Suisse : Rencontre interreligieuse organisée par les catholiques
>Des centaines de croyants, toutes confessions confondues, se sont ainsi retrouvés autour de Mgr Bernard Genoud, Mgr Pierre Farine et Mgr Silvano Tomasi, nonce apostolique, observateur permanent du Saint-Siège auprès de lONU. Tous étaient réunis pour prier et réfléchir au thème proposé par le pape Jean-Paul II à loccasion de cette journée: "Un engagement toujours actuel: éduquer à la paix".
Ce thème ne pouvait faire que lunanimité, comme lont bien montré les messages des divers intervenants. "Seuls lesprit de justice, la réconciliation et lamour pour nos frères et surs peuvent nous conduire à la paix de Dieu dans le monde", a ainsi souligné le métropolite Jérémie, du diocèse orthodoxe de Suisse du Patriarcat cuménique.
Il est faux de penser que celui qui veut la paix doit préparer la guerre: un survol des événements internationaux des dernières décennies suffit à le démontrer, a remarqué pour sa part le Vénérable Dhammika, représentant de la Communauté bouddhiste. "La haine ne sapaise jamais par la haine en ce monde, mais par lamour uniquement, qui est une loi éternelle". Et dinviter chacun à "combattre la colère et cultiver la bienveillance et la chaleur du cur, car cest par la transformation de son propre cur que passe la transformation dautrui".
Lêtre humain vient au monde naturellement bon, a relevé de son côté Hafid Ouardiri, le très rousseauiste porte-parole de la Mosquée de Genève. Cest léducation quil recevra, et lexemple du comportement de ses aînés, qui détermineront sa croissance ou son égarement. La famille joue en cela un rôle majeur : celui de donner à lenfant tout lamour et laffection dont il a besoin. Hafid Ouardiri a rappelé également limportance déduquer les jeunes aux valeurs porteuses de paix: la noblesse de cur, la droiture, limpartialité envers autrui et soi-même, la modestie, le contentement de ce quon a, la douceur, laspiration à ce qui est élevé, la patience, le désintéressement, la reconnaissance. Des valeurs quil nous faut concrétiser par des actes, puisque "Dieu naméliore le sort dune société que dans la mesure où les individus qui la composent contribuent eux-mêmes à cette amélioration".
Evoquant la figure biblique de Noé, "qui accepta dêtre sauvé seul de la mort avec sa famille" au lieu de partager le sort commun à lexemple de Moïse, Izhak Dayan, grand rabbin de la Communauté israélite de Genève, a parlé en faveur de la solidarité et de louverture: "Ne nous enfermons pas dans notre "Arche" - synagogues, monastères, églises, mosquées, temples ou tout autre lieu saint de prière - en laissant les autres à leur destin". Face à la recrudescence de lantisémitisme en Europe, Dayan a rappelé que selon la Bible, lêtre humain a été créé à limage de Dieu, indépendamment de son origine, de sa religion, de son sexe et de la couleur de sa peau; en portant atteinte à la dignité humaine, cest donc à Dieu quon porte atteinte.
La paix repose sur les quatre piliers de la vérité, de la justice, de lamour et de la liberté, a noté Mgr Bernard Genoud, avant de donner une analyse philosophique de la liberté chrétienne, qui na rien à voir avec "le droit inaliénable de décider en toute autonomie de ce quon fait ou pas", mais sexpérimente comme une vocation à saisir le Vrai et à chercher le Bien. La paix ne peut donc sinstaller que grâce à "un consensus de base sur les grands principes de la morale et sur un code de valeurs essentielles", pour la promotion desquels il faut mobiliser tout notre système éducatif, de la maternelle à luniversité. Ces valeurs sappellent "le sens civique, le respect de la vérité, la solidarité, la fidélité à la parole donnée, la justice, le respect de lhomme dans sa valeur unique, le sens du service, la résistance à lesprit de consommation et aux sirènes de la facilité". Rappelant, à la suite du pape, que dans létablissement dune paix durable, "la justice doit trouver son complément dans la charité", Mgr Genoud a conclu son exposé en célébrant lamour, qui est "la forme la plus haute et la plus noble de la relation des êtres humains entre eux". Le Christ semblait bien absent. Dialogue interreligieux oblige !
Isabelle Graessle, modératrice de la Compagnie des pasteurs genevois, a été la seule à sortir du discours théorique pour apporter un exemple concret. La paix est-elle imaginable et possible? Question essentielle à laquelle on est tenté de répondre dun point de vue uniquement idéaliste, en disant que la paix nexiste que comme promesse, a-t-elle remarqué tout dabord, avant dévoquer "un moment de lhistoire où lon est sorti du plan idéal pour entrer dans la réalité". A savoir un épisode peu connu de lhistoire genevoise, datant de 1603, qui illustre le rôle pacificateur joué par les responsables religieux de lépoque. Sollicités par les autorités genevoises qui hésitaient à entrer en négociation avec les Savoyards, les pasteurs genevois se prononcèrent résolument en faveur de la paix. - "Un exemple à suivre, plus que jamais!", selon lAgence Apic présente à cette soirée interreligieuse, très instructive.