Suisse et Allemagne : Les réponses au questionnaire sur la famille

Source: FSSPX Actualités

En Suisse, les résultats officiels de la consultation sur la pastorale de l'Eglise Catholique sur le mariage, la famille et la vie en couple, ont été présentés le 4 février 2014, à Berne, par la Conférence des Évêques Suisses (CES). Cette consultation a été voulue par le pape François en préparation au synode extraordinaire sur la famille qui aura lieu à Rome, du 5 au 19 octobre 2014. (Voir DICI n°284 du 08/11/13 et DICI n°289 du 31/01/14) 

Les résultats de cette consultation — qui de facto fait figure de sondage auprès des fidèles — permettent d’apprendre que, sur près de 25.000 réponses reçues, 90% des catholiques suisses voudraient que l'Eglise reconnaisse et bénisse les couples de divorcés remariés, et qu'environ 60% sont en faveur de la reconnaissance et de la bénédiction par l’Eglise des couples homosexuels. Arnd Bünker, directeur de l'Institut suisse de sociologie pastorale (SPI), qui a récolté et évalué les réponses, a également fait remarquer qu'il existait un « désaccord dramatique et connu de longue date » entre la doctrine de l'Eglise et les fidèles sur les questions de contraception : l’interdiction des méthodes artificielles de contraception est bien éloignée de la pratique et des idées de la grande majorité.

A cela, loin de rappeler la doctrine et la morale catholiques, Mgr Markus Büchel, évêque de Saint-Gall et président de la CES, a déclaré que la hiérarchie de l'Eglise ne pouvait plus continuer à délivrer son message d'une façon « qui n'atteint plus l'homme ». Tout en disant que l'enseignement de l'Eglise ne devait pas se soumettre à « une opinion majoritaire à bon marché », le prélat suisse a considéré qu’il s’agissait de renouveler cet enseignement à l'aune de valeurs et d'idéaux qui correspondent à la vie réelle des personnes. — Ce qui signifie en clair : adapter l’enseignement moral de l’Eglise aux « valeurs » qui sont acceptées aujourd’hui ; ce que l’agence Apic résume en cette formule : « Pour une doctrine qui corresponde à la réalité des gens ». La doctrine révélée ne transforme plus la réalité pécheresse, elle doit être ravalée au niveau de cette réalité.

En Allemagne, le comité permanent de la Conférence Épiscopale (DBK) a présenté à la presse les résultats de cette consultation-sondage, le 3 février dernier, à Bonn. Les évêques relevaient qu'il existe parmi les catholiques allemands une « impression générale que l’Eglise a un comportement impitoyable à l’égard des divorcés remariés ». Ils demandent en conséquence une « pastorale de respect de la décision de conscience de l'individu » et une approche miséricordieuse face à l'échec, « qui permette également la réadmission aux sacrements ».

Les catholiques estiment que la morale sexuelle prônée par l'Eglise catholique est « éloignée de la vie réelle », tant des croyants que des non croyants. Les évêques reconnaissent que les affirmations de l'Eglise, que ce soit sur les rapports sexuels avant le mariage, l’homosexualité, les divorcés remariés ou la contraception, ne rencontrent que très peu d’adhésion auprès des fidèles, « quand elles ne sont pas rejetées en bloc ».

Les évêques constatent, en ce qui concerne la contraception, une « grande différence » entre la doctrine officielle et ce qu'en pensent les fidèles. L'encyclique Humanae vitae (1968) est rejetée par la grande majorité des catholiques. Ils la qualifient d' « incompréhensible » et n'en tiennent pas compte dans la pratique. Mais sur l'avortement, les catholiques, dans leur majorité, partagent l’enseignement de l'Eglise.

A propos du statut juridique des homosexuels, une majorité des sondés considèrent comme une « nécessité de justice » de reconnaître juridiquement ces communautés de vie et de respecter les homosexuels. En revanche, une ouverture de l'institution juridique du mariage aux unions de même sexe est « largement rejetée » par une majorité de catholiques.

Les réponses en provenance des 27 diocèses allemands et d'une vingtaine d’associations et institutions catholiques, font apparaître – comme en Suisse – la nécessité de trouver de nouvelles voies pour transmettre la morale de l'Eglise catholique. Et pour être certains que ces réponses et les solutions qu’elles suggèrent aient une diffusion internationale, les évêques allemands en publient la synthèse sur le site internet de la Conférence épiscopale d’Allemagne, en anglais et en italien. – Le Rhin se jette toujours dans le Tibre.

En Autriche, les évêques ont reçu plus de 34.000 réponses au questionnaire, et les résultats sont pour la plupart sur la même ligne qu'en Allemagne ou en Suisse. Un fort pourcentage signale que l'Eglise ne prend pas assez au sérieux la réalité de l'échec dans le mariage et la famille. C’est pourquoi la grande majorité des catholiques demandent que les divorcés remariés aient de nouveau accès à la confession et à la communion. Cette majorité rejette également la position de l'Eglise sur les moyens de contraception artificiels.

Au Vatican, l’éditorialiste de L’Osservatore Romano, Lucetta Scaraffia, se félicite dans l’édition du 4 février, de cette consultation mondiale sur la pastorale familiale. Elle note la « remarquable vitalité » (sic) de l’Eglise à travers les réponses qui parviennent au Vatican. Elle estime que « l’opposition entre hiérarchie et fidèles » a laissé la place à « une volonté passionnée de mieux comprendre, de se faire une idée et de la confronter pacifiquement ». Selon elle, les catholiques « veulent se sentir partie prenante d’une institution prête à comprendre, accueillir, pardonner, plutôt qu’à juger, élever des barrières et marquer des frontières entre ce que l’on doit faire et ce qu’ensuite, chaque jour, nous vivons ». – Cet irénisme dialoguant est-il le fait d’une intellectuelle inconsciente, d’une « idiote utile » ? Mais utile à qui ?

Lucetta Scaraffia évoque le cas particulier de la France et des « lourdes initiatives sur le plan législatif qui touchent au statut de la famille et de la filiation ». Elle estime que « l’opposition entre les deux parties en conflit » a laissé la place à « une discussion libre ». « Plus elle sera libérée de l’hypothèque de la politique, écrit-elle, plus la discussion se fera libre et intéressante, et attirera d’autres personnes qui s’étaient écartées, inquiètes de la tournure qu’était en train de prendre le débat ». – Cette journaliste de L’Osservatore Romano appelle de ses vœux une « discussion libre et intéressante » autour du mariage homosexuel, de la procréation médicalement assistée et de la gestation pour autrui... Les manifestants français qui depuis plusieurs mois se battent pour sauver la famille, apprécieront !

Commentaire :

Nous avons déjà relevé comment ce genre de « sondage d’opinion contribuera à diluer un peu plus le dogme dans une pastorale qui relève plus de la sociologie que de la théologie ». (cf. DICI n°284 du 08/11/13)

Il faut également indiquer que les résultats de ces consultations sont fortement sujets à caution. Que représentent en effet 25.000 questionnaires par rapport à quelque 3 millions de catholiques suisses ? Ce questionnaire sur la famille, ouvert à tous, ne fait l’objet d’aucune méthode statistique, et l’on peut se demander si les groupes progressistes ne se sont pas saisis de l’occasion pour faire entendre leur voix.

Saint Pie X avait dénoncé le recours aux méthodes démocratiques comme constitutif du système moderniste. Il écrivait dans Pascendi Dominici gregis, en 1907 : « Nous sommes à une époque (disent les modernistes) où le sentiment de la liberté est en plein épanouissement dans l'ordre civil, la conscience publique a créé le régime populaire. Or il n'y a pas deux consciences dans l'homme, non plus que deux vies. Si l'autorité ecclésiastique ne veut pas, au plus intime des consciences, provoquer et fomenter un conflit, à elle de se plier aux formes démocratiques. Au surplus, à ne le point faire, c'est la ruine. Car il y aurait folie à s'imaginer que le sentiment de la liberté, au point où il en est, puisse reculer. Enchaîné de force et contraint, terrible serait son explosion ; elle emporterait tout, Eglise et religion. — Telles sont, en cette matière, les idées des modernistes, dont c'est, par suite, le grand souci de chercher une voie de conciliation entre l'autorité de l'Eglise et la liberté des croyants. » (n° 25)