Russie : L’Orthodoxie passe à l’attaque (2002)
Mgr Jerzy Mazur, expulsé de Russie, avril 2002
Le 11 février 2002, le Saint-Siège a rendu publique la nouvelle organisation de l'Église catholique sur le territoire de la Fédération de Russie (Cf. DocumentationCatholique 2002, n. 2266). Les quatre « administrations apostoliques » (créées en 1991 et en 1999), structures par définition exceptionnelles et provisoires, sont devenus des diocèses catholiques à part entière.
La création des quatre diocèses, en février dernier, a fait ressortir les ressentiments de l’Orthodoxie vis-à-vis de l’Eglise catholique. Des expulsion s'en suivirent :
Le 5 avril, le P. Stefano Caprio, missionnaire italien, voyait son visa à entrées multiples annulé sans explications. Partant de Moscou pour Milan, il était donc expulsé du pays, sans que les protestations de l’ambassade italienne auprès de la Fédération russe n’aient pu y faire grand chose.
Samedi 20 avril, ce fut au tour de Mgr Jerzy Mazur, évêque originaire de Pologne, en charge du nouveau diocèse Saint-Joseph d´Irkoutsk en Sibérie orientale, de se voir refuser l’entrée en Russie au retour d’un séjour d’une semaine dans son pays natal. Ni l’ambassade de Pologne, ni la Secrétairerie d’Etat ne purent débloquer la situation, se heurtant à un mur de silence et de mauvaise volonté. Selon les avis des diplomates, cela équivaut de fait à une expulsion du pays.
Ce diocèse Saint-Joseph d´Irkoutsk, récemment créé, est, avec ses dix millions de kilomètres carrés, géographiquement le plus grand du monde (5 fuseaux horaires, 15 millions d’habitants dont 50.000 catholiques).
L’expulsion de l’évêque Mgr Mazur semble ruiner définitivement le rêve du pape Jean-Paul II de pouvoir se rendre en Russie, alors que le patriarche de l’Eglise orthodoxe russe, Alexis II, ne veut manifestement pas de ce voyage.
Pour Mgr Kondrusiewicz, président de la Conférence des évêques de Russie, « les événements survenus dans les derniers mois montrent l’existence d’une campagne organisée contre l’Eglise catholique en Russie ». « Ces actions des représentants de l’Etat sont dirigées contre les citoyens russes de foi catholique qui restent sans pasteur et maintenant sans évêque », a poursuivi Mgr Kondrusiewicz avant de se demander « qui sera le prochain ? Combien de temps durera tout cela ? Sont-ils revenus les temps de la persécution de la foi? » Il se demande enfin si les citoyens catholiques doivent être considérés « comme des citoyens de seconde zone ».
Commentaire
Il semblerait que le Vatican ait eu une trop grande confiance dans le processus œcuménique, se prenant ainsi à son propre piège et oubliant l’existence des vieilles animosités et rancunes de l’orthodoxie russe vis-à-vis de Rome. Malgré toutes les protestations de non-prosélytisme de la part du Saint-Siège, l’Orthodoxie reste non seulement méfiante, mais fait pression sur le gouvernement et certains députés russes afin de bloquer les visas des ministres catholiques étrangers. Or, ceux-ci sont proportionnellement nombreux, puisque le communisme ayant éliminé et empêché l’existence des séminaires catholiques, il n’y a actuellement quasiment plus de prêtres russes pour s’occuper des 500.000 catholiques que compte la Russie, un pays dont les 145 millions d’habitants sont presque tous orthodoxes.
La création des quatre diocèses était certes bienvenue. Encore faudra-t-il maintenant en porter les conséquences et ne pas faiblir face aux attaques de l’orthodoxie. Après le communisme, celle-ci est le nouvel ennemi de l’Eglise. Espérons que le Vatican ne se réfugie pas dans un œcuménisme — une nouvelle Ostpolitik — aussi ruineux religieusement que celle-ci le fut politiquement.
A ce sujet, il n’est pas charitable de présumer le mal ; en revanche, les faits sont têtus. Ils nous disent — et nous le rappelions dans DICI 47 — que l’association du Père Werenfried Van Straaten, Aide à l’Eglise en détresse, qui autrefois a fait tant de bien aux catholiques persécutés par le communisme, a donné près de 17 millions de dollars aux œuvres orthodoxes, entre autre pour la formation du clergé.
« La Russie se convertira » a dit la Vierge à Fatima, « si l’on écoute mes demandes », ce qui impliquait la consécration de la Russie à son Cœur immaculé. On se souvient de la récente publication du troisième secret et des bases fragiles sur lesquelles le Saint-Siège s’est appuyé pour affirmer que cette consécration avait été réalisée. L’affaire qui nous occupe est la preuve par les faits que la Russie est loin d’être convertie.
A quand la consécration de la Russie en bonne et due forme ?