Syrie : Le long calvaire des chrétiens
Mgr Antoine Audo, s.j., évêque chaldéen d’Alep et président de Caritas Syrie, a fait part, le 10 avril dernier, à l’agence Fides de la situation précaire des habitants d'Alep que l’on voit dans la rue avec un sac en plastique à la main à la recherche continuelle d'un peu de nourriture. Des centaines de familles catholiques ont dû quitter le quartier de Cheikh Maksoud après l’entrée des milices rebelles, début avril. De nombreuses rues sont fermées à la circulation, impraticables, rendant difficiles toutes visites aux malades ou mourants. La plupart des médecins ont été contraints de fuir à la suite de menaces et le sort de deux prêtres, arménien catholique et grec orthodoxe, enlevés par des gens armés, voici deux mois, sur la route d'Alep à Damas, demeure toujours inconnu, expose Mgr Audo.
Ce quartier de Cheikh Maksoud, installé sur une colline qui domine Alep, ajoute le Père David Fernandez, missionnaire de l’Institut du Verbe Incarné, représente un secteur stratégique pour ceux qui veulent conquérir le centre ville où se trouvent les édifices gouvernementaux. Certaines rues du centre sont déjà fermées et « personne ne peut plus y circuler parce que des tireurs embusqués tirent depuis les édifices sur tout ce qui bouge ». A Cheikh Maksoud, les chrétiens représentaient dans le passé la majorité de la population. Au cours de ces dernières années, la population kurde y est devenue majoritaire. Les familles chrétiennes restaient cependant nombreuses, rassemblées autour des églises arménienne-catholique et grecque-orthodoxe.
Mgr Samir Nassar, archevêque maronite de Damas, rapportait le 13 avril, le dilemme crucifiant des chrétiens de Syrie de « devoir choisir entre deux calices amers : mourir ou partir » qui est « une autre manière de mourir », plus lente. Dans les pays voisins, où le nombre de réfugiés ne cesse d’augmenter la situation est de plus en plus critique. Le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies (HCR) a tiré « la sonnette d'alarme ». Les opérations d'aide aux réfugiés syriens arrivent à un point de rupture faute de financements suffisants. Sur place, ce sont les bombardements, les voitures piégées, la faim, et l’absence de médicaments et de soins : « 233 hôpitaux ont été fermés et les médecins fuient », explique l’archevêque de Damas. Les paroisses sont « devenues un mur de larmes vers lequel les chrétiens se tournent chaque jour pour trouver protection et aide dans leur recherche d’un visa pour partir ». « L’indifférence et le silence de la communauté internationale face à leur triste et long calvaire » accablent les chrétiens syriens, qui « abandonnés » se trouvent « condamnés à la mort sans pouvoir fuir », poursuit le prélat. « Les consulats sont fermés depuis un an et demi ». Les plus aisés ont pu partir mais les chrétiens les plus pauvres ne comprennent pas pourquoi ils doivent mourir dans cette guerre insensée. « Pour ces naufragés, l’Eglise est aujourd’hui le seul recours. (...) Mais les pasteurs sont confrontés, eux aussi, à un dilemme : dire à leur fidèles de rester, c’est les condamner à mort ; les aider à partir veut dire vider la Terre Biblique de ses derniers fidèles », conclut Mgr Nassar.
Les chrétiens syriens ont proclamé le samedi 11 mai, journée de prière afin « de supplier Dieu d’accorder miséricorde à la Syrie et de mettre fin à la violence », en demandant à tous de se « limiter à des réunions locales à travers le pays, dans les maisons, les lieux de rencontre et les églises », en raison du trop grand risque de se déplacer dans les zones de combat. Le Père David Fernandez, présent à Alep, explique à l’agence Fides que « la population attendait avec angoisse le mois de mai pour demander à Marie la grâce de la paix. Nous célébrons la Messe chaque après-midi avec les réfugiés et ceux qui parviennent à venir et nous récitons le Saint Rosaire à cette intention. Tous chantent les litanies et l’hymne final à la Vierge avec une grande émotion. Ils demandent à Marie le don de la paix, s’adressant à elle comme à la seule qui puisse encore les aider à conserver vivante l’espérance dans la situation terrible que nous vivons actuellement ». (Sources : apic/fides/afp – DICI n°275 du 17/05/13)
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