Synode sur l’Eucharistie : des opinions différentes, voire divergentes

Source: FSSPX Actualités

 

Le synode des évêques sur le thème "l’Eucharistie, source et point culminant de la vie et de la mission de l’Eglise" a débuté le 2 octobre, il s’achèvera le 23 octobre, date de clôture de "l’année de l’Eucharistie" voulue par Jean-Paul II.

 Le synode des évêques est un organe de consultation, non décisionnaire, qui permet un échange d’informations et d’expériences entre les pères synodaux sur un sujet précis. Il a été institué par Paul VI par le Motu proprio Apostolica sollicitudo du 15 septembre 1965.

 Le danger de la sécularisation des sociétés occidentales, la morale et la perte de la notion du sacré, l’importance de la participation à la messe dominicale, les ombres régnant sur la célébration de l’Eucharistie, l’œcuménisme et l’intercommunion, l’ordination des hommes mariés, la situation des divorcés remariés, tels sont les sujets traités par les 250 pères synodaux. Sur ces questions et sur d’autres, des opinions très différentes se sont manifestées.     

   

Eucharistie, œcuménisme et dialogue interreligieux

 Mgr Sofron Stefan Mudry, l’évêque émérite d’Ivano-Frankivsk (Ukraine), s’est montré très ouvert à l’égard de la communion accordée aux orthodoxes. "En faisant participer les non catholiques orthodoxes à la communion, nous rendons réelle la communion entre nous", a-t-il expliqué. Il a aussi demandé que l’interdiction de concélébrer avec des prêtres non catholiques soit revue "en reconsidérant un certain nombre de points fondamentaux de l’Eucharistie et de l’œcuménisme, précisant par ailleurs le terme ’non catholique’ utilisé par le canon" des Eglises orientales.

 Le président de la Conférence épiscopale suisse, Mgr Amédée Grab, a souligné pour sa part "la convergence croissante" avec les autres communautés chrétiennes sur des thèmes "très importants" comme "la présence réelle, le caractère sacrificiel du mémorial, la nécessité de l’ordination". L’évêque de Coire a noté que "l’intercélébration, l’intercommunion, l’hospitalité générale offerte à tous les baptisés, voire même à tous les présents, ne sont pas possibles", mais il a rappelé que la participation à la communion de baptisés non catholiques, "individuellement, dans des cas exceptionnels et à des conditions déterminées" était explicitement prévue par le Directoire œcuménique de 1993 dans des conditions spécifiques. Le président du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe a noté que, parmi ces conditions, "ne figure pas l’appartenance à l’Eglise catholique". Il a alors invité à ne pas oublier cette possibilité.       

Le cardinal Walter Kasper, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, a aussi parlé de communion possible "dans certains cas particuliers déterminés". Et de citer les critères énumérés dans le Catéchisme de l’Eglise catholique: "un motif grave, la demande spontanée, une bonne disposition et la manifestation de la foi catholique envers le sacrement". Le cardinal allemand s’est dit "personnellement (…) convaincu qu’avec ces critères les problèmes vraiment pastoraux peuvent trouver une solution positive". Parce que "ces questions sont, dans de nombreux pays, d’une grande importance pastorale", le cardinal Kasper a enfin recommandé "qu’ils soient inclus dans le texte final ou dans les propositions" du synode.

 Le dominicain Georges Cottier a affiché une position moins conciliante. Le théologien de la Maison pontificale a rappelé que l’Eglise rejetait l’intercommunion, et affirmé que "la communion eucharistique n’est pas un point de départ". Cette communion, a expliqué le cardinal Cottier, "exprime et porte à la perfection une communion qu’elle présuppose dans son intégralité: communion dans la doctrine des apôtres, dans les sacrements et dans la communion avec le collège apostolique dont Pierre est le chef". Le théologien suisse a reconnu que "cette position, n’étant pas comprise, semble injustement dure" à certains frères protestants. "C’est un devoir fraternel, en conséquence, que l’Eglise dise qu’elle ne se reconnaît pas le droit de disposer à son gré de ce qui est un don reçu de son Seigneur", a-t-il conclu.

 Le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, a expliqué que l’intercommunion ne favorisait pas en elle-même l’unité des chrétiens.Relevant "la relation entre Eucharistie et unité ecclésiale", le cardinal a souligné que l’Eucharistie est toujours une invitation "à l’unité de tous les disciples du Christ". Cependant, "le problème délicat", a-t-il poursuivi, est l’attention à porter à "nos frères séparés". "Je voudrais rappeler que pour favoriser l’unité avec les frères séparés, nous ne devons pas nous diviser entre nous. La voie la plus sûre pour ne pas nous diviser est la fidélité à la discipline en vigueur de l’Eglise", a-t-il poursuivi. A ce sujet, "la discipline est claire", "il suffit de lire la dernière encyclique de Jean-Paul II Ecclesia de Eucharistia" (2003). "La vraie unité suppose les liens de la communion pleine et entière dans la profession de foi, dans les sacrements et dans le gouvernement de l’Eglise. Il n’est pas possible de concélébrer la même liturgie eucharistique jusqu’à ce que soient rétablis ces liens", a alors rappelé le cardinal secrétaire d’Etat. "En cette absence, a-t-il expliqué, on ne peut parler d’unité". Le cardinal Sodano a ainsi rappelé le caractère "extraordinaire" de la communion donnée à des non-catholiques. Il a insisté pour que "la fidélité à la discipline de l’Eglise sur ce point délicat soit une garantie d’unité entre nous, dans l’attente que se réalise la prière du Christ : Ut unum sint".

 

"J’aurais souhaité, qu’au synode, on insiste plus sur l’œcuménisme", a déclaré Mgr Pierre-Antoine Paulo, archevêque coadjuteur de Port-de-Paix à Haïti, lors d’une conférence de presse. Il revenait sur la première congrégation générale du Synode des évêques, durant laquelle le rapporteur général, le cardinal Angelo Scola, patriarche de Venise, avait présenté les questions essentielles à débattre durant le synode.

 Si, dans son intervention, Mgr Paulo a repris les propos du cardinal Scola : "l’Eucharistie fait l’Eglise et l’Eglise fait l’Eucharistie", il a regretté le manque d’exhaustivité de son discours introductif pour le synode. Dans cet esprit, l’archevêque coadjuteur de Port-de-Paix a souligné ce qui, "à son sens", était absent du synode. Pour lui, "la grande attente", dans un esprit d’unité, est "le jour où tous les chrétiens divisés pourront célébrer ensemble l’Eucharistie". "C’est pourquoi j’aurais souhaité qu’au synode, on insiste plus sur l’œcuménisme", a ainsi affirmé l’archevêque haïtien. Evoquant la présence des douze représentants d’Eglises et communautés chrétiennes non-catholiques au synode, il a affirmé qu’il aurait "même souhaité qu’il y ait une célébration œcuménique pour faire vraiment voir que nous sommes en chemin vers cette unité".

 Le prélat haïtien s’est aussi interrogé sur la question de l’accès à la communion des divorcés remariés. Ainsi, il a parlé du panis viatorum, - le pain des voyageurs -, expliquant que, dans certains cas, des membres d’une autre tradition chrétienne "pouvaient recevoir la communion dans l’Eglise catholique et vice-versa", car "l’Eucharistie n’appartient à personne". Il a alors estimé que "pouvait être posée la question du panis viatorum" dans le cas des divorcés remariés. Il a ainsi expliqué que "si quelqu’un qui est en dehors de l’Eglise, quelqu’un qui n’est pas en pleine communion, peut éventuellement recevoir la communion , alors la question peut se poser pour celui qui est déjà dans la communion mais qui, éventuellement, a un problème, un empêchement pour recevoir l’Eucharistie", faisant référence aux divorcés remariés. "Est-ce qu’éventuellement cela ne pourrait pas être envisagé ?" s’est interrogé l’archevêque.

 Enfin, il s’est dit d’accord avec le patriarche de Venise qui a mentionné "les racines juives de l’Eucharistie" dans son discours, alors que cette référence est absente de l’Instrumentum laboris. "Cela pourrait donner une balise de plus sur le chemin du dialogue judéo-chrétien", a-t-il estimé car l’Eucharistie est "un legs, un héritage de la spiritualité judaïque", a-t-il expliqué. 

Mgr John Atcherley Dew, archevêque de Wellington et président de la Conférence épiscopale néo-zélandaise, est lui aussi intervenu sur la question de l’admission des divorcés remariés à la communion. Le prélat a proposé une "approche pastorale" du problème tout comme pour "les catholiques mariés avec des personnes baptisées dans d’autres confessions chrétiennes". Le prélat s’est ainsi déclaré en faveur de l’intercommunion. "Comme évêques, nous avons le devoir pastoral et l’obligation face à Dieu de considérer et de discuter de ces difficultés qui oppriment tant de gens". "Nous devons trouver un moyen pour inclure tous ceux qui ont faim du pain de vie", a conclu Mgr Atcherley, parlant de "scandale de la faim eucharistique".

Mgr Michael Fitzgerald, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, a souhaité favoriser l’accueil des membres des autres religions à la messe : "Dans l’Eucharistie, le sacrifice du Seigneur est offert pour le monde entier. Y compris, donc, ceux qui appartiennent à d’autres religions. Il est bon, de temps en temps, de rendre explicite cette situation à travers l’homélie, par le biais de prières spéciales et parfois même d’une messe spéciale qui pourrait être ajoutée au Missel romain", a-t-il proposé. "Quand des personnes d’autres religions sont présentes à la célébration de l’Eucharistie, il faudrait leur réserver une attention particulière, de manière à ce qu’elles puissent y assister avec profit", a-t-il poursuivi."L’adoration eucharistique est également une occasion de prier pour les personnes d’autres religions", a conclu le prélat anglais.

 

La communion refusée aux hommes politiques favorables aux lois contre la famille

 Les hommes politiques et les législateurs qui ne soutiennent pas les droits de la famille, mais appuient des lois sur les unions libres, le divorce ou les mariages homosexuels, ne peuvent pas accéder à la communion. C’est ce qu’a affirmé le cardinal Alfonso Lopez Trujillo, président du Conseil pontifical pour la famille. "Peut-on permettre l’accès à la communion eucharistique à ceux qui nient les principes et les valeurs humaines et chrétiennes?", a-t-il demandé, affirmant que "la responsabilité des politiciens et des législateurs était grande". "On ne peut pas séparer une prise de position personnelle du devoir socio-culturel. Ce n’est pas un problème privé, il requiert l’acceptation de l’Evangile, du magistère et de la juste raison! Comme pour tous, pour les politiques et le législateur aussi vaut la parole de Dieu", a lancé le cardinal. "Il s’agit d’un problème récurrent de nombreuses nations et parlements", a-t-il poursuivi. "Aujourd’hui, les projets de loi et les choix faits ou à faire mettent en grave danger l’Evangile de la famille et de la vie"."L’avenir de l’homme et de la société est en jeu", a déclaré le cardinal espagnol. Et de dénoncer "le prétendu libre choix politique, qui aurait la primauté sur les principes évangéliques". "Le positivisme juridique, a poursuivi le cardinal, serait une explication suffisante" pour justifier les "positions ambiguës du législateur sur le divorce, sur les couples de fait (i.e. les concubins)... pire encore, quand il s’agit de ’couples’ du même sexe, une chose encore inconnue dans l’histoire culturelle des peuples et dans le droit". "Les politiciens et les législateurs doivent savoir que, en proposant ou en défendant des projets de lois iniques, ils ont une grave responsabilité et ils doivent remédier au mal fait pour accéder à la communion", a conclu le cardinal Lopez Trujillo.

 Le cardinal Javier Lozano Barragan, président du Conseil pontifical pour la pastorale de la santé, a affirmé qu’un catholique ne pouvait soutenir un politicien favorable à l’avortement. Des propos tenus dans un entretien publié le 5 octobre par le quotidien italien La Repubblica, en marge du synode. "Un catholique ne peut soutenir un politicien qui présente l’avortement comme une norme générale". Le cardinal mexicain a soutenu que "lorsque le magistère repousse des lois qui vont à l’encontre de la vie, un fils de l’Eglise ne peut se sentir en pleine communion s’il soutient ce que l’Eglise condamne". Un électeur catholique, a encore estimé le "ministre de la santé" du Saint-Siège, doit exercer un "discernement dans le choix des divers aspects d’un programme" politique, "sachant distinguer entre ce qui représente une atteinte à la vie et ce qui valorise la défense de la vie". Il a ainsi précisé que "l’on ne peut approuver ce qui constitue une atteinte à la vie". "Un catholique devrait s’exprimer pour le changement de ces normes, en soutenant la doctrine de l’Eglise", a-t-il conclu.

 L’Instrumentum laboris, document préparatoire au Synode, déplorait le fait que certains fidèles "communient même s’ils nient les enseignements de l’Eglise ou soutiennent publiquement des choix immoraux, comme l’avortement, sans penser qu’ils commettent un acte personnel profondément malhonnête ni qu’ils sont source de scandale". "Du reste, il existe des catholiques qui ne comprennent pas pourquoi ils commettent un péché lorsqu’ils soutiennent politiquement un candidat ouvertement en faveur de l’avortement ou d’autres actes graves contre la vie, la justice et la paix", pouvait-on encore lire dans ce document de travail rendu public le 7 juillet.

L’ordination d’hommes mariés

Les pères synodaux sont apparus clairement divisés sur la question des prêtres mariés. Le cardinal Nasrallah Pierre Sfeir a rappelé que la moitié des prêtres diocésains de l’Eglise maronite libanaise sont mariés. La question de l’ordination d’hommes mariés pour pallier le manque de prêtres, a-t-il reconnu, est "un problème que personne n’ignore" et "mérite qu’on y réfléchisse sérieusement". "Le célibat est le joyau le plus précieux dans le trésor de l’Eglise catholique", a encore affirmé le patriarche maronite, avant de se demander "comment le garder dans une atmosphère érotisée" où, dans les journaux, sur Internet, sur les affiches, dans les spectacles, "tout s’étale sans honte et ne manque pas de blesser la vertu de la chasteté". "Il va de soi que, une fois ordonné, un prêtre ne peut plus contracter de mariage", a ensuite rappelé le cardinal Sfeir sans être plus précis sur la solution que représenterait  l’ordination d’hommes déjà mariés.

 Le patriarche a aussi confié que "le mariage des prêtres, s’il résout un problème, en crée d’autres aussi graves". Et d’expliquer qu’un prêtre marié "a le devoir de s’occuper de sa femme et de ses enfants, leur assurer une bonne éducation, les caser socialement…". Il a aussi constaté qu’un prêtre marié peut difficilement être muté "en raison de l’impossibilité pour sa famille de se déplacer avec lui". En revanche, le cardinal Sfeir a souligné que "ces prêtres mariés ont préservé la foi du peuple dont ils ont partagé la dure vie ", et que "sans eux, cette foi aurait disparu". Le cardinal Sfeir a enfin évoqué la question de l’envoi de prêtres par des pays qui en ont beaucoup à ceux qui en manquent. Il a affirmé que ce n’était "pas une solution idéale, si l’on tient compte des traditions, des habitudes et des mentalités".

 L’évêque d’Hamilton (Nouvelle-Zélande) a évoqué à son tour la question de l’ordination d’hommes mariés. "En tant qu’Eglise, nous avons le devoir de rechercher tous les moyens pour que l’Eucharistie soit facilement disponible pour tous les fidèles", a ainsi lancé Mgr Denis George Brown, président de la Conférence épiscopale d’Océanie. Il a appelé ses collègues évêques à "rester ouverts aux questions que (leur) posent (les) fidèles". Et de citer une question en exemple : ’Pourquoi semble-t-il possible pour d’anciens prêtres mariés de la Communion anglicane d’être ordonnés et de devenir des prêtres catholiques, alors que d’anciens prêtres catholiques dispensés de leur vœu de célibat ne sont pas autorisés à remplir des fonctions pastorales?’".     

Le cardinal Dario Castrillon Hoyos leur a apporté une réponse. Le préfet de la Congrégation pour le clergé a, lui aussi, évoqué la "richesse" du célibat, affirmant que, "dans le cadre de la culture sexuelle actuelle, le mariage des prêtres ne constituerait ni une garantie ni une sécurité face aux problèmes d’ordre moral qui touchent certains d’entre eux". Ainsi, il a souhaité que Benoît XVI donne aux évêques "la force d’apprécier toujours plus dans notre Eglise le don inestimable du célibat et barre la route à de fausses attentes qui peuvent créer inquiétude et confusion".

 "Le peuple catholique sait-il vraiment ce qu’est l’Eucharistie ?", s’est aussi interrogé le cardinal colombien. Il a alors dénoncé pêle-mêle "la faible participation à l’Eucharistie dominicale, la disparition des associations de culte eucharistique, le manque de cohérence de nombreuses personnes entre leur pratique eucharistique et leur vie, l’habitude généralisée de communier sans s’être confessé, la pratique du sacrement de la part de divorcés remariés et des personnes violentes".

 Quelques jours plus tard, le débat sur l’ordination d’hommes mariés reprenait. "J’ai entendu la triste affirmation selon laquelle nous manquons de prêtres car nous exigeons qu’ils soient célibataires", a regretté l’un des pères synodaux. Il a confié qu’il s’agissait, à ses yeux, du "symptôme d’une crise de foi". Ce prélat s’est alors opposé à l’ordination d’hommes mariés, estimant qu’il ne s’agissait pas d’une solution, et précisant que cela pourrait aboutir à des situations graves comme "le problème de prêtres divorcés" ou "l’abandon de famille". Lors de cet échange, un autre évêque est intervenu sur les solutions à apporter au manque de prêtres. Il a émis le désir que, si le Synode venait à travailler sur la question de l’ordination d’hommes mariés, il devrait aussi réaffirmer la beauté du célibat, en veillant à ne pas l’affaiblir.

 

Le rôle des laïcs devant le manque de prêtres

 L’évêque philippin d’Imus a réclamé "une analyse sereine sur le manque de prêtres", et invité à plus de responsabilité de la part des laïcs. "Alors que nous regardons le monde à propos des menaces sur le sacerdoce, nous devrions aussi nous demander si l’Eglise sait gérer un tel don", a lancé Mgr Luis Antonio G. Tagle. Il a remarqué qu’aux Philippines, "pour répondre au besoin d’Eucharistie, les prêtres disent beaucoup de messes" et "envoient des ministres laïcs pour le service de la Parole et de la communion". Déjà, intervenant devant la presse à l’ouverture du Synode, le 3 octobre, l’évêque philippin avait expliqué que, dans son pays, des responsables laïcs ou des responsables pastoraux menaient ce qu’ils appellent "le service de la parole, le service biblique", pour pallier le manque de prêtres.

 L’évêque indonésien de Jayapura a lui aussi centré son intervention sur le rôle des laïcs. Mgr Leo Laba Ladjar a regretté que le document de travail du Synode, l’Instrumentum laboris, soit "trop centré sur le prêtre". Il a ensuite noté que "le lien entre l’Eucharistie et la réconciliation, ou pénitence, est seulement vu de la perspective du prêtre", et regretté que "l’importance de la réconciliation dans la communauté et dans l’assemblée liturgique soit sous-évaluée". L’évêque indonésien a aussi demandé que le rôle des laïcs ne soit "pas seulement réservé aux situations d’urgence". "Nous devons encourager les théologiens à étudier et formuler une nouvelle théologie du prêtre", a enfin demandé Mgr Ladjar à ses collègues, une théologie "qui tienne compte aussi de la pratique dans les temps apostoliques et dans les Eglises orientales".

 Le cardinal polonais Zenon Grocholewski, préfet de la Congrégation pour l’éducation catholique, est intervenu sur la formation dans les séminaires, demandant qu’elle "soit prise au sérieux". Le cardinal a souligné devant les pères synodaux qu’il "ne serait pas réaliste d’attendre que leurs considérations autour de la promotion de l’Eucharistie portent des fruits sans renforcer la préparation adéquate de ceux qui devront principalement la mettre en pratique dans la vie de l’Eglise".

L’Eglise face à la sécularisation de la société

"Il nous faut prendre notre parti de la sécularisation en cours : c’est une tendance historique lourde et durable", a déclaré l’évêque d’Angers. "Elle a secrété une mentalité - le sécularisme - qui interroge singulièrement la conscience chrétienne", a-t-il poursuivi. Et Mgr Bruguès d’affirmer qu’il existe même une auto-sécularisation à l’intérieur des communautés chrétiennes. "Que devient l’Eucharistie, ’pain venu du ciel’… s’il n’y a plus de ciel? ", a-t-il demandé. Il convient, selon lui, de préciser le rôle que l’Eucharistie doit jouer dans la "nouvelle évangélisation" – fondée sur "l’évangélisation par la culture" - en particulier auprès des jeunes.       

Quant au cardinal Sepe, il est intervenu sur l’évangélisation de ceux qui ont abandonné leur propre foi ou ne la connaissent pas. "Il est vrai que l’évangélisation est unique dans son contenu, mais elle est différente selon celui auquel elle s’adresse", a estimé le préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples. Le cardinal a évalué à cinq milliards le nombre de personnes sur la terre qui "ne connaissent pas Jésus-Christ". "L’Eglise a le devoir de leur porter le pain de la vie et le calice du salut". Pour le cardinal italien, il est nécessaire que "la doctrine de l’Eucharistie soit offerte aux non-chrétiens dans sa vérité totale, sans céder à la ’mode des cultures’" afin que l’Eucharistie ne perde pas sa dimension mystique pour devenir "une variante de l’anthropologie culturelle qui relativise la personne même du Christ".

Liturgie et inculturation

Le président du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SECAM), Mgr John Olorunfemi Onaiyekan, archevêque d’Abuja au Nigeria, s’est félicité de l’inculturation des célébrations eucharistiques sur le continent. "Mon intervention est un hymne de remerciement et de louange à Dieu pour les grandes bénédictions que le peuple d’Afrique a expérimentées dans la période suivant le Concile Vatican II à travers la participation active, consciente et féconde, mais aussi joyeuse, à l’Eucharistie célébrée dans la richesse de nos expressions culturelles", a déclaré Mgr John Olorunfemi Onaiyekan.

 Si le président du SECAM a évoqué "la mesure, la prudence et parfois l’inquiétude" exprimées dans l’Instrumentum laboris "devant les erreurs, exagérations et expérimentations hasardeuses à ce sujet", reconnaissant qu’il "est indubitablement raisonnable de manifester ces réserves" qu’il faut prendre au sérieux, il a ajouté malgré tout que "dans l’ensemble, elles ne doivent pas causer de fausses alarmes". "Dans toute l’Afrique, dans les 40 dernières années, de très belles célébrations eucharistiques sont apparues, qui ont approfondi la foi des personnes, amélioré la qualité de leur participation, intensifié l’amour pour le sacerdoce, infusé joie et espérance au milieu du découragement et du désespoir, favorisé les relations œcuméniques et promu de façon générale l’évangélisation", a poursuivi l’évêque nigérian.       

"L’Eucharistie mérite et reçoit le meilleur de nos cultures", a par ailleurs affirmé Mgr Olorunfemi Onaiyekan. "Nous n’avons pas beaucoup à offrir (…) mais ce que nous avons, nous sommes contents de le donner, a-t-il alors expliqué, nos chants et nos poésies, le roulement de nos tambours et les rythmes de nos danses, tout pour la gloire de Dieu". Pour lui, "solennité et caractère sacré" peuvent en effet "s’exprimer" non seulement par les chants et les instruments traditionnellement utilisés dans le monde occidental, "mais aussi par le gong, le xylophone et le tam-tam". Dans son intervention, le président du SECAM a cependant reconnu que "les problèmes en Afrique sont nombreux".

 L’évêque de Mbujimayi, au Congo, Mgr Tarcisse Tshibangu Tshishiku a établi la liste "de quelques questions très importantes qui devraient être abordées" à l’occasion de la seconde assemblée spéciale du Synode des évêques pour l’Afrique. - Convoquée en novembre 2004 par Jean-Paul II, celle-ci a été confirmée en juin 2005 par Benoît XVI, mais sa date n’a pas encore été annoncée. Mgr Tarcisse Tshibangu Tshishiku, dans son analyse des défis de l’Eglise catholique en Afrique, a évoqué les problèmes de "l’inculturation du culte divin et de la liturgie" dans le continent et de "la situation actuelle de la mondialisation et de la mission de l’Eglise". Il a aussi parlé de "la solidarité inter-ecclésiale, de la situation et de l’avenir des instituts missionnaires et des congrégations religieuses", du "développement global de l’Afrique et des engagements de l’Eglise", ainsi que des "défis de la mission et des chemins de recherche théologique en Afrique".

 

Le point de vue des "délégués fraternels" non-catholiques en faveur de l’intercommunion

Onze des douze représentants des Eglises orthodoxes et protestantes invités à suivre le Synode des évêques sur l’Eucharistie - deux fois plus nombreux que lors des précédentes assemblées synodales ordinaires - ont pris la parole dans l’après-midi du 11 octobre. Seul Robert K. Welsh, de l’Eglise des disciples du Christ (Etats-Unis), n’est pas intervenu. Ces discours, très attendus, ont été centrés sur l’œcuménisme et la possibilité de pratiquer l’intercommunion.

 C’est John Hind, évêque anglican de Chichester en Grande-Bretagne, qui a tout d’abord retenu l’attention. Il  a demandé : "Quand est-il opportun de partager la sainte communion ?" Et de donner l’exemple de Frère Roger de Taizé. "Comment interpréter l’accession publique à la communion de frère Roger Schutz ?". Le fondateur de la communauté œcuménique de Taizé, assassiné en août dernier, avait reçu la communion des mains du cardinal Joseph Ratzinger, alors doyen du sacré collège, lors des funérailles de Jean-Paul II sur le parvis de la basilique Saint-Pierre, au mois d’avril dernier.

"L’Eucharistie n’est pas en premier lieu une question, un rite ou un cérémonial mais un bienfait de la nouvelle vie du Christ", a lancé le ministre anglican. "Si nous devons être de vrais chrétiens, il doit exister des critères de reconnaissance réciproque. La façon dont nous nous tolérons les uns les autres n’est pas moins importante", a-t-il poursuivi. "Les problèmes de l’inculturation mettent en lumière le besoin de discuter ultérieurement sur la diversité et l’unité à l’intérieur de l’Eglise" a-t-il indiqué. "C’est seulement dans le dialogue entre l’incarnation et les cultures particulières que nous pouvons identifier le vrai catholique".

Le luthérien Per Lonning, évêque émérite de l’Eglise de Norvège, lui a emboîté le pas. Donnant plusieurs exemples où lui-même avait été invité à communier par des évêques catholiques, il s’est déclaré "attristé" par les positions contre l’intercommunion exposées dans l’Instrumentum laboris. Les paragraphes 86 et 87, a-t-il estimé, "attristent aussi beaucoup de mes amis catholiques : évêques, doyens, abbés de monastère. Il s’agit du fait que les conclusions sont soutenues avec logique, sans aucune référence à ce qui est arrivé et ce qui arrive dans votre Eglise. On ne prête aucune attention aux différentes opinions qui ne sont pas moins fondées sur la Bible que la position dominante". Dans ce cas, "il pourrait être utile au progrès de l’œcuménisme que cette dernière soit publiée comme la voix officielle de l’Eglise catholique romaine", a encore lancé Per Lonning.

Le patriarche orthodoxe Johannis Zizoulas, métropolite de Pergame, a lui aussi souligné qu’il serait fondamental que "les catholiques romains et les orthodoxes puissent dire d’une seule voix" l’importance de l’Eucharistie. "C’est un péché d’avoir les mêmes convictions en ce qui regarde l’importance de l’Eucharistie sans être capables de la partager lors de le même messe". "Peut-être y a-t-il encore plusieurs points qui divisent nos Eglises, mais par ailleurs nous croyons que l’Eucharistie est le centre de l’Eglise. C’est sur cette base que nous pouvons poursuivre le dialogue théologique officiel entre nos deux Eglises", a-t-il poursuivi.

D’autres délégués fraternels ont enfin tenu à témoigner de la pratique de l’Eucharistie dans leurs Eglises respectives. Ainsi, le représentant du patriarcat de Moscou, Filippo Vasyltsev, a déclaré qu’il serait "très heureux" si "l’expérience orthodoxe de l’Eucharistie aussi bien historique qu’actuelle pouvait être utile et aider l’Eglise catholique". Il a ainsi indiqué que les orthodoxes russes étaient invités à communier une fois par mois, avec l’obligation de se confesser trois jours avant. Mgr Mor Serverius Malke Mourad, du patriarcat syro-orthodoxe, a indiqué que son Eglise avait récemment autorisé les confessions communautaires. Mgr Abuna Samuel, archevêque de l’Eglise orthodoxe d’Ethiopie, a quant à lui indiqué que les prêtres comme les fidèles qui communient, doivent pratiquer un jeûne eucharistique de neuf heures.

 

En marge

 Le déclin de la pratique de la confession ouvre la porte à l’ésotérisme, la magie et l’occultisme. C’est ce qu’a déclaré Mgr Rimantas Norvila, évêque de Vilkaviskis (Lituanie)."Le déclin de la pratique de la confession" délite les liens entre "la communauté paroissiale et l’Eglise", mais favorise aussi ceux - en particulier en Occident - qui cherchent dans "les pratiques ésotérique, la magie, l’occultisme et le New Age" une réponse à leur "propre besoin religieux", a-t-il expliqué. Pour y remédier Mgr Norvila a demandé de revenir à la pratique de la confession et de "la direction spirituelle", afin de "restaurer la pratique religieuse des laïcs et des prêtres". Pour le prélat, le peu de recours à la confession "augmente la suggestivité" et éloigne le fidèle de l’Eucharistie et de l’Eglise.   

Enfin saluons le courage de Mgr Jan Pawel Lenga, archevêque de Karaganda (Kazakhstan), qui n’a pas hésité à demander devant les évêques du Synode que la communion ne soit plus distribuée par des fidèles, mais uniquement par les prêtres et que, pour communier, il soit imposé de se mettre à genoux. Il ajouté que la communion dans la main peut permettre le vol des hosties pour servir à des rites sataniques. De plus, dans certains pays, cette pratique peut être considérée comme un manque de sacralité.