demandé que le Saint-Père soit arrêté lors de son entrée sur le territoire britannique, pour « crimes contre l´humanité », après les bruits, non avérés, selon lesquels il aurait couvert les agissements de prêtres pédophiles. Même si cela ressemble fort à un coup de publicité, les deux militants ont malgré tout demandé à des avocats spécialisés dans les droits de la personne d'examiner quels instruments juridiques pourraient être utilisés contre Benoît XVI. Dans The Guardian, cité par l’Agence France Presse, l'avocat de Richard Dawkins, Mark Stephens, a indiqué qu'ils avaient trois options : saisir la justice britannique, la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye ou bien déposer une plainte au civil. Toujours selon l’AFP, un juge britannique peut effectivement délivrer un mandat d'arrêt contre une personnalité étrangère en visite au Royaume-Uni, à la demande d'un plaignant, s'il estime qu'elle a pu participer à des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité. On se rappelle qu’en 1998, l’ancien président chilien, Augusto Pinochet, avait été arrêté au Royaume-Uni suite à un mandat d'arrêt espagnol. Et en décembre dernier, l'ex-ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, avait annulé in extremis un voyage à Londres après le lancement d'un mandat d'arrêt suite à une plainte d'associations pro-palestiniennes. Après cet incident, Londres avait promis de réfléchir « de façon urgente » à une réforme de sa législation.
Une campagne d’affiches et une pétition contre le pape
S’il est probable que le pape ne sera pas importuné par la justice britannique, son regard croisera peut-être l’une des 10 affiches lui demandant d’ordonner des femmes. Un mouvement féministe a en effet annoncé une campagne publicitaire à Londres durant la visite du Saint-Père. Le slogan « Pope Benedict Ordain Women Now » (« Pape Benoît, ordonne maintenant des femmes ») sera affiché dès le 30 août et durant un mois sur 10 bus de la capitale. Selon l´hebdomadaire The Tablet du 23 juillet, le coût de cette campagne, d´un montant d’environ 10.000 euros, sera assumé par le groupement « Catholic Women´s Ordination ».
Même si l’hebdomadaire britannique ne le précise pas, il est bien possible que cette association ait signé la pétition en ligne visant à dénoncer le séjour du souverain pontife sur les terres d’Henri VIII. Alors que 12.300 signatures avaient été récoltées, le gouvernement britannique a été contraint de la retirer du site Internet qui la diffusait. Parrainée par la coalition laïque « Protester contre le Pape » (Protest the Pope) et lancé par un militant homosexuel, l’ « appel citoyen » exhortait le Premier ministre, David Cameron, à désolidariser son gouvernement des « points de vue intolérants du pape » et à ne pas soutenir financièrement cette visite officielle.
Ce financement du séjour officiel du souverain pontife a également soulevé de nombreuses polémiques. A tel point que, selon les médias britanniques, pour assister à la cérémonie de béatification du cardinal Newman le 19 septembre à Birmingham, les prêtres et les fidèles devront débourser plus de 20 euros. La veille au soir, à Hyde Park, une taxe de participation d’environ 10 euros sera également exigée à l’entrée…
Si le Royaume-Uni compte plus de 70 % de chrétiens, ils sont officiellement en grande majorité anglicans. Mais, selon certains observateurs, la tendance serait en train de s’inverser. Sous l’effet conjugué de la perte de la pratique religieuse chez les anglicans et des flux migratoires en provenance de pays catholiques, le nombre de pratiquants catholiques tendrait aujourd´hui à être plus élevé que celui des anglicans participant aux offices. Une tendance que la visite de Benoît XVI pourrait confirmer. (Sources : apic/imedia/afp - DICI n°220 du 06/08/10)