Suisse : "La société civile après Vatican II – Feu la chrétienté? "

Source: FSSPX Actualités

 

Du 15 au 17 septembre, l’Université de Fribourg organisait un colloque international sur le thème "La société civile après Vatican II – Feu la chrétienté?" auquel prirent part 15 spécialistes du catholicisme. Claude Prudhomme, historien lyonnais, y montra la fin d’un modèle missionnaire catholique élaboré au 17e siècle en citant les textes romains et les revues missionnaires. "Je suis convaincu qu’on a assisté pendant la période de 1965 à 2000 à la fin du modèle missionnaire élaboré aux 17e et 18e siècles, à la fin de l’expansion de l’Eglise catholique dans le monde". Depuis les années du Concile Vatican II, "le catholicisme découvre la réalité des chiffres". "Les catholiques prennent conscience (et avec eux les protestants) que la grande utopie de voir un jour le monde chrétien est terminée. Les statistiques missionnaires ne vont plus en croissant et la courbe s’est au contraire inversée. La Congrégation pour l’évangélisation des peuples n’y fait même plus allusion".

 "Le lyrisme missionnaire qui a encore marqué les années 65 à 69, quand l’encyclique Ecclesiam Suam de Paul VI (1964) inaugure des expressions comme l’Eglise se fait conversation, ou l’Eglise doit entrer en dialogue, s’effondre au milieu des années 70". Une première "crise" gagne l’esprit des missions. "Tout en restant missionnaire, l’Eglise se met à faire du développement". La deuxième "crise", issue de mai 68 remet en question la légitimité des missions : "On va vers un christianisme socialisant, qui défend les idées du tiers monde".

 Les textes de Vatican II, Gaudium et Spes, Nostra Ætate, à travers les encycliques de Paul VI Ecclesiam Suam et Ad Gentes, font référence à "l’Eglise peuple de Dieu". "On passe alors d’une conception institutionnelle à une approche plus communautaire, qui débouchera plus tard sur le concept d’Eglise locale". "La mission est devenue la responsabilité collective de tous les croyants et non plus l’affaire de spécialistes". "Il n’y a plus de théologie officielle de la mission". "Il y a des éléments de vérité et de sainteté dans les autres religions", ce qui débouche "sur les relations œcuméniques et sur la fondation du Secrétariat pour les non chrétiens".

 Claude Prudhomme montre que la mission évangélique se mue "en dialogue", où la prédication n’a de sens que si elle est fondée sur l’expérience personnelle. "On est bien dans un changement culturel". Il ne s’agit plus d’un "dépôt de la foi, que l’on transmet, mais c’est l’expérience qu’on a faite de la foi qui compte". Ce qui amène des divisions douloureuses parmi les théologiens : "Si tout le monde est missionnaire, à quoi cela sert-il d’en former quelques-uns?", et "Où est l’urgence de la mission catholique, si chacun peut se sauver dans sa propre religion?"

 L’Eglise de Jean-Paul II qui entend tenir sa place met le "dialogue" au premier plan. Ce désir de "négociation" de l’Eglise catholique l’a amenée là où elle ne voulait pas aller. "Désormais, s’il y a une annonce de la foi, elle est à prendre au sens de proposition et non pas comme une vérité à laquelle adhérer impérativement". "La mission devient alors indissociable de la solidarité". "La mission au sens religieux s’efface".

L’historien note ainsi "une protestantisation du catholicisme". "Tout un discours, depuis les années 70, affirme que la mission naît de la rencontre avec Jésus. Les protestants se reconnaissent bien là-dedans."

 Lors de la table ronde du 17 septembre, Jean Boissonnat, ancien rédacteur en chef du magazine économique L’Expansion et ancien président des Semaines sociales de France, a mis en évidence la laïcisation de la société à travers le recul de la présence catholique dans le monde hospitalier et éducatif. Le Père jésuite Jean-Yves Calvez a présenté l’enseignement social chrétien issu du décalage entre l’Eglise et la société. L’abbé Patrick de Laubier, ancien professeur de sociologie à l’Université de Genève, a défini la chrétienté une "réalité absolument nécessaire liée à l’Incarnation" et non une "nostalgie médiévale",  il a soutenu que l’Eglise ne doit pas proposer un programme économique ou politique chrétien mais bien plutôt des "exigences chrétiennes en économie", selon la pensée du cardinal Journet.