Suisse : La construction de minarets désormais interdite constitutionnellement

Source: FSSPX Actualités

Le dimanche 29 novembre, par une majorité de 57, 5 % des votants, le peuple suisse a accepté d´introduire dans la Constitution fédérale un article interdisant la construction de minarets sur le territoire du pays. La majorité des cantons alémaniques a dit ‘oui’ à ce referendum contre la construction de minarets, à l´exception de Bâle-Ville (51,6% de non). En Suisse Romande, les cantons de Genève (avec la plus forte proportion : 59,7% de non), Vaud (53,1%) et Neuchâtel (50,8%) l´ont rejeté. Fribourg, le Jura et le Valais l´ont accepté.
Pourtant, le 18 novembre, un sondage effectué par SSR SRG-idée suisse prévoyait que l’initiative populaire contre les minarets serait rejetée par 53% des citoyens helvétiques, - le camp des partisans du ‘oui’ n’étant que de 37% , et 10% des sondés se déclarant toujours indécis.
Le 14 novembre, les représentants de l’Eglise catholique, des Réformés et de la Communauté israélite du canton de Fribourg s’étaient prononcés contre cette initiative populaire émanant des rangs de l’UDC (Union démocratique du Centre) et de l´UDF (Union démocratique fédérale) regroupés au sein du "Comité d´Egerkingen". Dans un communiqué commun signé par l´abbé Marc Donzé, vicaire épiscopal, le pasteur Daniel de Roche, président du Conseil synodal de l’Eglise Evangélique-réformée du canton de Fribourg, et Claude Nordmann, président de la Communauté israélite du canton de Fribourg, on pouvait lire : « Tout être humain est une créature de Dieu : cette conviction est commune au christianisme, au judaïsme et à l´islam. La dignité nous commande de faire preuve de respect et de tolérance vis-à-vis des convictions d´autrui. Cette exigence, qui fait partie de nos devoirs en tant qu´êtres humains, est le fondement de la paix religieuse ».

Pour ces représentants religieux, le droit de construire des mosquées et des minarets en Suisse ne pouvait être subordonné à la question de l´égalité de traitement des chrétiens et des juifs avec les musulmans dans les pays islamiques : « Nous trahirions là nos principes et nos valeurs. L´injustice doit être dénoncée, qu´elle se produise chez nous ou dans d´autres pays et sociétés. Mais on ne peut pas y répondre par une nouvelle injustice ».

Le 18 novembre, le district de Suisse de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X a soutenu l´initiative interdisant la construction des minarets, dénonçant la « confusion entretenue par certains acteurs de l´autorité de l’Eglise depuis le Concile Vatican II entre le fait de tolérer toute personne, quelle que soit sa religion, et celui de tolérer une idéologie incompatible avec la tradition chrétienne ».
« La doctrine islamique n´est pas admissible pour celui qui la connaît. Comment d´ailleurs pourrait-on encourager la propagation d´un système de pensée incitant les maris à frapper leurs épouses, les ´fidèles´ à massacrer les ´infidèles´, la justice à pratiquer châtiments et mutilations corporels et l´ensemble des musulmans à repousser juifs et chrétiens ? », déclarait le communiqué signé par l´abbé Henri Wuilloud, supérieur du district de Suisse.
« La position de la Conférence des évêques suisses, figée dans la plus droite ligne de ces textes du Concile Vatican II, contrevient à la doctrine traditionnelle et à la mission apostolique de l’Eglise catholique au point d´en arriver (...) à mettre sur pied d´égalité la parole de Celui qui nous demande d´aimer nos ennemis et celle de celui qui nous commande de les mettre à mort », affirmait-il. Et d’ajouter : « Etant donné que les voix autorisées de l´islam s´entendent pour admettre que le minaret n´est pas un élément indispensable de la pratique du culte musulman, l´argument des initiants, selon lequel l´érection de minarets ne saurait être couverte par la garantie de la liberté religieuse inscrite aux articles 15 de la Constitution fédérale et 9 de la Convention européenne des droits de l´homme, paraît parfaitement fondé ». « En conséquence de quoi le district de Suisse de la FSSPX invite toute personne de bonne volonté à ne pas cautionner la propagation de la doctrine islamique et à voter oui à l´initiative contre la construction de minarets », concluait le communiqué.

Le 29 novembre, une fois connus les résultats de la votation, la Conférence des évêques suisses (CES) a publié un communiqué qui affirme : « Pour les évêques, la décision du peuple représente un obstacle et un grand défi sur le chemin de l´intégration dans le dialogue et le respect mutuel ». « On n´est manifestement pas parvenu à montrer au peuple que l´interdiction de la construction de minarets ne contribue pas à une saine cohabitation des religions et des cultures, mais au contraire la détériore. (…) Les difficultés de coexistence entre les religions et les cultures ne se limitent pas à la Suisse. Les pasteurs de l’Eglise catholique ont rappelé avant le vote que l´interdiction de la construction de minarets ne servira pas les chrétiens opprimés et persécutés dans des pays islamiques mais qu´elle détériore la crédibilité de leur engagement dans ces pays. Les évêques suisses encouragent toutes les personnes de bonne volonté à s´engager encore plus aujourd´hui pour ces chrétiens et à se tenir à leur côté. »

La Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) a fait savoir : « La FEPS considère la décision prise aujourd´hui en votation comme une atteinte aux libertés fondamentales. Il est inadmissible que des minorités religieuses doivent maintenant s´attendre à une inégalité de traitement ». « La validité universelle des droits humains, et en particulier le droit de pratiquer librement sa foi, sont des acquis auxquels on ne saurait renoncer ».

« C´est consternant ! », a réagi Daniel Bolomey, secrétaire général de la Section suisse d´Amnesty International. « Tant le Conseil fédéral que le Parlement ont pris un risque immense en refusant d´invalider cette initiative. Aujourd´hui, ils vont devoir gérer les conséquences de cette décision incompatible avec les conventions signées par notre pays. »

Les Verts vont étudier la possibilité de saisir la Cour européenne des droits de l'Homme, a déclaré Ueli Leuenberger, leur président national. « Les musulmans de Suisse n'ont pas reçu une claque, mais un coup de poing en pleine figure », a ajouté le président des Verts, consterné par la décision du peuple suisse. (Sources : AFP/Apic/FSSPX)