Synode sur la synodalité : le point d’orgue de François

Mais il faut prendre garde qu’il ne s’agit pas d’un point final, mais bien d’un point d’orgue. Ce dernier signifie la prolongation d’une note pour une durée indéterminée : et c’est bien ce dont il s’agit, puisque le Pape affirme que « la conclusion de la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques ne met pas fin au processus synodal ».

Une approbation du Pape

L’institution du synode des évêques par Paul VI le 15 septembre 1965 par le motu proprio Apostolica sollicitudo prévoyait à l’art. II que « de par sa nature même, le Synode des Evêques a pour mission d'informer et de conseiller. Il pourra également avoir pouvoir délibératif lorsque ce pouvoir lui sera donné par le Souverain Pontife, auquel il reviendra, dans ce cas, de ratifier la décision du Synode. »

Mais la nouvelle constitution Episcopalis communio de François, du 15 septembre 2018, prévoit à l’Art. 18 § 1 que « l’approbation des Membres étant reçue, le Document final de l’Assemblée est offert au Pontife Romain qui décide de sa publication. S’il est approuvé expressément par le Pontife Romain, le Document final participe du Magistère ordinaire du Successeur de Pierre. »

Ce point est rappelé dans la note précitée qui explique que « le Document final fait partie du Magistère ordinaire du Successeur de Pierre. (…) Il représente une forme d’exercice de l’enseignement authentique de l’évêque de Rome qui présente certaines nouveautés, mais qui correspond en fait à ce que j’ai eu l’occasion de souligner le 17 octobre 2015, lorsque j’ai affirmé que la synodalité est le cadre interprétatif approprié pour comprendre le ministère hiérarchique. »

Ce paragraphe est capital. D’une part il fait référence au Discours pour le 50^e anniversaire de l’institution du Synode des évêques qui exposait pour la première fois la nouvelle idée synodale de François, et d’autre part il éclaire la constitution Episcopalis communio, qui sort de la plume du Pape qui avait déjà anticipé le tour synodal qu’il voulait donner à l’Eglise et au ministère pétrinien.

Ainsi, un texte élaboré par un processus synodal qui a suivi le plan exposé par le document de la Commission théologique internationale sur la synodalité, qui a été voté par une assemblée composée pour une bonne part de laïcs, est maintenant devenu un texte du magistère papal, à l’image – mutatis mutandis – d’un texte conciliaire.

Il n’y avait pas de meilleure manière pour montrer la valeur accordée par le Souverain pontife au sensus fidei, au voyage sous la houlette du Saint-Esprit, à la coresponsabilité, à la collégialité et au discernement ecclésial ou tous – tous, tous, tous… – ont participé. Sans oublier que le point d’arrivée est bien celui que François avait désigné…

Une application différenciée

Le deuxième élément à noter est l’application différenciée que le Pape encourage : « Les Eglises locales et les groupements d’Eglises sont maintenant appelés à mettre en œuvre, dans les différents contextes, les indications autorisées contenues dans le Document, à travers les processus de discernement et de prise de décision prévus par le droit et par le Document lui-même. »

Et François cite pour l’appliquer un texte d’Amoris laetitia : « Certes, une unité de doctrine et de praxis est nécessaire dans l’Eglise, mais cela n’empêche pas l’existence de différentes manières d’interpréter certains aspects de la doctrine ou certaines conséquences qui en découlent », ce qui ouvre grande la porte à des expérimentations et des applications qui seront bientôt incontrôlables.

Quant au point d’orgue, il faut rappeler qu’il prolonge une note ou un silence : l’image peut continuer à s’appliquer à la fonction pontificale qui risque bien d’entrer dans un point d’orgue silencieux, pour laisser à l’harmonieuse cacophonie des Eglises le soin de se développer en toute liberté.

L’histoire du synode sur la synodalité est entrée dans une nouvelle phase dont personne ne peut prévoir l’issue.